"The Mother Lover" lève le voile sur la crise de la santé maternelle aux Etats‐Unis
Dessiné par une socialite, c’est un t-shirt gender fluid et taillé dans un coton recyclé. Hashtagué sur Instagram, porté par les cool girls Gray Sorrenti, Okay Kaya, Carolyn Murphy, Margaret Qualley, vendu par le concept-store new-yorkais The Frankie Shop, il arbore, comble du vêtement 2.0, un message en lettres psychédéliques: “Mother Lover”. À ceux qui pensaient avoir perdu le vêtement contestataire dans les limbes du jeu de mots téléphoné, Rebecca Dayan et Paula Goldstein répondent par un mouvement, The Mother Lover: “Nous avons commencé par demander à nos amis de montrer qu’ils faisaient partie d’un mouvement, de dire qu’ils, que nous n’ignorions plus la voix des femmes... Le t-shirt est un bon moyen de manifester un intérêt et de sensibiliser rapidement.” Tout objet de mode qu’il est devenu, le vêtement-bannière recouvre ici sa dimension première: fédérer une communauté autour d’une cause. Et d’une question: qu’est-ce qu’être mère aujourd’hui aux États-Unis?
L’histoire commence en mars 2017, à la naissance de Luna, la fille de Paula Goldstein. “J’ai remarqué combien l’accouchement pouvait être une épreuve, et ce pour beaucoup de mes amies, en comparaison de l’expérience, paisible, que j’avais vécue. J’ai commencé à me poser des questions. En menant mes recherches, je suis tombée sur de terribles statistiques”, raconte la consultante en création, aussi cofondatrice de la boîte de production Semi Retired. Elle découvre ainsi que les États-Unis affichent le taux de mortalité maternelle le plus élevé du monde industrialisé. Dans ce même pays, les risques de mortalité encourus par les femmes noires à l’accouchement seraient supérieurs de trois à quatre fois à ceux des femmes blanches. “Les accouchements aux États-Unis sont ceux qui coûtent le plus cher dans le monde, pourtant il y a moitié plus de risques de mourir en donnant naissance ici que la génération de nos mères.”
L’Anglaise d’origine entre très vite en action. Lui vient d’abord l’idée d’un documentaire, Born Free, pour soulever des questions autour de ses récentes découvertes. Et, surtout, éduquer les consciences à un tel problème de santé publique. Le projet est coproduit par l’actrice et illustratrice française Rebecca Dayan: “Rebecca et moi sommes amies depuis des années, nous nous sommes rencontrées lors d’un défilé il me semble, à l’époque où j’étais moi-même rédactrice de mode. Quand l’idée de Born Free a surgi, je lui en ai parlé et elle m’a offert de m’aider. Et Rebecca, qui n’a pas d’enfant, sait plus de choses sur l’accouchement que beaucoup de mes amies qui en ont déjà!” Le projet d’une organisation à but non lucratif, The Mother Lover, naîtra de leurs échanges: “Nous avions besoin de trouver des financements supplémentaires pour la réalisation du film. Quelqu’un nous a suggéré de trouver un support qui permette aux gens de faire un don.” Pourquoi pas un T-shirt?
Lancé sur la toile et sur les réseaux sociaux le 8 mai dernier, The Mother Lover se présente d’abord comme un manifeste. Paula Goldstein et Rebecca Dayan citent l’Américaine Ina May Gaskin, sage-femme à l’ère de l’altermon- dialisme, auteure d’un guide autour de la naissance naturelle: “La façon dont une culture traite les femmes pendant l’accouchement indique bien dans quelle mesure la contribution des femmes à la société est valorisée et honorée.” Le discours est relayé par des personnalités médiatiques comme la photographe-plasticienne- mannequin Carlotta Kohl, la comédienne et chanteuse Alison Sudol, l’acteur de Strangers Things David Harbour ou encore le supermodel Milla Jovovich. Non pas tant des mères ou des femmes que des citoyens convaincus. À cela, Paula Goldstein y tient: “J’ai eu la chance, avec Rebecca, d’avoir le point de vue d’une femme passionnée, érudite, qui n’était elle-même pas mère. Ce problème doit se poser à tout le monde, pas seulement ceux qui ont des enfants ou en attendent. Le bébé va bien, mais la maman aussi, n’est-ce pas?”