Delphine Lévy : “Être en phase avec ce que ressentent les conservateurs”
2013-2018 : le premier quinquennat de Paris Musées révèle un bilan très positif. L’accroissement du nombre de visiteurs, de même que l’augmentation de 16 à 32 % du taux d’autofinancement en sont les vecteurs. Un travail de fond piloté par Delphine Lévy, et portant sur tous les aspects : ainsi des très nombreuses acquisitions d’œuvres et de la mise en ligne documentée de l’ensemble des pièces des collections. En renouvelant et réformant la présentation des collections permanentes, plusieurs musées (Bourdelle, Zadkine, Petit Palais, musée d’Art moderne…) enrichissent l’expérience physique et esthétique du visiteur. L’exemple le plus éloquent est sans doute le Petit Palais, avec un nombre de visiteurs passant de 358000 en 2012 à 1171220 en 2017. “Christophe Leribault, son directeur, a fixé une ligne scientifique d’exposition très rigoureuse, axée sur un parti pris que nous partageons : à savoir que les sujets d’exposition atypiques, peu ou pas connus du grand public, s’il sont construits sur une belle scénographie et un accompagnement didactique limpide, recueillent l’intérêt et l’assentiment d’un large public.” La création d’une nouvelle salle des icônes, destinée à mettre en valeur ce patrimoine inestimable – la plus belle collection en France –, l’organisation d’événements (concerts de Pauline Croze, soirée électro…), l’inscription du lieu dans le parcours de la Fiac sont autant d’initiatives destinées à éveiller l’intérêt de nouveaux publics et, plus encore, à gagner sa confiance.
“Les sujets d’exposition atypiques, peu ou pas connus du grand public, s’il sont construits sur une belle scénographie et un accompagnement didactique limpide, recueillent l’intérêt et l’assentiment d’un large public.” D.L.
Même schéma au Palais Galliera : Olivier Saillard, directeur durant huit ans, a été un acteur crucial dans la réouverture, en 2013, de ce musée de la mode, aujourd’hui l’un des plus intéressants au monde. Et en chantier pour 2020 : un nouveau musée de la Libération de Paris place Denfert-Rochereau, la délicate rénovation du musée Carnavalet, “qu'il faut parvenir à moderniser sans nuire à son charme”...
Pourtant, les premières orientations de Delphine Lévy ne la prédestinaient pas à un tel parcours. L’ÉNA, de même que Sciences Po, une maîtrise en droit public, une licence et un master en histoire de l’art, et une année en langue et civilisation anglaises. Mais aussi une fille, née en 1998, et un livre (publié en 2016) consacré à Walter Sickert, postimpressionniste anglais. Au rayon professionnel, son grand saut est émaillé de nombreuses sources de satisfaction et de certaines contrariétés. “Les premières années de vie professionnelle post-ÉNA impliquent la prise en charge de postes très lourds, rendant impossible toute recherche intellectuelle personnelle. Ce basculement un peu brutal a fait naître chez moi un certain manque”, souligne Delphine Lévy. Son premier poste de chef de mission du Fonds national de l’emploi lui permet de “mieux comprendre les mécanismes de l’entreprise et du privé”. Après avoir stabilisé sa vie professionnelle, elle choisit de reprendre des études, en parallèle. “J’ai toujours été passionnée par l’histoire de l’art, ce cursus complémentaire me permettait de réparer une frustration.” Elle œuvre ensuite au secrétariat d’État chargé du droit des femmes puis au ministère du Travail pour mener une réflexion sur les actions de lutte contre le chômage, avant de s’atteler au sujet des grandes exclusions auprès de Bertrand Delanoë. L’enjeu majeur que constitue la réduction des inégalités est au cœur de son programme de réhabilitation d’habitats insalubres, de réinsertion et de retour à l’emploi des chômeurs à Paris.
Nommée directrice adjointe de cabinet, elle est chargée de la culture, du logement et des questions sociales. “J’ai alors pris la mesure de l’état de dégradation des musées de la Ville de Paris, dotés certes de bonnes équipes, de collections superbes, de magnifiques bâtiments classés, toutefois peu entretenus, mais privés du rayonnement auquel ils auraient pu prétendre.” Défaut de vitalité et de notoriété dû à la gouvernance globale des musées, confiée à un petit bureau des musées au sein d’une grande direction des affaires culturelles. Or, sans direction générale ni structure dédiées, pas d’objectif fixé et lenteur de décision. Delphine Lévy a alors pour mission de déterminer les paramètres d’une réorganisation et d’un encadrement plus efficace en préfigurant un établissement public, dépendant de la Ville de Paris mais autonome, créé en 2013, dont elle prend la direction. Pour le meilleur, sans le pire.
Aujourd’hui, la recherche fait-elle toujours partie des indispensables de Lévy ? “Continuer à apprendre, à chercher, à rencontrer me tient vraiment à cœur. Je pense qu’il est important, lorsqu’on dirige des musées, d’être en phase avec ce que ressentent les conservateurs, et de partager avec eux un certain amour de l’art, des artistes.”
À VOIR :
JEAN FAUTRIER, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, jusqu'au 20 mai.
LES HOLLANDAIS À PARIS, 1789-1914, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, jusqu'au 13 mai.
MARGIELA / GALLIERA, 1989-2009, Palais Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris, jusqu'au 15 juillet.
PARFUMS DE CHINE, Musée Cernuschi, musée des arts de l'Asie, jusqu'au 26 août.
L’ENFANCE DES LUMIÈRES, Musée Cognacq-Jay, le goût du XVIIIe siècle, jusqu’au 29 juillet.
PENSER, C’EST VOIR ! Maison de Balzac, jusqu’au 1er juillet.
L’OR DU POUVOIR, Crypte archéologique de l'Ile de la Cité, à partir du 26 mai.
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