Love de Cartier : un bracelet nommé désir
De sa création dans un atelier new-yorkais à la fin des années 60 à son accession au rang d’icône joaillière, le bracelet Love de Cartier traverse les époques sans perdre une once de son éclat, habillant d’un amour indéfectible les poignets de ceux et celles qu’il a fait succomber.
1969, New York : à l’aube des années hippies, le slogan “Peace & Love” résonne jusque dans les couloirs feutrés de la maison Cartier de la 5e Avenue. Cette année-là, Aldo Cipullo, dessinateur italo-américain, vient présenter à Michael Thomas, tout jeune président de la Maison de joaillerie à l’époque, un prototype du bracelet orné de petites vis, à la simplicité aussi espiègle que géniale. Cette idée de génie réside dans le rituel qui entoure la pose de ce bracelet ovale, constitué de deux arcs de cercle rigides. Pour les assembler, il est nécessaire de les visser à l’aide d’un mini-tournevis; il faut donc être deux pour mettre le bracelet, et c’est le partenaire qui doit conserver le tournevis en question, devenant ainsi le seul à pouvoir ouvrir le bijou et métaphoriquement, le gardien de la clé du cœur de sa moitié. Un objet qui tombe à point nommé pour la Maison qui a fait de l’audace et de l’espièglerie l’essence de son luxe et cherche à donner un nouvel élan à ses créations. Minimaliste et fonctionnel, beau et chargé de symboliques, le bracelet “Love” va devenir un manifeste. Une idée aussi romantique que paradoxale pour une génération qui rêvait de liberté et refusait l’engagement !
Une symbolique forte
Bien plus qu’un simple bijou que l’on arbore autour du poignet, le bracelet Love est en effet une pièce emplie d’amour à la symbolique forte, qui ne quitte jamais celui ou celle qui le porte. Mixte et unisexe, non pas rond mais ovale pour épouser tous les poignets… un lien se crée entre deux personnes souhaitant immortaliser leur amour avec cette pièce iconique. C’est à la suite d’une rupture amoureuse qu’Aldo Cipullo se met en tête de confectionner ces “menottes d’amour modernes”, selon l’expression même du designer. Inspiré par les quincailleries américaines qu’il aimait visiter avec son frère, ce design apparemment minimaliste et fonctionnel avait en fait l’intention profondément romantique de garder le souvenir d’un amour perdu. “Je me sentais très triste. Je voulais quelque chose que personne ne puisse m’enlever. Je cherchais un symbole permanent de l’amour”, déclarait-il à l’époque.
Un bracelet légendaire
Pour ancrer le bijou dans ce récit moderne d’amour, Cartier en fait cadeau aux couples les plus iconiques du moment : le duc et la duchesse de Windsor, Ali MacGraw et Steve McQueen et bien évidement Richard Burton et Elizabeth Taylor. Cette dernière contribue d’ailleurs significativement à sa notoriété en le portant lors du bal Proust de Marie Hélène de Rothschild en 1971 (que Cecil Beaton immortalise), ainsi que dans le film Une belle tigresse (1972). Aldo Cipullo lui-même confiera avoir vu le film quatre fois pour avoir le plaisir d’admirer sa création sur cette icône plus que mythique !
Bientôt, de nombreuses célébrités se prennent au jeu de ces ingénieux bracelets vissés, de Caroline de Monaco à Sophia Loren en passant par Margaux Hemingway, sans oublier Nancy et Franck Sinatra. Pourtant, il se murmure que le bracelet ne peut être acheté rien que pour soi, car c’est avant tout un gage d’amour ! Mythe ou réalité, peu importe, les célibataires s’emparent du phénomène, plus pour son côté esthétique que pour sa signification.
Une collection à part entière
Dès lors, le bracelet Love ne peut qu’avoir la destinée fulgurante des icônes qui ont changé l’histoire. Avec le temps, la pièce passe à l’or blanc puis l’or rose, se pave de pierres précieuses ou de diamants sertis dans les vis, avant d’apparaître dans une version mini toute en délicatesse en 2016. En 2017, le bracelet est si désiré que la maison Cartier en fait le prétexte d’une collection. Ainsi décliné en plusieurs autres bijoux tels que des bagues, des colliers, ou encore des boucles d’oreilles… Parmi ses aficionados aujourd’hui ? Des it girls comme Chiara Ferragni, Kendall Jenner ou Eva Chen, et des célébrités telles que Kanye West et Angelina Jolie. Quant à son système d’ouverture par tournevis, les anecdotes ne manquent pas à ce sujet… On raconte, par exemple, que de nombreux d’hôpitaux new-yorkais en ont un en leur possession afin de pouvoir ouvrir le bracelet, le cas échant. Le bracelet est également connu des contrôleurs de sécurité dans les aéroports, il est même appelé “l’objet le plus problématique” car il est presque impossible de le retirer lors des contrôles. C’est sans doute pour cela qu’en 2017, Cartier édite un nouveau bracelet Love… Un bracelet qui, s’il garde tout de son indéboulonnable ancêtre, ne nécessite pas l’aide d’une seconde personne pour l’ouvrir et le fermer.