Comment profiter du couvre-feu pour (re)devenir cinéphile?
Carlotta, qui est-ce ? Les plus cinéphiles reconnaîtront dans ce prénom une figure essentielle du film Sueurs Froides d’Alfred Hitchcock, incarnée par Kim Novak, qui en fit une des plus belles héroïnes de l’histoire du cinéma. Les mêmes (cinéphiles) savent que c’est aussi le nom d’une société de distribution de films et de dvds, qui met un soin exemplaire à restaurer des films du patrimoine cinématographique et à les accompagner de livrets exceptionnels de clarté et d’intelligence. Il est grand temps que le plus grand nombre se précipitent à la découverte des merveilles dont elle s’occupe…Se plonger dans le catalogue de son offre de location en ligne ressemble à un voyage sans retour, ou presque : des centaines de films, des classiques, des incunables, des trésors, des perles, des diamants, enfin, tout ce que vous voulez qui creuserait le champ lexical évoquant le génie humain. Chaque mois, une dizaine de films vont et viennent, offrant l’assurance d’une programmation sans cesse stimulante, engageant à sortir de sa zone de confort, pour visiter des contrées jusqu’alors ignorées, faute de temps. Ces jours-ci, l’on pourra se perdre dans le film-monde de Béla Tarr, Sátántángó (somptueuse digression apocalyptique de 7 heures), explorer l’œuvre de Fassbinder, voir Nick Cave au travail (20 000 jours sur Terre, de Iain Forsyth et Jane Pollard, s’égarer avec Albert Finney dans le dément (dans tous les sens du terme) Au-dessous du volcan de John Huston, re(re)voir The King of New-York d’Abel Ferrara, avec un Christopher Walken au sommet, redonner une chance à l’oublié Donnie Darko de Richard Kelly (à qui Stranger Things doit beaucoup) et, enfin, embarquer pour un Voyage à Tokyo, splendeur élégiaque signée Ozu. Sans négliger les nombreux documentaires ou bonus sur mesure proposés - offrant de quoi gloser ad libitum sur l’art le plus délicat du monde.
Ceux et celles qui ont façonné leur cinéphile sur les sièges inhospitaliers de la Cinémathèque de la rue de Chaillot (ok, boomers ?) puis arpenté le bâtiment conçu par Frank Gehry, rue de Bercy, partagent la mélancolie acide d’être privé du lieu imaginé par Henri Langlois, l’homme qui a pensé un certain rapport au cinéma et à son histoire et défini la nécessité de conserver son patrimoine aussi précieusement qu’un Caravaggio ou un Rodin. C’est tout naturellement que la Cinémathèque Française a baptisé Henri son espace de vidéos à la demande - que le prisme soit digital ou physique n’importe plus, tant que le geste et l’intention illuminent le sujet. En accès libre, c’est tout une arborescence qui se déploie sous nos yeux : la série des Vampires de Louis Feuillade (qui inspira Irma Vep d'Olivier Assayas, dont on ne se lasse jamais), les chefs d’œuvre de Jean Epstein…En point d’orgue (mais alors façon grande orgue de Notre-Dame), la conférence donnée par Orson Welles en1982, donnera de quoi tenir et se souvenir de cette leçon donnée par le personnage de cinéaste incarné par François Truffaut dans La Nuit Américaine à son acteur, joué par Jean-Pierre Léaud « Les films sont plus harmonieux que la vie Alphonse, il n'y a pas d'embouteillage dans les films, il n'y a pas de temps mort. Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. »
https://levideoclub.carlottafilms.com/ (5 euros/mois, ou 50 euros/an)
https://www.cinematheque.fr/henri/ (en accès libre)