Quand la ville de Chicago rend hommage à Virgil Abloh
Élevé en banlieue de Chicago, dans une famille d’immigrés ghanéens, le touche-à-tout Virgil Abloh, à qui tout semble réussir, a fait des études d’ingénieur en génie civil et d’architecture avant de se tourner vers la mode. Titulaire d’un Master Degree de l’Illinois Institute of Technology, il commence sa carrière dans l’industrie musicale aux côtés de Kanye West, chez Donda, où il s’occupe du merchandising, du packaging et du design de scène. On lui doit notamment la pochette minimaliste de Yeezus, sixième album de Kanye West, sorti en 2013, dont le design réduit à une stricte épure est resté dans les annales. En 2015, il lance sa marque Off-White, avant d’intégrer la maison Louis Vuitton trois ans plus tard en tant que directeur artistique de la ligne homme.
Il faut aussi compter avec ses nombreuses collaborations, de Nike à Ikea en passant par Rimowa, Evian ou Pioneer, qui font de lui l’une des machines à contrats les plus “bankable” du moment. À 39 ans, ce créateur multitâche, également DJ professionnel à ses heures, possède un catalogue créatif à rendre jaloux plus d’un de ses contemporains. La ville de Chicago a tenu à rendre hommage à Virgil Abloh, promu exemple à suivre pour la jeune génération bouillonnante, en lui consacrant une rétrospective inédite au MCA, le musée d’Art contemporain de Chicago. Parce que, sans nul doute, ce culte du streetwear et de la culture contemporaine américaine qui signent le style Virgil Abloh viennent de là, de Chicago. L’exposition “Virgil Abloh, Figures of Speech” retrace, en vingt-cinq années et sept tableaux, son parcours artistique qui se déroule dans un superbe espace immersif, signé Samir Bantal, architecte et directeur du AMO, le studio de recherche du cabinet d’architecture hollandais OMA de Rem Koolhaas. Focus donc sur ses réalisations en mode, art et design, fruits du perpétuel croisement entre les disciplines, incarnation de cet art du “cross-over” qui le voit fédérer artistes, musiciens, designers et architectes. On y trouve les temps forts de sa carrière, de ses collections, de ses shows, de ses sets musicaux, de ses meubles design, de ses réalisations graphiques désormais cultes... “Une telle exposition, dans un musée comme celui-ci, représente une étape importante dans sa carrière”, estime son curator Michael Darling. Après l’exposition, les visiteurs peuvent faire une halte à la boutique pop-up “Church & State”, qui vend une collection inédite en édition limitée et des rééditions des best-sellers Off-White aujourd’hui épuisés. Parallèlement, un concours de projets artistiques baptisé “Design Challenge” est ouvert au jeune public de 14 à 21 ans sur le thème “Take something boring or broken and turn it into something extraordinary”.
À l’exposition s’ajoutent deux collaborations de prestige installées en ville le temps d’un été. La première est réalisée pour Nike, marque avec laquelle Virgil Abloh entretient des relations très productives. Le “NikeLab Chicago Re-Creation Center c/o Virgil Abloh”, situé sur Michigan Avenue, a été conçu comme un lieu dédié à la jeune génération, et voué à dynamiter l’énergie artistique et culturelle de la ville. Il a hébergé pendant deux mois des pièces exclusives, des “drops” (collections limitées), des happenings et des ateliers tenus par dix créatifs locaux, le tout “curaté” par Virgil Abloh. Un scénario conçu en deux volets : un “Mentorship Program” de huit semaines d’expérience immersive menant à la réalisation d’un projet, avec pour l’idée de révéler au monde entier l’impact culturel d’une ville comme Chicago et la pépinière de talents qu’elle abrite. Et un “Reuse-a-Shoe Program”, une installation qui permet à tous les curieux de venir découvrir le programme “Nike Grind” qui, depuis vingt-cinq ans déjà, recycle d’anciennes paires de baskets en nouveaux matériaux et produits. Une partie des bénéfices est allée à la création d’un terrain de basket signé Virgil Abloh pour la ville de Chicago, en prévision de la NBA All-Star 2020. La seconde collaboration, évidente elle aussi, s’est faite avec la maison Louis Vuitton, qui a profité de l’arrivée en ville de son nouveau directeur artistique pour y installer un pop-up store estival – “Chicago Residency” –, résidence temporaire proposant une collection capsule de vêtements et accessoires en édition limitée radicalement orange, une couleur qu’affectionne le créateur. Et qui tel un trait de Stabilo vient parapher ce parcours d’exception.