Transgenres

Par Yamina Benaï

Depuis 2007, le programme annuel Audi Talents Awards accompagne des artistes émergents, en mettant à leur disposition de généreux moyens pour la réalisation de leur projet. Projet élu sur la portée et la singularité de sa démarche, par un comité d’experts de différentes disciplines. Au fil du temps, ce sont ainsi plus de 40 créateurs en art contemporain, design, musique à l’image et court-métrage qui ont été distingués. A changement de décennie, évolution des esprits ! 2017 a marqué un nouveau rythme dans le programme, guidé par la volonté d’abolir les frontières en recourant à l’appellation “Arts visuels” (design, arts plastiques, arts graphiques, créations numériques et audiovisuelles).

Appel à projet a ainsi été adressé aux 40 lauréats : dix ont répondu, livrant une réalisation guidée par un cahier des charges très libre : à savoir la participation de chacun des créateurs à une série de workshops tenus en février et mars 2017 sur le thème de la mémoire et de l’empreinte du XXIe siècle.

Exception faite de la vidéo de Neil Beloufa (montrée au Moma PS1 en 2015), tous les projets sont inédits, créés in situ et inscrits dans un temps de conception réduit. Autre particularité : ils rassemblent pour la première fois des lauréats autour d’un projet commun et du croisement des disciplines, via un travail en solo, en binome ou en trio. L’exposition, tenue sur les 200 mètres carrés de la Galerie, se découvre comme autant de récits personnels, auxquels chaque visiteur appliquera son prisme sensitif.

Ainsi, Jérôme Dumetz (lauréat Design 2013) a travaillé sur la trace écologique, notamment liée au réchauffement climatique, via une réflexion globale. Il présente une installation où trône son véritable bureau de travail sur lequel perle de façon continue l’eau issue de la fonte des glaces... faisant par la même disparaître ses documents de travail.

Grégory Hervelin, (lauréat Court-métrage 2009) explore la modification de la perception en mettant au point un casque doté d’une caméra, dont le design a été réalisé par Franck Fontana (lauréat Design 2007).

Constance Guisset (lauréate Design 2010) s’est intéressée à la création de pièces de mobilier à partir de lave, matériau nouveau dans sa pratique. Monolithe évoque ainsi les notions de feu, de foyer, d’origines... Arnaud Lapierre (lauréat Design 2011) a appliqué le faisceau de la trace au sens littéral du terme, en faisant couler sur une pierre poreuse du bleu de méthylène qui, au fil de l’exposition, inscrit ses formes au gré des coulures colorées.

En sous-sol, la mélodie de Wilfrid Almendra, (lauréat Art contemporain 2008) se joue en mode lyrique, sous ses aspects minimalistes. L’idée-concept étant qu’une antenne brouille les pistes audio des voitures qui circulent à proximité de la galerie, et diffuse des moments de poésie parlée dans le cours des programmes. Une installation à base de matériaux très simples : cuivre, caoutchouc, latex.

Le principe de la carte blanche a permis à certains de développer à partir de projets déjà existants, tel Neil Beloufa (lauréat Art contemporain 2011). En accompagnement de sa vidéo consacrée à l’analyse menée par un groupe de chercheurs sur des adolescents tout au long d’une soirée... il a posé un dispositif en acier, fer à béton et résine époxy.

Arnaud Astruc & Benjamin Fournier-Bidoz, (lauréats Musique à l’image 2012), en trio avec Alexandre Echasseriau, (lauréat Design 2014) ont imaginé un numéro de téléphone laissé à la discrétion de chacun aux fins de recueillir des messages à partir desquels les créateurs ont recrée une bande-son abritée par une alcôve où le visiteur peut entendre et écouter le monde.