La cuisine de l’épure selon Antonin Bonnet
Sensible, poétique, aux saveurs lumineuses (littéralement, ses plats sont comme éclairés de l’intérieur), déployant ses séductions fatales avec un rien de pudeur, le geste sûr et le rose aux joues, sa cuisine ne ressemble à nulle autre.
Ses goûts se sont façonnés du côté des grands classiques de la gastronomie bistrot-bourgeoise côtoyant des plaisirs bruts (dans sa malle à souvenirs, l’on trouverait ainsi des quenelles avec trompettes de la mort, un vol-au-vent au ris de veau, des tartines de pain grillé frotté à l’ail avec des anchois, des gâteaux de foie blond, des éclades de moules, des bouquets de langoustines-mayonnaise…), soit « une cuisine essentielle, qui va droit au but. » Si le répertoire du Quinsou, à première vue, est éloigné de ces expériences fondatrices, il est mis en musique avec une conviction forte à l’esprit. « La cuisine doit retourner à l’essentiel, et ce n’est pas une question d’en mettre moins dans l’assiette. Un plat doit avoir de la complexité, mais je ne ferai plus les mêmes recettes qu’il y a dix ans : dans les assiettes, il y avait quatre ou cinq recettes simultanément. Cela revenait à discuter avec quelqu’un, tout en écoutant la radio, en regardant la télévision et en consultant son téléphone…Aujourd’hui, j’ai envie d’une cuisine fluide. »
Il affiche sa volonté d’adopter une démarche «éthique», concernant toutes les strates de son métier : « il s’agit aussi bien de connaître l’histoire des produits que je travaille, de leur saisonnalité, de leur provenance, de comment ils ont été cultivés, ou élevés quand il s’agit d’animaux, de leur juste rémunération, de comment ils ont été livrés dans mon restaurant, de son utilisation en respectant son intégrité, du traitement des déchets…mais aussi du management des équipes, de faire en sorte qu’elles soient valorisées dans le cadre d’une structure et de la culture interne. Cela profite à tous, des cuisines à la salle ».
Ainsi, il est tout naturel de l’entendre expliquer que « la recette découle du produit ». Pour preuve magistrale, incrustée dans notre mémoire, ce plat de pomme de terre, avec gelée dashi, crème crue et caviar. « Dans mon esprit, la pomme de terre fonctionne un peu comme une tartine…et j’ai tout de suite imaginé que l’équation patate, iode et caviar serait la bonne. »
De ses années de chef auprès d’un particulier londonien, il a gardé une certaine « élasticité ». Devant l’impossibilité d’ouvrir son restaurant, le chef dévoilera très prochainement (à suivre sur ses réseaux sociaux) sa vision de la cuisine coréenne (une gastronomie chère à son cœur), à emporter. En ces temps bancals, nous ne doutons pas que la cuisine essentielle d’Antonin Bonnet aidera à tenir bon, et debout.