Hommes

Dans la peau

Pas nécessaire d’aller jusqu’à l’odaxelagnie, qui consiste à mordre son ou sa partenaire lors d’un acte sexuel, ou jusqu’au sadomasochisme pour laisser des marques. Parfois appelée à tort dermographisme, du grec dermo (“peau”) et de graphein (“écrire”) par confusion avec la maladie qui porte ce nom, cette pratique fétichiste revient à utiliser sa peau comme une page blanche sur laquelle inscrire une histoire.
skin shoulder person human

Auteur Lily Templeton
Photographe Pablo Arroyo
Styliste Alessandra Faja

Pour d’autres, elle renvoie autant à l’envie de laisser une trace de soi que de signaler sa propriété. En considérant que le mot “fétiche” vient du portugais feitiço (“artificiel” et par extension “sortilège”), terme qui désignait à l’époque des conquêtes coloniales des objets cultuels africains dotés de pouvoirs, marquer sa peau revient à y transférer cette toutepuissance. “Écrire sur le corps doit être fort et déclaratif – des actes d’inscription qui équivalent à des mutilations”, écrit le docteur Louise Kaplan dans son ouvrage Cultures of Fetishism, dont un chapitre est consacré aux marques que l’humain inscrit sur sa peau. Transformation vers ce que la société considère comme acceptable ou signe d’une appartenance (à un culte, à soi ou à l’autre), la trace devient verbe. Marque de montre, d’alliance ou de maillot, elle est une affirmation dans laquelle s’exprime non seulement l’objet qui a laissé son empreinte mais aussi le caractère révolu de l’interaction – on ne voit la marque qu’à l’absence de l’objet, ou quand les vacances ne sont plus qu’un souvenir. La marque devient alors un fétiche qui peut être considéré comme substitut d’une perte, réelle ou symbolique. Ouroboros (représentation d’un serpent ou d’un dragon qui se mord la queue, symbole de l’éternité, ndlr) des sens, on désire alors retrouver l’instant qui laisse sa trace pour pouvoir exhiber fièrement ce souvenir à même la peau.

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