Coucou Chloe : "On m’a longtemps traitée de garçon manqué"
Photographie par : Florence Mann
Stylisme par : Laëtitia Mannessier
L’une des artistes les plus passionnantes de la scène électro underground de Londres est française. Son nom de code : Coucou Chloe. Après des études d’art à la Villa Arson, à Nice, elle part s’installer dans la capitale britannique pour se recentrer sur la musique. “J’ai grandi dans un petit village et à Nice, nous raconte-t-elle. Je n’avais jamais vécu dans une capitale. Quand je suis arrivée à Londres il y a trois ans, j’ai découvert une vraie communauté créative, une énergie très stimulante, une entraide entre artistes, et une acceptation immédiate. J’ai ressenti une liberté totale, je m’habillais comme je voulais, sans aucun jugement.”
Cet esprit collectif l’amène à cofonder le label Nuxxe avec Shygirl et Sega Bodega. Depuis, d’autres artistes ont rejoint l’aventure, notamment Oklou, autre surdouée française expatriée à Londres. Plusieurs morceaux signés Nuxxe ont été inclus dans des bandes-son de défilés Fenty et Altuzarra. C’est le cas de deux morceaux de Coucou Chloe, Doom et Underdog, aussi sombres qu’intenses. Ces deux titres reflètent bien ses débuts : voix pitchée (c’est-à-dire manipulée vers des aigus extrêmes), expérimentations à gogo, ambiances toxiques et lueurs de diamants noirs.
“Je dois reconnaître que mon processus créatif est solitaire et assez anarchique, dit-elle. Pendant quelques mois, en début d’année, j’ai très peu créé. Aujourd’hui, je travaille beaucoup sur mes sons. J’ai beaucoup voyagé depuis un an et demi et ça m’a inspirée. Je crois que j’ai besoin d’accumuler des expériences de vie – on dirait que je parle d’une carte de fidélité ! Mes morceaux sont la synthèse de ces émotions que j’ai emmagasinées. J’ai besoin d’être seule pour comprendre ce que j’ai envie d’exprimer, pour que le déclic se produise.”
En une poignée d’EP, ce prodige a mis la barre très haut, et son talent n’est pas passé inaperçu, tant dans le monde de la musique que dans celui de la mode. En plus d’affoler les bandes-son des fashion weeks, Coucou Chloe a dévoilé son propre look, décontracté et androgyne – on l’a aperçue cet été en survêtement Gucci. “On m’a longtemps traitée de garçon manqué, même si ça ne veut rien dire, explique-t-elle. À Londres, j’ai pris conscience petit à petit que mon rapport à la mode avait un peu changé. J’ai commencé à apprécier la subtilité d’un vêtement et sa qualité. Je suis tout ça de loin, mais ça m’intéresse de croiser des looks originaux qui m’interpellent. Tout ce qui tourne autour des jeux vidéo et du skateboard me fascine toujours autant et continue d’influencer ma musique autant que mon look.” Son style reflète l’éclectisme de ses goûts. Parmi son panthéon personnel, elle nous cite le Killing Me Softly des Fugees, Chopin, Ween, le jeu vidéo Tomb Raider ou encore les effets de voix novateurs sur l’album The Last Meal de Snoop Dogg. Sur son dernier EP en date, Naughty Dog, Coucou Chloe a préféré laisser sa voix à nu, susurrant ses textes d’un timbre grave et langoureux, comme sur l’envoûtant Gecko. Ses prochains projets pour les mois à venir : “Beaucoup de concerts, des vidéos, des morceaux où je manipule à nouveau ma voix. J’ai aussi envie de produire d’autres artistes, j’ai déjà plusieurs collaborations en cours. Par la suite, j’aimerais bien commencer à travailler sur mon premier album.” On n’est pas près de dire adieu à Coucou Chloe.