Chitose Abe :"la France est un pays très important pour moi"
Certaines maisons (peu nombreuses) ne vendraient pour rien au monde leur univers au profit d'une tendance qui, à peine apparue sur le podium, sombre dans l'obsolescence la plus complète. En bonne ambassadrice de cette maxime, Chitose Abe dévoile saison après saison une annexe fantasmagorique et ultra désirable de son imaginaire où cohabitent bergers, guerriers tribaux, amazones et protagonistes urbains dans la plus parfaite harmonie. Un fil conducteur ? La passion de la créatrice pour tout ce qui l'entoure, ce qu'elle porte, ce qui décore sa maison. Imaginé comme un lieu secret composé de tout ce qui fait sa personnalité (et par conséquent l'ADN de Sacai), le Jardin Sacai rassemble une multitude de collaboration et pièces exclusives en rapport avec le label. De la porcelaine humanoïde signée Gelchop aux parkas The North Face, des mules Zucca aux robes-polo Lacoste, chaque élément du décor crie son appartenance aux sphères du cool. Au sous-sol, c'est Mardi Gras, émérite restaurant tokyoïte, qui s’est occupé d’occidentaliser sa carte en imaginant un voyage gustatif de l’Archipel à Paris, tandis que les bartenders du mythique Toriba Coffee s’occupent de faire goûter leurs grains incomparables aux inconditionnels de l’expresso post-repas. Une installation très personnelle et hybride, qui nous est présentée par l’éminence grise du projet.
Votre premier souvenir chez Colette ?
La première fois que je suis venue présenter ma collection à Paris, Colette est venue en personne, et a acheté mes collections. Depuis, 15 ans après, Sacai a été présent chaque saison au sein des collections du magasin sans discontinuer. Ce fut la première à commercialiser la marque à Paris, et en France.
Quelle est l’importance de Paris et du marché français pour Sacai aujourd’hui ?
Pour l’image et pour le business, la France est un pays très important pour moi. Je pense que c’est grâce à Colette que le nom de la marque est ce qu’il est en France aujourd’hui. Et c’est d’ailleurs Sarah Andelmann qui m’a conseillé de venir défiler à Paris, pour faire connaître mes créations à un public international lors de la semaine de la mode. Avant cela, nous n’étions représentés et exposés que dans des showroom commerciaux.
Le brief initial du Jardin Sacai ?
Je l’ai conçue comme si c’était ma petite maison, où sont rassemblées toutes les choses que j’aime. L’ensemble a été imaginé un peu comme un labyrinthe, plein de recoins, de couloirs, d’alcôves. Le jardin est constitué de toutes les pièces que j’aime porter, que j’ai créées avec des amis, qui m’inspirent. A chaque fois que j’entame une collaboration, je vais rencontrer le designer en question, nous parlons, nous échangeons. Il faut qu’il y ait une vraie relation avant d’entamer un échange professionnel.
Vous avez collaboré avec Lacoste. Quelles sont les valeurs qui vous lient à cette maison française ?
En général, les marques avec lesquelles je choisis de collaborer sont les marques que je porte dans la vie courante. J’ai une affection particulière pour Lacoste, qui est un symbole de la France. Du fait de sa production locale, il semblait évident de collaborer avec eux lors d’un évènement Sacai dans l’Hexagone.
Votre ressenti alors que vous exposez chez Colette deux mois avant sa fermeture, là où tout a commencé ?
J’en suis extrêmement honorée. Cela fait 16 ans que nous entretenons avec Colette une belle relation, et contrairement à Saint Laurent ou Chanel qui sont de grandes maisons, nous sommes une marque indépendante. J’en suis donc encore plus honorée.
Vous mixez plusieurs influences totalement différentes dans vos collection, à l’image de votre collaboration avec The North Face. Le vrai luxe est-il aujourd’hui une question de liberté ?
Oui, exactement. Je n’aime pas trop utiliser le terme luxe, le définir. Pour moi, il n’y a pas de limite à la création, si j’aime quelque chose je n’ai aucun problème à le mélanger avec un élément complètement différent, qui n’a jamais été vu avec. Je ne travaille qu’avec des influences, des tissus et des pièces qui me plaisent, c’est là le seul critère dans mon processus créatif. Pour les petites poupées Peloqoon par exemple, j’ai voulu les intégrer au Jardin car je les collectionne, alors que je suis adulte. Je n’aime pas les personnes qui pensent qu’une marque de luxe doit être formatée via une structure précise, il faut avoir l’esprit libre. C’est ce qui m’inspire le plus. On peut vraiment parler d’un style Sacai saison après saison, qui ne suit pas la tendance, mais qui reste lui-même. Il y a tellement de marques dans le monde aujourd’hui qu’il est important de créer son propre univers pour se différencier.
Jardin Sacai, jusqu'au 30 septembre chez Colette, 213 rue Saint-Honoré, 75001