A la table du Corbusier
On aurait tendance à penser que la table à manger, symbole chaleureux du partage et de la réunion, a toujours fait partie du paysage. Et on se trompe. La célèbre « Cène » de De Vinci, représentant Jésus et ses 12 apôtres attablés pour le dernier repas collégial, est dans ce sens une interprétation contemporaine de ladite époque. On ne mangeait pas sur de grandes tables mais à même le sol ou, au sein d’une certaine élite, sur des guéridons jouxtant les sofas et autres banquettes. Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que l’on assiste à l’arrivée des premières tables à manger, avec les fastueuses années lumières et ses bacchanales gargantuesques. Faites de bois marqueté, recouvertes de feuille d’or, sculptées à l’excès, on les comparait à de véritables oeuvres d’art. La LC6, digne héritière de ces masterpieces, accède également au statut d'œuvre, dans un registre beaucoup plus sobre cependant. Conçue par le saint patron du minimalisme, Le Corbusier, en 1928, elle est ce que l’on peut appeler un placement design à haut, très haut rendement. Deux U d’acier, une barre transversale et un plateau en verre de 15mm d’épaisseur exactement soutenu par une série de 4 vis à vif ont fait de la table à manger un chef d’oeuvre de technique et de rigueur, revue en 1974 par Charlotte Perriand qui lui adonna ses déclinaisons toutes en couleur.
Pour les 90 ans de son transalpin d’éditeur, Cassina, la LC6 est revue en version all black, dotée d’un plateau en marbre Marquiña noir et d’une structure en acier laqué du même ton. Ode à la simplicité et à l’essentiel, elle prend le même chemin que les autres grandes icônes : se réinventer pour accéder à la postérité.