Hommes

Interview : on a rencontré Roschdy Zem, réalisateur du film Les Miens

Rencontre avec l’acteur et réalisateur français Roschdy Zem, à l’occasion de la projection en avant-première de son dernier film “Les Miens”, lors de la 40e édition du Festival du film méditerranéen de Bastia, Arte Mare.  

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Regard ténébreux, affable, Roschdy Zem est un comédien au contact direct. Considéré comme l’un des meilleurs acteurs de l’Hexagone, il a marqué les esprits et bousculé les codes convenus au fil d’une impressionnante filmographie, à coups de rôles impactants taillés à sa mesure. 

Actuellement, à l’affiche des films L’Innocent et Les Enfants des autres, il crée la surprise en réalisant son 6e long-métrage, Les Miens, où il aborde la maladie d’un homme aux prises avec sa famille suite à un traumatisme crânien. Le cinéaste explore les méandres de la complexité humaine dans un incessant cri à la vie. Comédien très attendu par le public bastiais, déjà, en 2021, il tenait le haut de l’affiche du film Un scandale d’état, réalisé par Thierry de Peretti, enfant de l’île de beauté, originaire d’Ajaccio. Les Miens, projeté en avant-première lors de la 40e édition du Festival du film méditerranéen de Bastia, Arte Mare, a conquis à l’unanimité le public et la critique. 

Au plus fort de ce festival à l’identité forte, qui s’est déroulé du 30 septembre au 9 octobre, Roschdy Zem a présenté son nouveau long-métrage au public corse, accompagné du comédien Sami Bouajila qui incarne avec justesse le rôle de Moussa, frère altruiste et blessé au sein d’une fratrie aimante, débordante de doutes et de questionnements. Les Miens sortira en salles le 23 novembre. Entretien inspiré.

L’Officiel Hommes : Comment est née l’idée de ce film ?

Roschdy Zem : Les Miens est une fiction d’inspiration autobiographique. L’un de mes frères a réellement eu un traumatisme crânien qui a totalement bouleversé sa vie et par conséquent la nôtre, celle de ma fratrie. Tous les personnages qui gravitent autour de Moussa, incarné par Sami Bouajila, existent réellement dans la vie : mes neveux et nièces, mes frères et sœurs. J’avoue que la thématique de ce film, nous a d’ailleurs rapprochés les uns et les autres. Le rôle que je joue est proche de moi : longtemps, j’étais celui de la famille que l’on préservait énormément car je menais une carrière artistique. Après la réalisation de ce film, j’avoue que cela a changé, on me préserve moins et je ne sais pas si finalement, j’y ai gagné au change ! (Rires).

C’était important pour vous de réunir une famille d’acteurs autour de Sami Bouajila, le cinéaste-producteur Rachid Boucharef, Abel Jafri, la comédienne-cinéaste Maïwenn, Meryem Serba : l’effet d’une vraie fratrie se dévoilant au fil du récit est frappant...

R Z : En fait, cette alchimie s’opère lorsqu’on la vit sur place. Je n’ai pas fait ce que certains metteurs en scène choisissent parfois de faire, des répétions afin de savoir si la magie se crée entre les acteurs et les actrices : la seule chose que je leur ai transmise à tous, c’est un document qui retraçait le parcours de leurs personnages, afin que nous ayons une certaine liberté de jeu et que chacun sache quelle est sa position au sein de cette famille. Il me fallait ensuite trouver des configurations qui puissent permettre aux comédiens de se sentir libres, et de construire la séquence. Le thème, nous le connaissions tous comme l’enjeu. De plus, on savait ce qu’on souhaitait qu’il en émane. Toute la question tenait à la façon dont on allait l’amener, ça on le cherchait ensemble, on le découvrait au cœur de cet espace de liberté où tout était autorisé. Évidemment, le seul mot d’ordre, c’est l’écoute envers les uns et les autres. Et surtout, ne jamais être dans une forme de performance pure. La famille, c’est ça, une volonté de donner une place à chacun et à lui d’exister. Mais, à chaque fois que l’on entame une nouvelle séquence, on ignore comment elle va se dérouler et évoluer, c’est une découverte qu’on fait ensemble. Ensuite, après les frustrations, les satisfactions qui en découlent, on poursuit afin d’obtenir quelque chose de différent, une matière suffisamment riche sur laquelle je peux travailler en salle de montage.

Qu’est-ce qui est le plus inspirant, jouissif ou le plus risqué pour vous ? Être devant ou derrière la caméra ?

R Z : Le plus risqué c’est d’être crédible. En tant que metteur en scène, vous avez une poignée de personnes qui attendent des désidératas, et en réalité vous vous retrouvez souvent dans une situation où vous êtes vous-même complètement perdu, comme votre esprit, et il ne faut surtout pas que ça se perçoive pour votre équipe et vos acteurs. Donc, le plus risqué c’est ça : continuer à instaurer un sentiment de confiance afin de dire à tous, suivez-moi, je sais où on va mais en réalité je ne le sais pas. (Sourire). Toutefois, il est important que l’essentiel qui résulte de vous soit une forme de confiance doublée de volontarisme, ce qui rassure les autres. C’est la seule façon d’avoir une équipe mobilisée et de plus motivée pour trouver ensemble ce qui va créer l’émotion, la tension. C’est intéressant parce qu’en fait, c’est à ce moment précis qu’en tant que metteur en scène, on parvient à faire croire à l’ensemble de son équipe que l’on sait ce que l’on est en train de faire. Il y a un état qui s’articule à un autre état, on est dans la matrice et c’est assez drôle. Je vous le confie aujourd’hui car j’ai suffisamment de recul, mais au moment où je le vis, je suis totalement seul face à ce fait. C’est un aspect que j’aborde avec beaucoup de philosophie, il ne s’agit pas d’une souffrance. 

Vous avez co-écrit le scénario avec la cinéaste-comédienne Maïwenn... 

R Z : On a travaillé de façon très spontanée. La co-écriture s’est révélée fluide. J’avais la narration du film à l’esprit et elle m’a aidé à la structurer par sa teneur en caractérisant les personnages de façon organique, charnelle. Grâce à elle, j’ai évité l’écueil de théoriser leur description en m’attachant à l’essentiel : en racontant les choses telles que je les avais vécues. Et surtout comment je souhaitais les interpréter. On peut vivre la même histoire mais chacun va l’évoquer de façon différente. Son protocole m’a permis de me sentir à l’aise face à l’écriture, avoir un récit sur lequel m’appuyer pour ce film. Maïwenn a un évident degré d’exigence. Elle s’est battue, elle a une intolérance à la médiocrité. 

Qu’avez-vous éprouvé à l’idée de retrouver Sami Bouajila puisqu’il incarne le rôle de votre frère, Moussa, personnage altruiste avec qui vous aviez déjà tourné et dirigé avec Omar m’a tuer (2011), et avec qui vous avez joué dans Indigènes (2006), Hors la loi (2010) de Rachid Bouchareb ?

R Z : J’ai le sentiment que c’est un rendez-vous. Sami et moi-même, nous sommes régulièrement amenés à nous retrouver soit lorsque je suis devant la caméra ou lorsque nous sommes ensemble derrière, et peut-être qu’un jour, je serai face à la caméra de Sami s’il passe à la réalisation. On peut ne pas se parler durant un ou deux ans, mais je sais qu’à chaque fois, on a des points d’accès qui nous réunissent, à un moment donné, nos chemins se recroisent à nouveau autour d’importants projets. C’est quelque chose de naturel, qui s’inscrit dans la durée. Aussi loin que je me souvienne, c’est toujours pour des films qui me laissent un impérissable souvenir. En y réfléchissant, j’avoue que lorsqu’on a pu être réunis lors de tournages, nous avons joué dans des films particulièrement marquants.

Propos recueillis par Fouzia Marouf

Photos Julian Torres

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