Design

Liautard & The Queen: "On aime imaginer de la décoration patrimoniale, vouée à durer"

Rencontre avec Soraya Djemni-Wagner et Maxime Liautard, duo créatif complémentaire derrière l'agence d'architecture d'intérieur Liautard & The Queen.

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©Karel Balas

Quels ont été vos parcours respectifs, et comment en êtes-vous venus à vous associer?

Maxime Liautard:  Je viens d’Annecy et je suis venu à Paris pour intégrer Penninghen. J’ai aimé leur système à rebours des autres écoles, où on a l’occasion de faire ses preuves lors de la première année d’études plutôt que d’être jugé à l’entrée sur un simple book de lycéen. J’ai ensuite travaillé presque 5 ans chez Studio KO, où j’ai rencontré Soraya.

Soraya Djemni-Wagner: Je suis autodidacte. En 2020 en plein Covid, Maxime et moi avons donc monté notre structure et renommé l’agence pour officialiser ce projet en duo. Contrairement à de nombreux créatifs, nous avons eu la chance de beaucoup travailler durant la pandémie. Dès le mois de Novembre 2020, nous avons signé un projet d’envergure, l’aménagement de l’Hotel Florida.

Quels sont les défis à relever quand on travaille en duo, et comment vous répartissez-vous les différentes étapes de votre processus créatif?

ML: Les choses se sont mises en place naturellement, nous ne nous sommes jamais assigné des rôles officiels. Je démarre en général les recherches de direction artistique, puis ensuite on se lance dans une réflexion à deux sur le coeur du projet et les façons de le mettre en place.

SDW: Je pilote entièrement la partie administrative, même si Maxime est au courant de tout. Maxime est plus doué que moi sur la direction artistique pure c’est indéniable, mais je suis ensuite à même de matérialiser ses idées, et de leur permettre de prendre forme. Nous n’envisageons pas la société hors de notre duo. Si l’un des deux voulait partir à l’avenir, on arrête tout et on fera autre chose, on se l’est souvent répété!

Quelles sont vos inspirations majeures, en design ou en architecture?

ML: Andrée Putman dont j’admire le travail, mais aussi Tom Ford dont la vision m’a toujours impressionné. Jean Michel Frank aussi, et des références cinématographiques mais peu d’architecture pure, sauf Richard Neutra et l’architecture mid century.

SDW: J’ai toujours évolué dans l’univers du luxe, et j’ai donc toujours cultivé l’amour du beau et du bien fait. Cela a résonné avec Studio KO, une entreprise au sein de laquelle je me suis immédiatement sentie à ma place du fait de leur style contemporain mais aussi de leur prédilection pour des univers tels que ceux de Madeleine Castaing ou Jean Michel Frank. J’aime ces objets indéniablement beaux, mais pas neutres pour autant.

Comment définiriez-vous votre identité et la patte Liautard & the Queen?

ML: Elle s’est un peu épurée par rapport à nos débuts. Nous mettons à l’honneur des matériaux sobres, même si il y a beaucoup de couleurs et de motifs. Nous nous concentrons sur des références Art Deco plutôt que d’imaginer des fourre-tout de plusieurs époques.

SDW: Même si on aime créer des pièces et du mobilier, nous ne sommes pas dans la sur-performance. On aime à penser de la décoration vouée à durer, des décors presque patrimoniaux.

Les projets phares que vous présenteriez à quelqu’un qui souhaite découvrir votre univers et vos travaux?

ML: L’Hôtel Florida qui ouvrira début 2024, sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années. C’est l’un de nos projets les plus aboutis, où chacune des 40 chambres a son univers propre. Mais aussi La Môme Monaco, où nous avons pu insuffler une nouvelle façon de voir l’espace. Notre premier restaurant en nom propre, sans contrainte de budget. 

SDW: J’ajouterais aussi un appartement que nous avons réalisé dans le 8ème arrondissement, un lieu placé sous le signe du voyage, à l’image de ses propriétaires qui ont parcouru le monde.

Comment faire évoluer le regard d’un client à l’heure d’un certain formatage des lieux d’hospitalité, en particulier sur les réseaux sociaux?

SJW: Sur l’hospitality et la restauration, aucune chaine n’est jamais venue nous trouver, nos clients sont des restaurateurs et propriétaires indépendants. Quoi qu’on en dise, il est plus simple de convaincre une personne seule que tout un collège avec sa charte existante, ses contraintes. L’aspect humain est aussi déterminant. On passe parfois trois ans sur un projet, il faut un minimum d’affinités et de compréhension, l’aspect humain pèse beaucoup dans la balance. Le contact est parfois trop difficile dès les balbutiements du projet, ce qui nous a déjà poussés à décliner des propositions.

ML: La majorité de nos clients vient nous consulter au départ sans aucune idée. C’est ensuite à nous qu’il revient de les convaincre, de leur expliquer notre démarche, avec des 3D ou des perspectives à la main. 

On parle souvent de design éco responsable, avec tout le greenwashing qui va avec. Concrètement, comment abordez-vous ce facteur?

SDW: Le fait que nous adorions chiner du mobilier vintage constitue sans doute l’aspect le plus raisonné de notre approche. Par ailleurs, disons le franchement, c’est très difficile. On a des contraintes budgétaires, et même si l’intention de départ est là et que nous soumettons des matériaux ou des peintures éco-responsables à nos clients, celles ci sont souvent plus chères. 

Au final, c’est le client qui décide et quand il souhaite minimiser ses coûts, il fait souvent l’impasse sur l’écologie! Il est donc parfois difficile de trouver du sens dans les discours green. Si on veut vraiment être éco responsable, on ne produit rien. On fait donc toujours du mieux qu’on peut, bien qu’on soit souvent rattrapés par la réalité.

Comment reste t-on créatif à l’heure des réseaux sociaux, alors que tous les lieux finissent par se ressembler?

ML: En effet, la mainmise des chaines fait que les lieux se ressemblent tout autour du globe et proposent des univers mondialisés. Il n’y a parfois plus aucune cohérence !

SDW:  De nombreux clients nous répètent « il faut que ça soit instagrammable !» alors que c’est un terme tellement subjectif. C’est parfois une lutte avec certains clients, une recherche perpétuelle de juste équilibre entre photogénie et originalité. Nous avons toujours eu le luxe d’avoir du temps, et de ne pas créer dans l’urgence comme l’exigent certains. Cela nous aide à cultiver notre imaginaire et à créer des projets voués à durer plutôt que de surfer sur des tendances éphémères.

On travaille actuellement sur un bar à chicha, un glacier, des choses très atypiques et différentes, et nous en sommes ravis. Nous avons la chance d’avoir une clientèle qui vient nous voir davantage par du bouche a oreille que pour une course à l’article prestigieux et à la visibilité.

Les pièces de design pour lesquelles vous craqueriez si vous aviez un budget illimité?

ML: Le canapé Camaleonda de Mario Bellini, un intemporel!

SJW: Je vais me contredire car cela n’est pas du vintage, mais je dirais une table de Vincenzo de Cotiis!

https://www.latq.fr/en/

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Maison Palmier à Abidjan ©Yann Deret
Maison Palmier à Abidjan ©Yann Deret
La Môme Monaco ©Yann Deret
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