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Ermenegildo Zegna s'engage sur le long terme

Publication d’un manifeste, campagne institutionnelle, programme de création responsable, signature du Fashion Pact... La maison italienne prend position pour l’avenir et confirme un siècle d’engagements dans l’industrie du luxe.
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L’Officiel Hommes : Le nouveau manifeste de la maison, publié début septembre, annonce une “étape importante pour le futur de la marque”. Pourquoi maintenant?
Alessandro Sartori : Aujourd’hui, il est capital pour nous de penser et d’agir bien au-delà de la mode, en fédérant d’autres domaines: c’est la teneur de ce message. Dans ce Manifesto, notre directeur général Gildo Zegna l’affirme : “Nous voulons être dans notre temps, instaurer de nouvelles frontières pour la marque et prendre position pour un monde meilleur.” Mais pour savoir où l’on va, encore faut-il savoir d’où l’on vient et qui l’on est. C’est valable pour l’entreprise, mais aussi pour nos clients. L’individualité et la personnalité sont à nos yeux des valeurs contemporaines capitales. Notre priorité est d’instaurer une conversation à ce sujet, avec notre langage, notre grammaire, et le fait que nous connais- sions très bien nos clients, notamment grâce à notre service sur mesure, est un atout.

La maison Ermenegildo Zegna possède des valeurs historiquement solides, et elle est plus que centenaire. Comment tirer parti de cette longévité pour parler à la jeune génération?
C’est indéniablement un avantage. Depuis le premier jour (soit depuis 110 ans, ndlr), l’entreprise a toujours été un modèle d’implication et d’engagement – social, environ- nemental – selon le credo de son fondateur, Ermenegildo Zegna, qui était incroyablement précurseur (bien avant la responsabilité socié- tale des entreprises, ou RSE, et autres développements durables, ndlr). Il disait que la meil- leure façon de faire des produits de qualité était de s’assurer qu’ils soient réalisés dans de bonnes conditions de travail, dans un environ- nement protégé. Logements, école, parc naturel d’Oasi Zegna... La petite ville de Trivero était déjà, au début du xxe siècle, une référence en matière d’engagement. Depuis, la maison a toujours veillé à garder son ouverture d’esprit sur ces sujets sensibles, aujourd’hui au cœur des enjeux économiques contemporains. Donc je pense que la longévité, l’expérience et l’héri- tage d’une entreprise comme Ermenegildo Zegna sont un atout plutôt qu’un frein à une évolution rapide et efficace dans ce domaine.

Certains vous diront qu’un manifeste, aussi engagé soit-il, ce ne sont jamais que des mots. Des actes concrets sont-ils engagés ?
Bien évidemment. Nous sommes dans l’action au quotidien, bien au-delà des simples mots. Avoir constamment en tête de nouveaux projets fait partie de la dynamique Ermenegildo Zegna, surtout en matière de développement durable. Mais ces programment existent ! Qu’ils soient sociaux, comme ce programme éducatif que nous soutenons actuellement en reversant les dons de la vente des tee-shirts “#WhatMakesAMan”, ou qu’ils soient environnementaux, telle cette opéra- tion de reforestation, ou encore ce gros effort d’investissements réalisé l’an dernier pour l’achat de nouvelles machines de production capables de retraiter les textiles recyclés dans le cadre de notre programme créatif “Use The Existing”...

Pour votre campagne publicitaire, vous avez mis en scène des quadragénaires plutôt que des représentants de la jeune génération. Pourquoi ce choix?
C’est un point important, sur lequel nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous exprimer. Pour cette nouvelle campagne, capitale sur le plan stratégique, nous voulions avant toute chose collaborer avec des amis de la maison. Il y avait quelque chose de très organique. Il n’était pas concevable de travailler sur ce projet avec des équipes inconnues, qui seraient passées là une saison avant de disparaître. Nous préférons la durée. Le choix de l’acteur américain Mahershala Ali en est l’exemple parfait. Je l’ai rencontré il y a trois ans dans notre boutique de Los Angeles et j’ai été immédiatement séduit et impressionné par son grand sens du style, sa passion pour le sur-mesure et son intérêt pour la marque ! Nous sommes depuis restés en contact et nous l’habillons même régulièrement pour la cérémonie des Oscars. Bref, pour ce casting, nous avons chez Ermenegildo Zegna dressé une liste de personnes (des amis, des clients de la maison), bien loin de considérations d’âge. Ce qui nous importait, c’était qu’ils soient proches de la maison, de nos valeurs et du concept de la campagne que nous leur avons présenté en détail. Il fallait de l’authenticité pour faire passer un tel message.

Dès la mise en ligne des posts de la campagne accompagnés du hashtag #WhatMakesAMan, les réseaux sociaux ont commenté le Manifesto, et pas toujours en bien. Cela vous surprend-il ?
Pas tout à fait. Nous aimons cette idée d’avoir ouvert une porte sur la discussion, la réflexion, et – qui sait? – le changement. C’est ce que nous souhaitions. Les avis sont partagés, c’est vrai, mais en majorité très positifs. Surtout, ils suscitent beaucoup d’échanges sur les réseaux, ce qui est finalement assez drôle et plutôt bon signe.

La mode responsable est chez vous aussi un sujet d’actualité, et vous avez l’an dernier lancé le programme de création “Use The Existing”. Pouvez-vous nous le présenter ?
“Use The Existing” est une petite partie de la collection podium que nous avons lancée cet hiver à titre expérimental et qui se révèle déjà concluante, avec une clientèle très récep- tive. L’idée, atypique pour le secteur, est de créer des vêtements à partir du recyclage de matières naturelles, et non synthétiques ou plastiques comme le font les autres marques engagées dans le combat. Cette démarche est très novatrice, et nous souhaitons qu’elle soit rapidement élevé au rang d’exemple. Ce défi du zéro déchet nous tient véritablement à cœur. C’est même un cheval de bataille prioritaire de notre stratégie globale et de notre implication pour une mode responsable. L’entreprise a l’énorme avantage d’avoir un mode opérationnel totalement vertical, ce qui est le cas de très peu de maisons de luxe dans la mode. Nous maîtrisons toute la chaîne, du sourcing des matières premières aux quatre coins du monde (Australie, Nouvelle-Zélande, Mongolie, Pérou, Afrique du Sud...) à leur collecte, leur acheminement, et jusqu’à l’appro- visionnement des boutiques, en passant par le studio de création et les ateliers de Trivero, dans le Piémont, dans le nord de l’Italie. Nous contrôlons vertueusement tout le circuit, avons l’expérience et les moyens pour le faire. Et ça ne s’arrête pas à l’achat d’une machine, c’est tout un état d’esprit au sein de l’entreprise.

Ermenegildo Zegna fait partie des 32 entreprises de l’industrie de la mode et du luxe (soit 147 marques) qui ont récemment signé le Fashion Pact lancé par François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering. Le fait d’être ainsi officiellement engagé dans le développement durable change-t-il la donne ?
Pour être tout à fait honnête, le sujet a alimenté pas mal de conversations en interne pendant le mois d’août ! Il est certain que nous allons devoir être opérationnels très rapide- ment, mais nous sommes prêts. L’intégration verticale de l’entreprise, dont je parlais tout à l’heure, avec cette structure et ce fonction- nement déjà établis depuis longtemps chez Ermenegildo Zegna, en témoigne. Un simple exemple, très concret : certaines de nos usines fonctionnent avec une électricité que nous n’achetons pas, mais qui est produite sur place de façon hydraulique, et donc renouvelable, en totale autonomie. Nous avons beaucoup d’idées comme celles-là à partager avec les membres du Fashion Pact.

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