Food

La superfood, miracle ou mirage?

Baies anti-âge, algues plus nutritives qu’un steak ou racines régulatrices d’hormones, une avalanche de végétaux surdoués ont envahi nos assiettes. Le point sur une révolution parfois prise pour un filon marketing.
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Le kale n’a plus la cote. Du moins plus en 2017, relégué qu’il est par des études successives au même rang que les bons vieux épinards vapeur. Pourtant, si le fameux chou frisé ne va pas nous sauver du cancer, impossible d’ignorer qu’il a entraîné, dans son ascension première, toute une vague d’intérêt pour d’autres aliments miracles. Rebaptisées “superfood”, ces bombes nutritives nous épargneraient même la corvée des cinq fruits et légumes par jour grâce à des vertus antioxydantes et une surcharge en vitamines. Baobab, moringa, chaga, açai ou spiruline, ces plantes, algues et graines venues, pour la plupart, de l’autre bout du monde, présenteraient des pouvoirs quasi sorciers, souvent hérités des savoirs empiriques des civilisations passées. Et pourquoi pas ? “Parfois, les études ne nous disent rien”, explique Emma Sawko, fondatrice du concept vegan Wild & the Moon. “Ça peut venir d’un savoir ancestral, d’Indiens d’Amazonie par exemple, qui utilisent telle herbe ou tel fruit depuis des millénaires, et nous mettent sur la piste. Or, à bien y regarder, on ne voit rien. Une teneur un peu plus élevée en vitamine B ou E ? Bof… Rien de bien exceptionnel, vous diront des scientifiques. C’est qu’on oublie souvent qu’on n’a pas encore mis en lumière toutes les molécules bienfaitrices du monde végétal et que celles-ci agissent en synergie avec tous les composés d’autres plantes.” Une démarche enthousiasmante, parallèle aux modes d’alimentation habituels. “On ne peut plus passer à côté”, soutient Jenna Bitan, diététicienne consultante au palace Royal Monceau. “Je me suis vite aperçue que, pour certains, les superaliments étaient même devenus indispensables. Ils jouent un rôle fondamental dans le nouveau mode de vie healthy.”

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Wild & the Moon.
Sol Semilla.
Nubio.
Des chips de kale.

Pour le corps et l’esprit

Mais, au même titre que les compléments alimentaires, les superaliments peuventils avoir un réel impact sur le fonctionnement cérébral, comme certains le promettent ? Oui, selon Claire Nouy, fondatrice de la marque Nubio, leader français sur le (très) jeune marché des cures de jus, qui vient de mettre au point une nouvelle gamme de poudres ultra-ciblées baptisées Superfood Mix. “Plus que les ingrédients eux-mêmes, ce sont surtout des synergies, qui permettent à l’un de décupler les effets de l’autre.” Par exemple, le mélange Lucidité, fait de graines de tournesol, bananes, baobab, maca et baies de goji, où la synergie se fait surtout entre la maca, véritable régulatrice d’hormones, et le fruit du baobab, réputé pour lutter contre la fatigue et contribuer au bon fonctionnement du système nerveux grâce à une surcharge en vitamine C. “Bien sûr, je n’apprends rien à personne si je dis que l’alimentation est fortement liée à l’équilibre psychologique”, reprend Claire Nouy, “mais l’avantage de ces poudres est de fournir, dès le matin, un apport suffisant pour pouvoir passer le reste de la journée à faire moins attention.” De la déculpabilisation en poudre donc, à mixer avec son jus frais ou son lait végétal. Autre monomanie superfood, les célèbres graines de chia, dont l’utilisation remonte aux civilisations aztèques, qui les consommaient entre autres pour accroître leurs capacités intellectuelles face à l’ennemi. Tombé dans l’oubli après l’invasion espagnole au XVe siècle, ce dérivé de la sauge est de nouveau exploité au début des années 1990 par l’entreprise américaine Core Naturals LLC, qui se remet à cultiver la graine de chia blanche sous le nom breveté de Salba, avant d’en inonder le monde entier. Joli coup capitaliste ? Pas seulement. Car ces petites graines qui deviennent gélatineuses au contact d’un liquide contiennent le taux le plus élevé d’acides gras oméga-3 d’origine végétale, reconnus comme des alliés non négligeables dans le traitement de la dépression. Mieux encore, les feuilles de l’arbre Moringa oleifera, considérées comme miraculeuses par la médecine ayurvédique et récemment démocratisées sous forme de poudre, sont actuellement au cœur de nouveaux traitements contre la maladie d’Alzheimer pour leurs effets sur la mémoire. Un argument de poids pour en mettre tous les matins dans son smoothie.

L’approche cosmétique



Chez Wild & the Moon, ouvert l’année dernière rue Charlot à Paris, les jus bio prennent des airs de potions magiques : “Hangover cure”, “Liquid motivation”, “Doctor digestion”, mais aussi et surtout “Better than Botox”, une des meilleure ventes, dont les ingrédients – concombre, pomme, menthe sauvage, betterave et aloe vera – n’ont pourtant rien d’exotique : “Une étude, par exemple, confirme les bienfaits de l’aloe vera lorsqu’il est ingéré : les rides sont diminuées chez des femmes de plus de 40 ans et les stérols de la plante stimulent la production de collagène et d’acide hyaluronique au niveau du derme”, explique Emma Sawko. “Et la betterave est reconnue pour ses effets antioxydants et anti-inflammatoires, contribuant donc à freiner le vieillissement cutané.” Jenna Bitan mise quant à elle sur l’urucum, une plante d’origine indienne dont les graines présentent un indice en bêta-carotène cent fois supérieur à celui de la carotte, “contribuant bien plus largement à l’éclat de la peau”. À Paris, on peut la trouver chez le spécialiste de la superfood, Sol Semilla (www.sol-semilla.fr). Pour ce qui est de la promesse antirides, en revanche, inutile d’aller chercher le sacro-saint collagène, forcément d’origine animale. “Mais nous sommes en pleine recherche pour trouver des composantes végétales aussi efficaces, notamment dans les algues”, promet Claire Nouy. Une bonne nouvelle, y compris pour une industrie cosmétique de plus en plus tentée par l’approche vegan. La frontière est mince, d’ailleurs, entre un mouvement slow food obsédé par les superaliments et la naissance d’un marché beauté alternatif. Et si, en France, l’offre est encore timide, il suffit d’une brève recherche pour s’apercevoir que, chez nos voisins, les fameux antioxydants extraits des nouveaux végétaux stars ont remplacé les agents anti-âge habituels, victimes d’une méfiance croissante de la part des consommateurs. Sérum à la baie de goji et à l’açai chez Odacité, shampoing au baobab bio chez Evolve UK, masque au curcuma chez Kiehl’s et même essence d’avocat chez Skinfood, marque coréenne débarquée chez Sephora le mois dernier, la superfood est la nouvelle lubie beauté et offre, au-delà d’une efficacité qu’il est encore trop tôt pour prouver formellement, une approche saine et plus responsable de la cosmétique, en adéquation avec un mouvement slow global qui prend de plus en plus d’importance.

Intox et détox


Mais faut-il pour autant écumer les magasins bio et les sites de vente américains pour refaire entièrement son placard (et son vanity) ? Absolument pas, surtout si on en croit les dernières études en date, démontant vitamine après vitamine les vertus de superaliments comme le kale, qui ne serait pas plus nutritif qu’une choucroute garnie. “D’ailleurs”, explique Claire Nouy, “il suffit souvent d’aller chez l’épicier bio du coin pour trouver des superfoods locales, comme les graines de tournesol, le cassis ou le brocoli, dont les propriétés sont souvent égales à celles des produits plus exotiques, plus chers et plus marketés.” Pour Emma Sawko, “le terme superfood est un terme qui interpelle. Il est évident qu’il y a des pièges marketing, et il est souvent plus avisé d’avoir recours à des produits locaux, de nos régions, que d’importer un produit inutile du bout du monde. Mais il n’en reste pas moins qu’il est des espèces du règne végétal aux propriétés exceptionnelles et qui ont leur place dans notre alimentation.” De même, “saupoudrer de la spiruline sur sa salade ne va pas lui donner de pouvoir particulier. Pour qu’un aliment soit efficace, il faut le consommer tous les jours et en quantité importante”, explique Claire. Sa solution ? Miser sur des cures, en fonction de besoins “bien identifiés”. Autre bonne idée, faire confiance aux composantes actives ajoutées à des mix de superaliments, comme les probiotiques, micro-organismes vivants qui ont un impact prouvé sur le bien-être digestif et donc, à long terme, sur le poids, la peau et la longévité. Extraits de produits comme le chou kimchi ou les boissons kéfir et kombucha, tous trois obtenus par fermentation lactique, végétale ou fongique, ils enrichissent désormais les green juices, poudres à prendre en complément et même des chocolats en snack, pour un coup de boost quotidien et peu contraignant. Même combat pour le charbon, disponible jusqu’ici en gélules contre les ballonnements, et désormais présent dans des laits végétaux onctueux et vanillés à boire tous les matins. Plus tentant qu’une salade de kale.

La superfood pour les nuls

Baobab: favorise la digestion, l’énergie à long terme, le renforcement de l’émail dentaire.

Cacao cru: énergie, cholestérol, humeur.

Chanvre: hydratation, santé artérielle, confort respiratoire.

Chlorella: oxygénation du sang, réduction des signes visibles de la fatigue, détoxification des métaux lourds.

Kimchi: digestion, système immunitaire.

Maca: équilibrage hormonal, fertilité, concentration.

Moringa: renforcement global, beauté de la peau, régulation glycémique.

Pollen: prévention des infections, humeur, traitement des allergies.

Urucum: préparation au soleil, lutte contre l’acné.

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