Comment les clubs de foot liftent-ils leur image ?
Hier encore, c’est-à-dire dans les quinze ou seize premières années du XXIe siècle, les clubs qui pratiquaient “la haute compétition” (selon les éléments de langage qu’utilisent désormais certaines stars, patrons de clubs, ou agents de joueurs) se mesuraient sur trois terrains : la pelouse du stade, les algorithmes nanciers, et... les dressings. Ces derniers étaient ceux des supporteurs, qui toujours aiment revêtir les maillots de leur équipe. Puis ceux des branchés, pour qui les équipementiers ont concocté des répliques de maillots ajustés comme des polos, qu’on porte à Paris, Lyon, Marseille, Manchester, Londres, Munich, Madrid, Barcelone, Istanbul, Rio. Depuis le monde 2.0, les clubs sont aussi une marque, une image, un signe, une icône. Quelque chose qui tient dans le cœur et dans l’armoire, comme auparavant, mais également dans un smartphone et dans les esprits. Alors, ils changent leur identité visuelle. Voici comment.
En Grande-Bretagne, le foot est aussi une histoire de rock. Et à Manchester, l’une des plus belles scènes musicales d’Europe, c’est mille fois plus vrai. Deux grands clubs y guerroient : les Red Devils de Manchester United et les Citizen de Manchester City. Si le premier est le plus titré, le second, le bad boy de la ville, lui damne le pion depuis quelques années : il a ra é plusieurs titres et coupes depuis 2012, et s’offre désormais le plus grand coach du monde (Pep Guardiola). Propriété du cheikh d’Abu Dhabi, le club s’est étoffé en devenant une marque globale : depuis 2014, la holding City Football Group a racheté les clubs de Wellington (Australie) et de Yokohama (Japon). Il leur a donné les mêmes couleurs, les mêmes sponsors et un logo similaire. Nouveauté depuis le début de la saison : la recrue française Benjamin Mendy a trouvé un nouveau surnom à l’équipe, “Shark Team”. Depuis, les supporteurs et les réseaux sociaux l’adoptent. Une stratégie locale et globale, donc.
Et en cet été 2017, le club de la capitale a été à la hauteur de son slogan “Paris est magique”. Avec le recrutement de Neymar (222 M €), il est allé encore plus haut que lors du recrutement de Ronaldinho (en 2003) et Zlatan (en 2012), mégastars alors venues jouer à Paris. Depuis 2011, le Paris-Saint-Germain est propriété qatarie (Qatar Investment Authority, QIA) et bien des choses ont changé sur son identité. Entre autres, le logo, cet élément visuel qui en dit toujours si long. Celui que le club a adopté en 2013 allie patrimoine et stylisation moderne, mais n’a pas été simple à faire accepter. Il capitalisait sur la marque forte Paris, et non plus sur le nom du club, dont l’année de création (1970) était carrément effacée. La tour Eiffel gagnait en visibilité grâce à un effet 3D. La symbolique était respectée, l’armoirie historique gommée, la composition harmonieuse. Message : le club change d’environnement mais respecte les fondements. Un logo lisse et ef cace, à l’image du soft power actuellement en cours au PSG.
Quand elle a modifié son logo l’été dernier, la Juventus de Turin a, elle, opéré un changement radical. Exit le blason ovale, que la Vieille Dame (surnom du club, fondé en 1897) avait assez peu changé depuis... 1907 ! Finies les bandes noires et blanches, le taureau (l’emblème de la ville), la couronne et ce “Juventus” majuscule. Place à un J blanc accompagné d’une courbe blanche sur fond noir. Le nouveau logo installait la marque par une lettre logo : J. Comme Facebook, comme Google. On passait de l’écusson médiéval à l’icône pour smartphone. Il y a un an, lorsque la direction du club dévoila le nouveau logo, elle essuya un tollé de contestations, de moqueries et autres détournements sur les réseaux sociaux. Elle a laissé passer l’orage. Qui s’en est allé...
Clivant, énervant et lumineux, à l’image de sa ville, l’Olympique de Marseille reste le club le plus populaire de France. En ville comme au stade Vélodrome (désormais nommé l’Orange Vélodrome, du nom de son sponsor), les supporteurs font autorité, et mettent la pression. Alors, il y a six mois, quand il fut annoncé que l’équipementier historique Adidas ne le serait plus à compter de 2018, remplacé par Puma, un virage entier de supporteurs montra cette banderole en plein match : “Puma-direction : 2018-19, respectez notre logo et nos couleurs”. Puma n’a encore rien confectionné, mais subit déjà l’intimidation. Car ici, fans et supporteurs n’entendent pas qu’on joue avec les couleurs ou avec l’écusson... sauf pour témoigner du respect, justement, aux supporteurs (le maillot orange de 2007, hommage aux South Winners).