Crystal Renn : pionnière de la mode vegan

Figure clé du body positivisme, Crystal Renn est l'un des mannequins les plus célèbres d'Amérique. À vingt-deux ans elle faisait déjà la couverture des plus grands magazines, photographiée par Steven Meisel, Ellen Von Unwerth, Ruvén Afanador et Patrick Demarchelier, égérie des campagnes publicitaires Dolce & Gabbana, défilant également pour Chanel et Jean-Paul Gaultier. Dans son livre « Hungry », elle parle de ses combats pour s'accepter, au-delà des canons imposés par le système, après s'être imposée des régimes à risque et un stress émotionnel. Elle est depuis devenue végétalienne. Et cette philosophie de vie la poursuit désormais.

L'OFFICIEL PARIS : Comment avez-vous imaginé et conçu votre séance photo pour L'Officiel Italia ?
CRYSTAL RENN : Tout est parti d'une question : comment aborder une séance photo axée sur un mode de vie vegan, le tout d'un point de vue haute couture ? Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui, à quoi cela ressemblera-t-il et comment allons-nous procéder ? L'équipe de travail a été ravie par ce défi de créer un shooting responsable. Je suis devenue végétalienne à 30 ans, "mariée" à ce que je considère comme mon mode de vie. Et depuis lors, je me suis toujours demandée comment inspirer chaque partie de ma vie sur cette philosophie. Ce fut certainement une expérience d'apprentissage, ponctuée d'essais et d'erreurs. Plus que jamais, je joue un rôle important dans les séances photos auxquelles je participe, ce qui demande beaucoup de recherche et de minutie. C'est vraiment devenu mon objectif de déplacer l'attention de l'industrie dans cette direction, donc par défaut, je finis par être un peu un guide. Il s'agit d'informer et d'enseigner, et en même temps d'apprendre tout en le faisant. C'est vraiment un territoire inexploré.

LOI : Comment le véganisme et la durabilité ont-ils été pris en compte dans cette séance photo ?
CR : Du styliste qui a approché les maisons de couture en expliquant que nous ne voulions pas inclure le cuir, les plumes, la fourrure, la laine et même la soie ; jusqu'à la maquilleuse qui n'utilisait aucun produit nocif ou chimique, tout comme à la mise en beauté avec les produits capillaires Manic Panic, étaient vegan. L'emplacement, le 1 Hotel South Beach Miami, est lui-même construit selon des principes et des matériaux durables, et le service de restauration est également végétalien avec leur Love Life Cafe. Bien sûr, sans la vision du photographe Paul Empson, nous ne l'aurions pas fait ! Les designers ont envoyé leur interprétation « consciencieuse » de notre brief, tandis que Victoria Bartlett (la styliste) et moi nous sommes consacrés à la recherche de designers émergents tels que Tiziano Guardini, Benedetti Life, ACBC, et nous les avons mixés avec d'autres pièces mode. Même les tissus utilisés pour le couvre-chef sont dans la thématique conscious, car nous les avons commandés en ligne sur SwatchOn - la plateforme de sourcing qui a noué un partenariat avec le CFDA en 2020 -, qui propose des tissus durables à partir d'un minimum de trois mètres, idéal pour réduire les déchets et très avantageux pour les créateurs qui ne peuvent pas commander les mêmes quantités que les grandes marques.

LOI : Nous savons que vous avez grandi à Miami, comment était-ce de retourner dans votre ville natale pour tourner pour L'Officiel ?
CR: La ville a radicalement changé au fil des ans et est devenue encore plus spéciale grâce à l'afflux de personnes dans la communauté de l'art et du design. L'Arts District où nous avons tourné est mon quartier préféré et, à mon avis, il offre le meilleur de Miami. Il est connu pour ses murs graffés et pour le fait que partout où que vous vous tourniez, vous pouvez trouver une forme d'art ; un endroit parfait pour capturer des images. Cafés, galeries et nombreuses autres choses sont à voir et à faire. L'atmosphère de ces lieux me représente pleinement.

LOI : Quels changements significatifs avez-vous remarqués au cours de votre carrière ?
CR : Le débat sur la diversité dans la mode et dans le monde, et mon rôle dans celui-ci. Dès mon plus jeune âge, j'ai compris que nous étions tous différents pour une raison, et à juste titre. Nous devons reconnaître à quel point il est important de s'honorer les uns les autres et d'abolir ces préjugés hiérarchiques qui ne mènent finalement qu'à notre souffrance collective. Les droits des animaux sont une question de diversité tout comme le poids, l'âge, la couleur, l'ethnicité. Nous devons donner une voix à ceux qui ne sont pas dans les codes, pour qu'il n'y ait plus de souffrance. Un monde dont on peut dire qu'il est guéri est un monde qui ne juge pas et ne faiblit pas. J'ai été positivement impressionnée par les créateurs qui ont opté pour le sans fourrure, comme Chanel, Margiela et Tom Ford, Gucci, Prada et Versace. Le changement est possible et est déjà en cours.

LOI : Quels sont les changements possibles dans le futur ?
CR : La bonne nouvelle, c'est que faire de la mode 100% vegan est en fait facile à faire : il s'agit simplement de changer de tissus. Aujourd'hui, éliminer les tissus d'origine animale ou impliquant des animaux en production est possible. Il existe de nombreuses alternatives, comme la soie à base de roses, les peaux à base de légumes et de fruits comme l'ananas. Ce n'est pas un gros sacrifice et, franchement, je trouve plus luxueux de porter des vêtements créés avec des matériaux nouveaux et expérimentaux. Cela dépend des choix du concepteur et de son approche de l'acheteur. Un consommateur qui achète réellement des vêtements végétaliens ne fait pas un acte dénué de sens. Ajouter des options "consciencieuses" à une collection chaque saison est un bon début, offrant des réponses à la demande croissante du consommateur conscient.

LOI : Vous êtes l'auteur du livre Hungry, qui traite de votre point de vue sur la diversité, plus précisément sur le corps. Comment votre état d'esprit sur la vie et l'alimentation a-t-il changé depuis lors ?
CR : Immensement, même lorsque le livre a été publié, je me sentais déjà transformée en autre chose. J'ai adopté une pratique de yoga et de méditation immédiatement après la sortie de mon livre, ce qui m'a aidé dans mon développement intérieur. En réponse à cela, ma physicalité a également radicalement changé, l'environnement autour de moi. Mon âme s'est enrichie, j'ai voyagé et exploré la vie dans d'autres pays. J'ai ressenti une illumination après l'autre, et cette impression perdure aujourd'hui encore. Ma vie spirituelle est ma priorité absolue et l'a toujours été, et une pratique disciplinée du yoga et de la méditation est la façon dont je continue à l'approfondir. Au cours de mon adolescence et de ma vingtaine, j'avais expérimenté de nombreux régimes par curiosité, mais c'était une période d'exploration et de guérison. Après ces dures restrictions, j'ai opté pour la crudité — ça fait désormais environ 4-5 ans. Je n'ai pas pour autant honte de mon amour de la malbouffe végétalienne et je me permets de temps en temps de succomber à la tentation. Cette façon de manger est une priorité pour mon équilibre quotidien, globalement c'est l'alimentation la plus douce pour la planète et pour mon corps. C'est très en phase avec mes valeurs et avec qui je suis aujourd'hui.

LOI : Comment gardez-vous votre équilibre ? Et plus personnellement, que faites-vous de votre temps libre ?
CR: Je suis Gémeaux et je suis toujours en mouvement. Mon mode de vie joue le plus grand rôle dans mon équilibre - principalement le hot yoga, la méditation et mon alimentation. Les voyages où je marche pendant de longues périodes seule m'aident à me vider l'esprit. Mes voyages récents les plus notables ont été de piloter un hélicoptère avec ma grand-mère jusqu'au camp de base de l'Everest, et d'optimiser également mon temps en vivant temporairement en Israël. C'est mon endroit préféré où séjourner. À part ça, j'écris beaucoup, je fais des projets artistiques et j'aime la photographie. Je joue aussi du piano.

LOI : Y a-t-il quelque chose que le monde pourrait ou ne pourrait pas savoir sur vous ?
CR: Après 12 ans de pratique de l'astrologie, je suis l'astrologue officieux de tout le monde.

LOI : Comment sauver le monde en une phrase ?
CR : La société nous enseigne à supposer que tout sauf nous-mêmes n'est pas sensible jusqu'à preuve du contraire, et que nous devons agir en conséquence. Je pense le contraire et je vous conseille de partir du postulat que tout est à considérer comme vivant. Ce n'est qu'en pensant de cette façon que je me suis trouvée.

CREDITS 

Photographie PAUL EMPSON

Stylisme VICTORIA BARTLETT

Modele Crystal Renn

Cheveux @ MANIC PANIC et produits capillaires @ R + CO et AMIKA

Make-up Saito Chichi @ ARTDEPTAGENCY avec des soins vegan @ BIOSSANCE et du maquillage vegan @MILKMAKEUP

Assistant Stylisme Danielle Wellington ;

Special Thanks to : 1 Hôtel South Beach Miami.