Le mystère de l’extase
Les univers se télescopent dans le nouveau livre de Thibault de Montaigu : Charles Peguy et Xavier Dupont de Ligonnès, saint François d’Assise et Le Palace, les rues de New York et un pèlerinage en Bosnie-Herzégovine, les sans-papiers et les us et coutumes Vieille France, les errances sexuelles des années 70 et l’éthique raide des ordres catholiques. Tout commence par une dépression, celle, violente, qui saisit l’auteur et dont il peine à sortir. Il tente d’y échapper par l’écriture en enquêtant sur Ligonnès quand, un soir, lors d’une messe bénédictine, il entrevoit en un éclair la présence divine. Les souvenirs de son oncle Christian, un “homme de Dieu”, remontent alors à la surface, l’entraînant dans une quête existentielle sur cet homme, plus proche de lui qu’il ne l’aurait imaginé. Il découvre un homme brillant, à l’homosexualité cachée, qui s’épuise dans un hédonisme absurde, un “aristo mondain obsédé par le sexe qui, un beau jour, a vu Dieu et à tout plaqué pour devenir franciscain”. Thibault de Montaigu dissèque les vies de Christian et de saint François qui, lui aussi, laissa une vie dissolue pour embrasser un idéal, et renaître. Car c’est bien de résurrection qu’il est question, avec une musique qui sonne magnifiquement juste sous la plume de l’écrivain. Ces mondes perdus ont-ils jamais existé? Tous ces signes étaient-ils vraiment là? Le stylo légué par Christian à Thibault, oublié puis retrouvé au bon moment, le frappe comme un symbole. Montaigu met en lumière ces instants fatidiques qui marquent une vie, qui laissent entrevoir l’existence de Dieu. Qu’on croit en Dieu ou pas, le grand vecteur de cet idéal divin semble être dans ce livre l’Art dans toute sa puissance d’évocation : un chant grégorien qui s’élève au cœur de la nuit, L’Extase de saint François de Bellini ou encore quelques notes de piano.
La Grâce, de Thibault de Montaigu (Plon).