Olivier Theyskens se livre sur sa collection Azzaro Couture automne-hiver 2021-2022
Dans sa nouvelle collection Azzaro haute couture automne-hiver 2021-2022, Olivier Theyskens évoque le rêve dans une ode à la soirée et invoque le réel pour le sublimer davantage. En exclusivité pour L’Officiel Belgique, il nous en dit plus.
Pour sa nouvelle collection Azzaro haute couture automne-hiver 2021-2022, le designer belge Olivier Theyskens, véritable maestro du noir, met en valeur les codes de la couture avec l'équilibre parfait des opposés où se mêlent fluidité et structure, ombre et lumière, glamour et sobriété. Des jeux d'asymétrie tranchants découpent la silhouette dans un entrelacs de lignes pures et modernistes, tandis que des épaules fortes ou un décolleté plongeant rencontrent une longue fente qui s'étend de bas en haut des robes. Côté ornement, des broderies de perles, de cristaux et de paillettes de toutes tailles s’invitent sur toute la collection avec leurs multiples éclats, rivalisant avec l'éclat du lamé liquide, pendant que des colliers et des chaînes ornent les bords des modèles en crêpe de soie sombre. Les silhouettes féminines et masculines se font écho dans des matières brillantes ou glacées à travers une palette sobre de noirs, ponctués d'argent, d'irisations et de blanc pur. Le costume d'homme est quant à lui entièrement brodé de micro-lames de paillettes étincelantes qui se déclinent aussi en une série de robes micro-bijoux. Une véritable collection de party girl (et boy) version couture donc, à l’occasion de laquelle le créateur s’est livré au jeu du questions-réponses. Rencontre.
La collection que vous présentez est à la fois intemporelle et contemporaine, quel esprit avez-vous voulu lui donner?
Cette collection est importante pour moi car j’ai cherché à exprimer l’esprit du fondateur Loris Azzaro dans mes créations. J’ai eu l’occasion de découvrir les pièces Azzaro conservées dans les collections du musée Galliera, ce qui m’a permis de m’approcher au plus près des œuvres. Insuffler l’énergie et la personnalité - qui étaient par ailleurs présents dès les débuts de la maison - dans une création contemporaine qui me parle, est l’essence de mon approche. Créer ce dialogue est aussi une façon de mettre en avant les valeurs fondamentales de la maison et, je l’espère toucher à l’atemporel.
La sophistication s’associe à une certaine sobriété, pourquoi ce choix?
Dans le monde d’aujourd’hui je trouve cela détonnant et classe ! Les silhouettes osent cependant des découpes très audacieuses avec une grande liberté de mouvement.
Ce vestiaire s’inscrit dans le soir, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui à vos yeux dans la façon d’aborder la nuit ?
L’esthétique glamour de la collection exulte un côté nocturne pour toucher au rêve et évoquer le moment suspendu du soir, de la nuit, ses ombres et reflets. J’aime à penser que c’est un moment qui se vit aussi de façon très personnelle car il y a une forme d’intimité dans le vécu du soir, de la séduction, de la sophistication et de l’expression de soi. L’asymétrie tient une place centrale dans la collection et se joue des reflets du miroir monumental du défilé.
Pourquoi ce choix de scénographie ?
Les découpes asymétriques très tranchées dans de nombreuses pièces de la collection m’ont donné envie de regarder sous divers angles les silhouettes. A travers un reflet en aplomb des mannequins j’ai désiré bousculer nos repères et incliner la perspective dans l’espace afin que le reflet vienne frôler l’épaule des mannequins et nous dévoiler leur face cachée.
Que vous évoquent ces jeux de reflets, dans les matières, dans le décor, dans la lumière, dans la narration de ce défilé ?
Je pense à un lobby au murs imposants, aux reflets glaçants, un moment de fuite d’un lieu de la nuit, bondé et très bruyant quand persisterait encore dans l’oreille un bourdonnement cotonneux...
Les découpes sont également un thème très fort et présent dans les silhouettes, tout en mystère sans rien dévoiler, avec des techniques très différentes. Qu’est-ce que cela révèle de la femme et de l’homme Azzaro ?
Tout part du dessin à la base et dès les premières esquisses je me suis laissé porter par le graphisme de découpes franches, d’une ligne épurée et de créations fortes formellement. Les matières également sont souvent très techniques et nouvelles. Elles emmènent le savoir-faire d’atelier et la main tailleur vers de nouveaux territoires techniques.
On retrouve dans les créations des références fortes à Loris Azzaro, les anneaux, les chaines, comment vous ont-elles inspiré ?
J’ai voulu explorer l’ornementation de modèles par des procédés inhabituels. J’ai joué avec l’apport de colliers de chaines et de perles reliant les échancrures des robes ou des manches. Ici, les anneaux emblématiques percent un tailleur, là les flans d’une robe. Des broderies sont réalisées avec des caviar de perles métalliques qui sont couverts de plaques transparentes de plexiglass sans oublier les brillances et les éclats de sequins de toutes sortes qui couvrent intégralement certains looks ou s’amassent dans les décolletés. Je trouve une cohérence dans ce jeu avec l’approche originelle de Loris.
La musique est un titre de Princess Demeny, une incantation du New York nocturne des années 70 et 80, à la fois onirique et saisissant, pourquoi ce choix ? Quelle résonnance avec cette collection ?
Je suis envouté par l’interprétation habitée de Princess Demeny, poétesse, chanteuse et réalisatrice, qui évoque dans ce titre l’impression qui peut nous submerger au sortir d’un rêve, l’affect d’évènements qui y ont eu lieu, qui sont flous mais nous touchent. L’arrangement sonore de la musique apporte une aura sophistiquée, lumineuse et lascive qu’on retrouve dans la collection.
Le défilé présente également plusieurs pièces pour homme, dans une fluidité créative avec les modèles pour femme, comment travaillez-vous ces 2 univers ? Comment appréhendez-vous ce dialogue entre les 2 lignes ?
Ces univers cohabitent, influent l’un sur l’autre en s’échangeant des matières, des formes. Comme cela arrive souvent avec un vrai couple à la vie il y a un effet vase communiquant ! D’autant plus que de nos jours, pour les meilleures raisons du monde, cet échange est fluide et libéré. J’apporte énormément d’importance à la mise en valeur des corps que ce soit par les formes ou la coupe, tant pour elle que pour lui.
Quel modèle de la collection a été le plus complexe à réaliser et pourquoi ?
Énormément de challenges techniques se cachent dans l’étude et la réalisation des pièces, la magie du travail d’atelier est de réussir à rendre cet effort visiblement « effortless ».
C’est votre 3ème collection pour la Maison Azzaro, quel est votre état d’esprit ?
Je vois beaucoup de chemin parcouru déjà et encore beaucoup à accomplir.
Découvrez le film du défilé Azzaro Couture automne-hiver 2021-2022 :