Gaia Repossi : « Le glamour ne me correspond pas »
Entre gravure botticellienne et sylphide d’heroic fantasy, Gaia Repossi accroche. Son less is more et son élégance radicale, pull et jean griffés Vetements, petite maille Céline et souliers Loewe, composent une silhouette convaincante. Les cheveux blonds, les yeux pâles et le teint diaphane, elle n’a rien de la jeune fille fragile et oscille en permanence entre douceur et fermeté. “Je suis très attirée par la rupture, la frontière entre le masculin et le féminin m’intrigue. J’aime imaginer que la femme est plus forte non pas fâchée mais ne cédant pas à la légèreté. C’est l’époque qui veut cela.” Et une éducation aussi. Issue d’une famille de joailliers – son arrière-grand-père a fondé la maison Repossi à Turin en 1920 –, Gaia a grandi dans cet univers ouaté et très masculin des pierres : “Étant fille unique, il était évident que j’étais l’héritière directe. Mais mon père m’a laissé la liberté de choisir.” Avant de rejoindre l’entreprise, la jeune femme étudie les beaux-arts à Paris et passe un master d’archéologie à la Sorbonne. “Depuis toute petite, mon rêve était de peindre, de dessiner, de sculpter.”
Alors âgée de 21 ans, Gaia devient directrice artistique de la maison italienne. “Je ne me suis jamais posé la question de savoir si le fait d’être une femme changeait quelque chose. C’est plutôt mon âge qui questionnait. Mais mon père avait lui aussi débuté très tôt : à 16 ans, il était dans les ateliers. Il m’a toujours traitée comme une adulte. Il ne m’a jamais écrasée. Il m’a fait une place énorme dans l’entreprise. J’étais impliquée dans tous les problèmes, les aspects positifs, les enjeux. Je connaissais ses rêves par coeur. Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai voulu les accompagner. En réalité, ce sont les rêves d’une famille.” Elle précise : “Question de personnalité, pas de genre. Mon grand-père et mon père n’ont jamais eu froid aux yeux. Ils ne supportaient aucune barrière. Pour eux ‘non’ n’existait pas.” Assurément cérébrale, ambitieuse et affranchie de la tradition et de ses interdits, Gaia s’impose comme une actrice majeure de sa génération. “Nous n’avons jamais accepté aucun compromis commercial ou d’image, c’est la signature de notre maison.” Elle chahute les codes, casse les lignes avec ses créations singulières.
Parmi ses best-sellers, une boucle d’oreille qui donne l’impression que l’oreille est percée à plusieurs endroits. Ou encore ses fameuses bagues “Antifer” en or noir pavé de diamants, qui, aux côtés de la monoboucle d’oreille “Staple” en or rose pavé de diamants, signent son allure. “J’ai une ambition visuelle précise. Je souhaite un bijou qui se porte différemment, qui étonne et surprenne, et qui puisse en même temps devenir un nouveau classique. Le bijou est un moyen d’expression pour ceux qui le portent. Il est capital que notre maison parle son propre langage.” Et pour cela il faut non seulement des créations identifiables au premier coup d’oeil mais également une image forte : “Dans cette marée d’actrices qui portent les pièces à merveille, il a fallu faire un tri. Le plus important était qu’elles aient un parcours éclectique. L’actrice intellectuelle est pour moi la plus belle.” On pense immédiatement à Tilda Swinton et Isabelle Huppert : “Ce sont elles qui apportent le plus à notre maison, car elles ont des personnalités fortes.” Et ambiguës, où le glamour est sans cesse bousculé ? “Oui. Le glamour ne me correspond pas. Je ne suis pas certaine de pouvoir comprendre cette notion.”