Sara Sampaïo : "Maîtriser sa sexualité est un signe de force"
Du haut de ses 26 ans et de ses 6,4 millions de followers, le top d’origine portugaise Sara Sampaio détonne pour une raison peu courante dans la mode : loin des beautés plus atypiques que le luxe d’avant-garde affectionne, elle joue des codes les plus sexy. En passant d’un lexique bombshell façon Alerte à Malibu à la bomba latina ou la plus classique pin-up, elle détourne et transcende ces iconographies, les métamorphosant en marques d’empowerment. Adepte des grands écarts, passant allègrement d’une campagne Calzedonia à un défilé Victoria’s Secret ou aux pages de Purple Magazine, elle remet en question toute la hiérarchie d’un secteur édifié sur un snobisme bien ancré. Pour ce numéro sur les révolutions, nous avons décidé de mettre en avant cette femme à la démarche féministe et féminine des plus moderne. Elle a en effet choisi de s’attaquer au magazine Lui pour l’avoir trop poussée vers un shoot dénudé auquel elle ne consentait pas. Sa sexualité et son corps sont son affaire. Ni plus ni moins. Rencontre avec une personnalité qui s’affirme là où ne l’attend pas.
Y a-t-il des clichés que vous avez eus à combattre au fil de votre carrière ?
Sara Sampaio : Comme tout le monde, j’ai été forcée de combattre les préjugés auxquels les gens aiment à s’attacher… Le plus important, pour moi, a sûrement été ma taille. Comme j’étais moins grande que la moyenne des mannequins, on m’a toujours répété, depuis le premier jour, qu’il y avait des choses que je ne pourrais jamais faire sous prétexte que j’étais “petite” avec mon mètre 72 : je ne ferais jamais de défilés ni la couverture de magazines, je serais seulement en position d’être ce que le milieu de la mode, dans son snobisme, appelle un “mannequin commercial”. Mais ça n’a fait que renforcer ma motivation, et j’ai prouvé à tous, un par un, qu’ils avaient tort.
Les mouvements Time’s Up et #MeToo se propagent dans le monde entier. Pourquoi pensez-vous qu’ils éclatent enfin ?
Nous sommes arrivées à un stade où, en tant que femmes, nous parvenons enfin à nous écouter, à nous voir, et à nous identifier les unes aux autres. Lorsque les gens se rassemblent, le changement s’opère.
Il y a eu des scandales dans le monde de la mode. Que faudrait-il encore changer pour que la libération des femmes soit complète ?
Dans tout changement, il y a un temps pour raconter une histoire et un temps pour passer du récit à l’action. Maintenant que nous avons identifié le problème, l’industrie devrait s’employer à le résoudre. J’estime qu’il serait bon que les professionnels de la mode commencent à considérer les mannequins comme des égales, des personnes à part entière, avec des sentiments, des opinions et des droits, et non comme de simples corps qu’ils peuvent exploiter à l’envi.
LVMH et Kering, depuis peu, appliquent la loi française sur le poids et l’âge des modèles. Cela suffira-t-il pour transformer les mentalités ?
Il est très important d’améliorer le droit du travail pour les modèles. Tout le monde mérite d’avoir sa sécurité garantie, d’être rémunéré correctement et de faire entendre ses préoccupations. Il y a encore tant à faire… Dans la mode, le plus urgent est de changer les mentalités, et il y a un sacré chemin à faire.
Qu’est-ce qui vous donne le sentiment de vous émanciper ?
Réussir ce pour quoi j’ai travaillé si dur, alors que tout le monde me disait que je n’y arriverais pas. Montrer aux gens qu’ils avaient tort me donne confiance en moi et me libère.
Lorsque vous défilez ou posez pour des marques traditionnellement sexy, comme Victoria’s Secret, comment trouvez-vous force et confiance ?
Je crois que la confiance et la force viennent de l’intérieur, du fait de se connaître et de connaître sa valeur.
Avant, les féministes estimaient qu’une femme ne pouvait être à la fois sexy et forte… Pourquoi serait-il impossible d’être les deux ?
Ce n’est pas antithétique. Ces termes peuvent coexister sans problème. Maîtriser sa sexualité et la vivre sans honte est un signe de force. Pourquoi devrais-je cacher que je suis sexy pour être prise au sérieux ? Je suis celle que je suis, mon côté sexy en fait partie, et le fait d’aimer me sentir sexy ne me diminue pas en tant que personne ou en tant qu’être moral. Plus les femmes prendront l’habitude d’assumer leur côté sexy sans honte et sans craindre de ne pas être prises au sérieux, plus elles s’émanciperont et se sentiront fortes.
Retrouvez la suite de l'interview de Sara Sampaïo dans L'Officiel de mai 2018 actuellement en kiosque
Remerciements au spa Lanserhof à Tegernsee, Allemagne
Photographie par Emma Hartvig
Stylisme par Vanessa Bellugeon
Grooming par Ismael Blanco, Stéphane Bodin et Sergio Corvacho
Assistant photo Bertrand Jeannot
Assistantes stylisme Gabriela Cambero et Laura Céci
Photographies retouchées