Pourquoi toute la fashion sphère était à Riyadh ce week-end ?
Non, l’Arabie saoudite n’est pas devenue la dernière destination tendance du moment. Et pourtant, ils étaient nombreux ce week-end à faire le déplacement dans le pays à l’occasion du festival MDL Beast, installé à Riyadh, la capitale. Depuis les mannequins stars Alessandra Ambrosio, Isabeli Fontana, Irina Shayk, Stella Maxwell, Joan Smalls, Elsa Hosk, Jourdan Dunn ou encore Winnie Harlow, jusqu’aux influenceuses les plus en vue Fiona Zanetti, Olivia Culpo, Kristina Bazan, Negin Mirsalehi, Luka Sabbat, en passant par les célébrités hollywoodiennes Sofia Richie, Ed Westwick, Scott Disick ou encore la créatrice de chaussures Amina Muaddi... tous étaient invités en tant que VIP à l’événement, dont la mainstage ressemblait à s'y méprendre au look ambitieux, signature de Tomorrowland.
Et du côté du line-up du MDL Beast ? Les djs de renom présents derrière les platines étaient également très nombreux. David Guetta, Steve Aoki, J Balvin, Salavatore Ganacci, Swizz Beatz, Rick Ross, Peggy Gou ou encore Solomun… Les meilleurs djs du monde et les artistes stars du moment ont accepté d’y jouer et de communiquer sur l’événement, faisant rayonner son image sur Instagram et partout dans le monde au même titre qu'un Coachella. Si en surface, le festival rassemblait une poignée de personnalités 5 étoiles, et des musiciens d’exception, le tout, dans un endroit en apparence idyllique, lorsqu’on creuse, on se rend compte que tout n’est pas joli à voir.
D'abord, il y a le problème d'éthique des influenceurs. Comme le dénonçait en marge de l’événement le compte Instagram @diet_prada, toujours prêt à faire régner l’ordre dans la sphère mode, la participation d’autant d’influenceurs de renom, mannequins, célébrités et artistes au festival MDL Beast est très problématique. D’après plusieurs sources proches du média, ces derniers auraient empoché des sommes à 6 chiffres pour se rendre à l’événement tous frais payés, et en faire sa promotion sur Instagram.
Sachant qu’à l’aube de 2020, l’Arabie saoudite ne respecte toujours pas les droits humains, la responsabilité des influenceurs et célébrités est fortement mise en cause. Emily Ratajkowski, contactée pour y participer, a ainsi expliqué qu’il était impossible pour elle de soutenir le festival, sachant ce que le royaume fait subir aux femmes et à la communauté LGBTQ+, qu’elle défend fermement. Le top Martha Hunt, également pressentie pour faire partie des invités, a déclaré au média : "Je suis solidaire du peuple d’Arabie saoudite réprimé et je refuse qu’on se serve de moi comme d’une campagne pour camoufler ceux qui souffrent de l’injustice. J’encourage les autres personnes influentes à prendre des décisions éclairées et rentables fondées sur la conscience sociale et l’intégrité." Et c’est précisément de cela qu’il s’agit. Si l’on sait que les influenceurs ne prennent que rarement position sur les débats de société et préfèrent rester lisses, l’enjeu est ici tellement important, que la conscience et l’intégrité auraient dû peser dans la balance avant d’accepter de tels contrats. Pointée du doigt par @diet_prada, l’ex-blogueuse Kristina Bazan, reconvertie dans la chanson depuis quelques années, a tout de même souhaité défendre sa décision (avant de supprimer son commentaire), soulevant qu’elle n’a été "témoin que d’amour, de belles conversations, de personnes souhaitant s’ouvrir et de diversité." L’influenceuse a également mentionné la volonté du pays à vouloir se moderniser, saluant l’initiative d’un tel événement. Des arguments pas forcément convaincants, auxquels certains ont répondu que si le pays souhaitait réellement s’inscrire dans une ouverture sociale, ce n’est certainement pas en organisant un festival où la plupart des protagonistes étaient payés qu’il y arriverait. Mais plutôt en rencontrant les Nations Unies et les organismes compétents en droits humains. Et il en est de même pour les influenceurs.
Si l’Arabie saoudite organise de tels événements, c’est en réalité dans une dynamique de communication bien huilée, afin de redorer son image, dans le cadre de Vision 2030, le plan de modernisation du royaume. En septembre dernier, Marie Claire soulignait déjà les voyages démesurés organisés par le pays, et pour lesquels les instagrammeurs les plus populaires avaient été payés pour en faire sa promotion. Une opération de relations publiques très bien menée, faisant paraître l'endroit comme un lieu de vie rêvé.
Pour rappel, les femmes y subissent toujours un sexisme et une misogynie exacerbée, et sont déshumanisées, tandis que la communauté LGBTQ+ ne dispose pas de droit. Elle est tout simplement considérée comme illégale. Quant à la corruption, l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en octobre 2018, tué et démembré alors qu’il se rendait au consulat saoudien d’Istanbul pour obtenir des papiers afin d’épouser sa fiancée turque, démontre qu’elle vit ses meilleures années. En 2014, c’est le militant saoudien Raif Badawi qui avait été condamné à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet pour avoir prôné une libéralisation morale de l’Arabie saoudite. Sans oublier Loujain Al-Hathloul, figure du féminisme saoudien, ayant participé aux campagnes en faveur de l’autorisation de conduire pour les femmes en Arabie saoudite, et accusée d’avoir eu "l’intention de saper la sécurité, la stabilité et l’unité nationale du royaume." Son châtiment ? Elle a été soumise à des coups de fouets, des chocs électriques et des actes de harcèlement sexuel. Alors que les Saoudiennes sont aujourd’hui autorisées à conduire légalement, la militante est toujours emprisonnée, depuis maintenant plus d’un an. Autant de cas de violation des droits humains, qui prouvent que le plan de modernisation du royaume est loin de marcher. Et ce n’est pas en payant des influenceurs et des célébrités avec peu d'éthique pour participer à des festivals que cela risque de s’améliorer.