Joaillerie

Pourquoi il faut découvrir la collection de bagues d’hommes d’Yves Gastou?

Attentif aux tendances du monde qui l'entoure, Yves Gastou éclaire avec virtuosité l’histoire de l’apparat masculin à travers les bagues d'hommes. Evènement culturel majeur de l’année, l’ École des Arts Joailliers expose pour la première fois cette extraordinaire collection à Paris.
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Vous cherchez une exposition qui sort des sentiers battus ? Précipitez-vous, à la rentrée rue Danielle Casanova à Paris. Au numéro 31, se dresse l’immeuble qui héberge depuis quelques années, l’Ecole des Arts Joailliers. Activement soutenue par Van Cleef & Arpels, c’est une véritable école qui prodigue des cours d’un grand intérêt sur les pierres précieuses, leur exploitation dans la joaillerie, sur l’histoire du bijou. C’est aussi, un lieu de découverte : l’école propose souvent, le jeudi soir, des « conversations » avec des personnalités diverses -collectionneurs étrangers, créateurs de tout horizon – ou des conférences qui offrent un éclairage original sur l’univers du bijou.

Enfin, depuis peu, l’école organise des expositions d’autant plus plaisantes qu’elles témoignent d’une érudition rare tout en réveillant notre imaginaire. En septembre dernière, l’école a mis en lumière le travail de Daniel Brush, puis s’est intéressée au fabuleux destin des diamants de Tavernier avant d’offrir aux visiteurs charmés un florilège de boites précieuses des années 20– étuis à cigarettes, poudriers – confondantes d’inventivité et de fantaisie.

Depuis le 5 octobre, l’école s’intéresse à une collection singulière appartenant à Yves Gastou. Tout le monde à Paris connait Yves Gastou. C’est ce qu’on appelle, une figure incontournable. Sa galerie, située au 12 rue Bonaparte fait le bonheur des collectionneurs mais aussi des germanopratins depuis 1985. Cet esthéte attentif aux tendances du monde qui l’entoure a largement participé à la redécouverte des créateurs du style années 40 (Gilbert Poillerat, André Arbus, Maxime Old) puis pour les designers contemporains (Philippe Hiquily, Robert Couturier, Ado Chale).

Quel rapport, me diriez-vous, entre Yves Gastou et une école des Arts Joailliers ? La raison est simple : le célèbre antiquaire défricheur collectionne les bijoux pendant 30 ans. Les bijoux d’homme. Une démarche, certes originale et inattendu, mais qui s’inscrit une histoire du collectionnisme vieille de plusieurs siècles. Une passion née dans l’Eglise : "Mon premier choc visuel, ce sont des bagues d'évêques, raconte Yves Gastou. Il y a des processions, l'encens, le décorum, les peintures, les sculptures, (...). Quand la cérémonie est finie toute l'église va baiser la main de l'évêque. Cela me fascine, cet univers d'hommes qui ont le droit de porter le bijou ».

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Attribut et symbole Ces bagues de la fin du XVIIIe-XIXe siècles se distinguent par l’utilisation de l’intaille (une pierre dure et fine gravée en creux, au contraire du camée qui est une pierre gravée en relief). Dans l'Antiquité, ces petites pierres serties dans une bague servaient principalement de sceau personnel. Le XIXe siècle a remis au gout du jour ces montures prisées pendant la Renaissance. Sur la photo : intailles de cornaline, grenat et agate, monture néo-antiques en or jaune et argent. Dans le sens des aiguilles d’une montre : profil d’homme barbu (attribut de guerrier et de la noblesse, symbole également de sagesse et de virilité dans la Grèce antique), centaure, profil du Diadumène (athlète au front ceint du bandeau de la victoire), personnage debout taillé dans la pierre antique en demi-lune qui est sertie dans une monture exceptionnelle de style étrusque, guerrier casqué de profil à l’antique, Athéna guerrière (casque, lance, bouclier), vache sacrée, fin XVIIIe-XIXe siècles.
Morale et plaisir Thème majeur de la collection, les vanités sont ici reines. Entre le moralisateur "Memento mori" et l'hédoniste "Carpe Diem", Yves Gastou célèbre avec passion les représentations de vie et de mort en bijouterie du XIXème siècle à nos jours. . Bagues vanités, argent, bronze, ivoire et cristaux, circa 1970. Image tirée du livre Bagues d’homme (Albin Michel) © photo Benjamin Chelly / Albin Michel.
Religion et apparat « Ces trois bagues sont de Mellerio dits Meller, le plus ancien joaillier de la place de Paris et le plus important fournisseur du clergé depuis le XVIIIe siècle. Elles sont le reflet d’une époque où les évêques portaient de véritables oeuvres d’art, des chefs-d’oeuvre de réalisation. » Yves Gastou. Bagues épiscopales, or jaune, listel de perles ou de corde autour de la pierre (citrine et améthyste), Mellerio dits Meller, XIXe siècle. Le modèle comportant des épis de blé sur l’épaule, symbole de la transsubstantiation, a été créé pour l’archevêque de Rouen, Monseigneur Edmond Frédéric Fuzet (1839-1915). Elle porte l’inscription : « Notre-Dame de Grâce », et est datée du 19 juin 1913, date de l’intronisation. Image tirée du livre Bagues d’homme (Albin Michel) © photo Benjamin Chelly / Albin Michel.
Contre culture : l’esthétique gothique « Le gothique conserve sa position de contre-culture à travers les âges, mettant en avant la singularité de l'individu et le goût du surnaturel. » Photo © Bernard Saint-Genès : Bague de Hells Angels, squelette motard, argent, G&S.
Maxime et prédication bague, spectaculaire améthyste taille marquise, épée de chevalier sertie sur la pierre et pavée de diamants et rubis, couronnes superposées sur l’épaule, griffes et croix romanes ornant le chaton, maxime gravée sur le pourtour « Vox populi, vox dei » (La voix du peuple est la voix de Dieu) en référence à l’appel populaire à la croisade lancé par les prédicateurs itinérants, Lydia Courteille, pièce unique, création contemporaine. Image tirée du livre Bagues d’homme (Albin Michel) © photo Benjamin Chelly / Albin Michel.
Esthète, mélomane, épris de cinéma, Yves Gastou, attentif aux tendances du monde qui l'entoure, éclaire avec virtuosité l’histoire de l’apparat masculin à travers les bagues d'hommes. . Exposition "Bagues d'Homme" du 5 octobre au 30 novembre 2018 à L’École des Arts Joailliers. Entrée libre du lundi au samedi de 12h à 19h. Image tirée du livre Bagues d’homme (Albin Michel) © photo Benjamin Chelly / Albin Michel.

La collection d’Yves Gastou est vaste : plus de mille bagues, d’époques et d’origines variées : bagues antiques de l’ancienne Égypte, bagues de doges du XVIIe siècle, bagues de bikers américains des années 1970. Car l’histoire d’amour entre les hommes et les bijoux a toujours existé. "Les hommes se sont parés depuis toujours, des cavernes du néolithique aux palais de Versailles", rapelle Delphine Antoine, commissaire de l'exposition et auteure du livre "Bagues d'homme" éditée par Albin Michel. "Sous François Ier, les hommes étaient parés d'une perle à l'oreille, de colliers sublimes, de bracelets énormes et de bagues", souligne Yves Gastou.

Un regard sur l’évolution du rapport de l’homme avec la coquetterie

 

C’est la première fois que cette collection personnelle est montrée au public. Ce dont se réjouit Marie Vallanet-Delhom, Présidente de L’École des Arts Joailliers : « Occultée par l’apparat féminin, la bague masculine retrouve ici toute sa grandeur dans un foisonnement qui parle à l’œil, à l’âme et au cœur.» Les pièces les plus emblématiques de cette collection seront mises en valeur dans une scénographie imaginée par l’architecte d’intérieur Jérôme Thénot, qui restituera avec talent l’univers gothico-mystique de l’antiquaire star de Saint Germain des Près.

Plus de 500 bagues sont présentées. Le choix sera représentatif des sept thèmes jalonnant la collection tout en illustrant sa diversité : néoclassique, chevalerie, gothique, religieux, vanités, ethnique, curiosités. L’occasion de découvrir, par un prisme différent, les échos d’une réalité sociale, politique, économique et artistique. « Bien plus qu’un élément de parure, le bijou masculin est à la fois instrument d’affirmation du pouvoir, outil de communication et accessoire de mode. Les différentes mutations de la société entraînent nécessairement des évolutions quant à l’usage des bijoux masculins et au rapport de l’homme avec la coquetterie » A l’heure où la mode ne jure plus que par le mélange des genres, l’heure est peut-être sonnée pour les bijoux masculins, ces grands oublis de l’histoire contemporaine, de prendre leur revanche.

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