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Design Miami 2024 : Touret, Prouvé et les autres

Organisée dans le cadre de la Paris Art Week, la foire d’arts décoratifs Design Miami s’est tenue du mardi 15 au dimanche 20 octobre. Elle possède un intérêt particulier tant pour son lieu, l’hôtel de Maisons, dans lequel a vécu Karl Lagerfeld que par l’intimité des stands qui se succèdent dans l’enfilade de pièces de la demeure d’exception.

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La galerie Kreo avec la table de Ronan Bouroullec

Nous voici donc dans l’hôtel de Maisons, possédé par la famille Pozzo di Borgo, où nous sommes accueillis par un grand tapis réalisé par Trish Andersen. Réalisé d’après lesmesures de l’escalier en trois parties, le tapis polychromereprend les motifs des moulures au plafond. Proposé aux pieds du public par l’exposant SCAD, école internationale de design qui représente les réalisations de ses anciens élèves, il sera découpé en morceaux et revendu par petits bouts.

 

Chaque étage de l’hôtel particulier est marqué par l’empreinte d’un artiste. Touret au premier étage chez Bréhéret Despret et Gastou et Prouvé au rez-de-chaussée chez Downtown-Laffanour et Patrick Seguin.

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Le tapis de Trish Andersen

Au premier étage, c’est Jean Touret qui est mis à l’honneur. Si Design Miami impose que les grandes salles soient partagées entre deux galeries, cette règle a été mise à profit par les galeries Bréhéret Desprez et Yves Gastou qui présentent une collection commune de l’artiste. Le duo a été récompensé par le prix du meilleur stand de Design Miami. Le mobilier en bois et en métal de Touret est mis en valeur par une lumière tamisée qui transforme la salle en une sorte de petite cabane chaleureuse

 

Hélène Bréhéret et Benjamin Desprez, fondateurs de la galerie qui porte leurs deux noms, nous racontent que cette collaboration avec la galerie Yves Gastou est avant tout « amicale ». L’unité de leurs deux collections réside dans leur « amour commun pour Touret et Marolles », amour commun à l’origine de leur rencontre tournée autour d« une même vision du métier ». Les deux galeries ont souhaité se rapprocher au plus près d’une exposition autour des œuvres du designer et sculpteur qui a eu lieu en 1958 au château de Blois, référence fondamentale dans le travail de l’artiste. Vannerie, bois, métal, luminaires : tous les aspects de son œuvre sont ainsi représentés. Les objets de mobilier ont été réalisés en partenariat avec les ateliers de Marolles.

L'extérieur avec la maison de Jean Prouvé

Jean Prouvé fait quant à lui briller le rez-de-chaussée. La galerie Patrick Seguin propose les chaises les plus mythiques de l’artiste nancéen. La plus ancienne, c’est la Cité Armchair, et son habillage rouge, de 1930, qui était d’abord prévue pour peupler des logements étudiants et se retrouve à Design Miami. Quelle ascension.

 

Et le jardin se pare aussi des couleurs de Prouvé en présentant une de ses maisons démontables. Si l’année dernière c’était à la galerie Patrick Seguin qu’incombait la tâche – qui en propose une cette année en face du Grand Palais , c’est la galerie Laffanour - Downtown qui a pris le relais. Il s’agit d’une maison démontable construite à Carnac en 1946 pour l’usage personnel de la famille de l’artiste comme maison de vacances. Les cloisons ont été démontées mais il reste les armatures en fer et on y trouve du mobilier postérieur, notamment le Daybed bleu de 1954. Si certains auraient rêvé d’installer à nouveau la maison de Jean Prouvé dans son milieu naturel à Carnac, c’est trop tard, cette dernière a trouvé preneur à plus d’un million d’euros selon le site web de Design Miami.

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La salle commune des galeries Bréhéret Desprez et Yves Gastou

Dans le jardin, les moutons en pierre de François-Xavier Lalanne broutent entourés des créations de KalouDubus et de Jean Lerat.

 

L’artiste est représenté, comme son épouse, Claude, par la galerie Mitterrand, qui présente uniquement des œuvres des époux. Le directeur de la galerie Sébastien Carvalho se montre particulièrement enthousiaste à l’égard des moutons du jardin, « on dirait qu’ils étaient là avant que l’on n’arrive » nous dit-t-il. Il s’explique. Ami des Pozzo di Borgo, c’est pour un hôtel particulier comme celui-ci que François-Xavier Lalanne a pensé ses moutons. Si l’environnement de l’hôtel sied aux moutons, ils n’y resteront pas et vogueront dès dimanche vers de nouvelles pâtures.

 

À proximité d’un labyrinthe de haies, d’autres galeries présentent leurs œuvres en extérieur. La galerie Bréhéret Desprez présente des œuvres de Kalou Dubus, qu’ils représentent exclusivement, notamment des bancs blancs et bordeaux, faits de carreaux, qualifiés par un passant de « rétrofuturistes ». Ces mêmes passants n’hésitent pas à s’approprier l’art et à s’asseoir sur les œuvres de la sculptrice. Ils y tiennent salon.

 

Du côté droit du jardin, on retrouve une sculpture en forme de triangle de Jean Lerat, Triangle Bird de 1970 pour le compte de la galerie Artrium.

 

Les jours pluvieux, le vert de l’herbe disparaît au profit du ballet bleu et blanc des parapluies offerts par Design Miami inspirés par le motif de la maison idéale de l’artiste Buckminster Fuller, Fly’s Eye dome, possédée par Craig Robins, Président Directeur Général de Design Miami.

Les céramiques d'Ettore Sottsass

La couleur turquoise est très présente à Design Miami 2024. La galerie Kréo présente ainsi une bibliothèque turquoise de Mark Newson, designer d’Apple. La fondatrice de la galerie Clémence Krzentowski nous explique qu’elle est « en écho avec les couleurs du jardin ». Outre cette bibliothèque modulaire, la galerie présente la dernière création de Virgil Abloh, styliste américain mort en 2021. Il s’agit d’un « trône », qui joue sur les apparences, du bronze semble être du bois poli. Il est aussi loisible pour le visiteur d’y découvrir l’originale table en verre coulé du designer breton Ronan Bouroullec qui a exposé jusqu’au mois de septembre au centre Pompidou.

 

Le turquoise est aussi présent dans le dressing de Karl Lagerfeld, occupé cette année par la galerie japonisante d’Erik Thomsen qui présente une collection de céramiques.

 

Le stand des manufactures de Sèvres sort, enfin, du canon. Il propose en effet un seul type d’œuvres : des rééditions de céramiques réalisées par Ettore Sottsass pour le centre Pompidou en 1994, en partenariat avec les manufactures de Sèvres pour le travail sur la céramique. Quasiment toutes vendues, ces œuvres polychromes de forme cylindrique témoignent du choix ambitieux et original des couleurs chez Sottsass. Son noir ne contient aucun reflet d’autres couleurs.

 

Rencontré entre les galeries Artrium et Patrick Seguin, le designer Hubert Le Gall loue certaines galeries qui ont proposé des pièces novatrices comme Patrick Seguin ou encore Yves Gastou. Il a aussi trouvé les œuvres de Carpenter’s Workshop spectaculaires, notamment une table de Vincenzo de Cotiis. Il nous avoue qu’il aurait été heureux devoir plus de galeries internationales. Pour lui, « quand on va visiter Design Miami, on a envie de rêver un peu, de trouver de la fantaisie et de la nouveauté, et des œuvres qui ne viennent pas du faubourg Saint Germain ou de la rue de Lille ».

 

Design Miami s’est en revanche véritablement installé dans l’écosystème artistique parisien. Design Miami est un succès tant public que commercial. La foule s’accumule sur le trottoir dès l’ouverture à onze heures du matin et les galeristes semblent pour l’essentiel satisfaits de leur participation à cette foire.

 

Design Miami, c’était donc les classiques, Prouvé, Touré, Paulin, des plus jeunes, Newson, Dubus, Bouroullec mais surtout une intimité créée par un hôtel particulier qui donne presque au visiteur l’illusion d’être chez lui.

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