Prix Révélations Emerige, incubateur de talents
Propos recueillis par Yamina Benaï
Sur le titre de l’exposition : “En forme de vertiges”
Ce choix est fonction des œuvres que j’ai pu découvrir lors de mon travail avec les artistes, il est survenu de manière assez naturelle pour qualifier la relation que l’on peut avoir avec l’art, notamment lorsque l’on est face à des œuvres très puissantes. Le vertige renvoie à la sensation que cette vision crée à l’intérieur de nous. Au lieu de dire à quoi ces œuvres ressemblent, je préfère répondre qu’elles sont en forme de vertiges.
Sur les pratiques représentées
Les douze artistes de l’exposition (Mali Arun, Laetitia de Chocqueuse, Marcel Devillers, Jérôme Grivel, Alice Guittard, Luke James, Fabien Léaustic, Alice Louradour, Gwilherm Lozac’h, Eva Medin, Linda Sanchez, Apolonia Sokol) ont des pratiques très diverses. Ainsi, nous n’avions pas présenté de peinture aussi significative depuis la première édition des Révélations Emerige, qu’avec une artiste comme Apolonia Sokol. La pièce centrale du dispositif de l’exposition développe toute une réflexion déclinant différentes approches de ce médium, qui peuvent “s’incarner” en un caisson unique, un tondo, une peinture dans ce qu’elle a de plus minimal... L’exposition se veut à multiples visages : elle met en scène, par exemple, de la céramique, traitée par Fabien Léaustic sous forme d’une colonne d’où ruisselle de la barbotine liquide, d’un autre côté nous avons des sculptures qui s’effondrent avec le travail de Jérôme Grivel, de même qu’une forte représentation de la vidéo avec deux courts-métrages – le travail de Mali Arun notamment –, ainsi que des vidéos qui sont davantage de l’ordre de l’expérimentation. “En forme de vertiges” entraîne ainsi véritablement le visiteur dans l’éventail des médiums que manipulent les artistes d’aujourd’hui, tels le plomb, le bois, tout en restant dans une approche très contemporaine. L’artiste cherche avant tout le sens que ce matériau apporte à son travail, ce qu’il va lui permettre de raconter. Depuis plusieurs années, on observe un retour de matériaux traditionnels qui sont détournés, réexploités par cette jeune scène dans des propositions inédites. La bourse Emerige témoigne beaucoup de ces usages. On le voit notamment dans le travail de récupération effectué par Alice Louradour, avec le grand mur situé dans l’entrée de l’exposition, réalisé uniquement avec des matériaux de chantier – bâches, sacs à gravats –, et qui pourtant parvient à diffuser une fraîcheur et une énergie assez étonnantes... Jusqu’aux plaques de marbre utilisées par Alice Guittard dans son travail photographique, comme s’il s’agissait de feuilles de papier. Toutes ces récupérations et ces détournements traduisent une approche très contemporaine.
Sur la composition des différentes séquences de l’exposition
La première salle de l’exposition est davantage liée au récit et au paysage, la deuxième salle est dédiée à un dialogue entre sculpture et peinture qui, semblant très classique, se révèle en réalité très contemporain. La troisième pièce, dite “salle des colonnes”, rassemble les cariatides de Fabien Léaustic et les colonnes couchées de Linda Sanchez, lauréate de l'édition 2017. J’ai envisagé les espaces en tenant compte des caractéristiques des lieux : certaines œuvres nécessitant, par exemple, de l’obscurité, sont naturellement exposées dans les espaces plus sombres, tandis que la salle située à l’étage dont le sol est recouvert de moquette se prête davantage à la présentation de vidéos, créant un cadre plus intime... Au rez-de-chaussée, j’ai opté pour la distribution d’œuvres assez percutantes, qui ont besoin d’espace pour s’exprimer. Puis à partir de cela, j’ai réparti les œuvres au sein d’un cadre plus intime, pour installer une relation plus personnelle avec le spectateur.
Sur le modus operandi du Prix et sa portée
Nous recevons environ 900 candidatures chaque année, que nous examinons attentivement avec nos deux galeristes invités : cette année – galerie The Pill d’Istanbul (Suela J. Cennet) et la galerie Papillon (Marion et Claudine Papillon). Nous épurons la sélection par étapes successives... toute la difficulté de la délibération intervenant au moment de resserrer le nombre des artistes au choix final.
Lors de notre première édition intitulée “Voyageurs” (2014), le lauréat du prix Révélations Emerige, Vivien Roubaud, a ensuite été accompagné par la galerie invitée, Fabienne Leclerc/ galerie In Situ. Cet accompagnement constitue l’un des principes de notre programme. Or, cette année à la Fiac, Vivien Roubaud bénéficiait d’une quasi-exposition personnelle sur le stand de la galerie In Situ. Autres exemples, sur le stand Fiac de la galerie Michel Rein, notre partenaire de l’année dernière, était exposée une œuvre d’Edgar Sarin, lauréat de Révélations Emerige 2016, quant au stand de la galerie Vallois, il présentait des œuvres de Lucie Picandet, lauréate de l’édition 2015. Ainsi, non seulement les lauréats connaissent une avancée concrète après avoir remporté le prix Révélations Emerige, mais encore nombre des autres candidats à la bourse ont l’opportunité de nouer des liens avec des galeries, d’avoir leurs œuvres acquises par des collectionneurs... Cette bourse représente un véritable tremplin pour les artistes, et son enjeu vise à la professionnalisation de cette nouvelle génération d’artistes.
Bourse Révélations Emerige 2017 – 4e édition
Le jury : Laurent Dumas (président du Fonds de dotation Emerige), Andrea Bellini (directeur du Centre d’Art contemporain, Genève), Suela J. Cennet (fondatrice et directrice de la galerie The Pill, Istanbul), Eric de Chassey (directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art, Paris), Alexia Fabre (conservatrice en chef du Mac Val, Vitry-sur-Seine), Eric Mangion (directeur du centre d’art de la Villa Arson, Nice), Didier Marcel (artiste), Marion et Claudine Papillon (directrices de la galerie Papillon, Paris).
La lauréate de l’édition 2017 : Linda Sanchez (née en 1983, vit et travaille à Marseille).
Elle bénéficiera d’un accompagnement professionnel, d’un atelier et d’une bourse de 15 000 € pour réaliser sa première exposition personnelle à la galerie Papillon en 2018.
Les partenaires : galerie The Pill (Istanbul), qui accueillera l’artiste Alice Guittard pour une exposition personnelle, et galerie Papillon (Paris).
“En forme de vertiges”
exposition du 8 au 30 novembre, à la Villa Emerige
7, rue Robert Turquan, 75016 Paris
Commissariat de l’exposition : Gaël Charbau
www.revelations-emerige.com