Pourquoi faut-il absolument voir ‘Challengers’, le nouveau film signé Luca Guadagnino ?
Un scénario haletant, un triangle amoureux explosif, une bande-son pulsative ou encore des costumes imaginés par Jonathan Anderson : voici toutes les raisons qui font de Challengers la sortie ciné à ne pas louper.
Après une tournée promotionnelle internationale devenue virale sur les réseaux sociaux, Challengers arrive enfin sur grand écran. Si Zendaya, Josh O’Connor et Mike Faist ont relevé haut la main l’exercice des tapis rouges, les cinéphiles n’attendent qu’une chose : découvrir leur performance d’acteur (et de sportif de haut niveau) dans le nouveau drame sexy de Luca Guadagnino. Spoiler alert : vous n’allez pas être déçus.
Un synopsis sous haute tension
Durant leurs études, Patrick Zweig (Josh O’Connor) et Art Patrick (Mike Faist), tombent amoureux de Tashi Duncan (Zendaya) — une jeune prodige du tennis dont le destin va basculer suite à une blessure. À la fois amis, amants et rivaux, ils voient tous les trois leurs chemins se recroiser des années plus tard. Leur passé et leur présent s’entrechoquent et des tensions jusque-là inavouées refont surface.
Si le sempiternel triangle amoureux est un concept vu et revu, Luca Guadagnino se l’approprie ici avec brio. Plus qu’une histoire d’amourettes d’adolescents, il s’agit là d’un véritable portrait complexe des trois personnages et de leurs liens, que le réalisateur explore au travers d’une narration qui n’est pas linéaire. "La complexité des rapports humains m’a toujours fasciné", explique Luca Guadagnino. "Les relations humaines s’accompagnent toujours d’une forme d’ascendant des uns sur les autres, mais au bout du compte, elles obligent aussi à mieux se dominer soi-même. C’étaient là des éléments très forts à mes yeux. Je ne connaissais rien au tennis, mais quand on est metteur en scène, on est censé explorer des domaines dont on ignore tout et les étudier. C’était une formidable occasion pour moi de voir que le désir pour autrui, les rapports de domination et la maîtrise de soi se retrouvent dans la beauté et la force du tennis." Le spectateur se voit ainsi plongé dans une série d’allers-retours entre le passé et le présent, comme pour mieux réussir à pénétrer les esprits des protagonistes, et déceler la subtilité des rapports de domination qui se jouent sur le terrain et dans leur vie personnelle.
Un trio convainquant
L’intrigue est bien ficelée, mais la performance des acteurs vient auréoler de succès ce drame sur fond de romance. Zendaya, également productrice du film, campe l’un de ses premiers rôles adultes et révèle une facette plus féroce — mais toujours magnétique — de son jeu. "Ç’aurait été la facilité de faire de Tashi un personnage univoque, autrement dit une femme déterminée", ajoute le réalisateur. "Mais avec Zendaya, c’est tout l’inverse : elle impose une vraie autorité et une grande force, tout en faisant preuve d’une forme de fragilité qu’on retrouve chez Tashi. Elle s’est construite toute seule." Dans le rôle de Patrick, Josh O’Connor, allie ici plusieurs registres — de son tempérament torturé à son air sexy et sûr de lui. "Avec Luca, très en amont, on s’est dit que Patrick avait une part animale", souligne l’acteur. "C’est un homme insouciant. Il vient d’un milieu privilégié et c’est qui lui donne cette aisance en toute situation. Il est aussi très à l’aise physiquement. […] Et pourtant, Patrick sait qu’il n’obtient pas de formidables résultats au tennis et qu’il s’y prend mal. C’est ce qui m’a permis de mieux le cerner et de trouver la part de vulnérabilité d’un personnage qui donne l’air d’être très sûr de lui." Enfin, dans le rôle d’Art, Mike Faist insuffle une dureté et une détermination à son personnage, puis en fait un être plus introverti et songeur dès lors qu’il s’interroge sur ses aspirations professionnelles. "Ce qui m’a le plus frappé chez Art Donaldson et l’évolution du personnage, c’est qu’il s’agit sans doute d’un homme qui s’éloigne peu à peu de sa passion", relève Faist. "Dans Challengers, on voit de jeunes gens qui adorent leur discipline, puis qui vieillissent et se demandent alors à quoi ils vont pouvoir occuper le reste de leur existence."
Du sulfureux jusque dans nos oreilles
Outre des acteurs au sommet de leur forme et un scénario sans faute, ponctué de matchs de tennis d’un réalisme saisissant, Challengers bénéficie d’une bande-originale aux accents techno et électro signée Trent Reznor et Atticus Ross. "Instinctivement, je voulais que les spectateurs aient envie de danser sur les images. Du coup, j’ai suggéré à Trent et Atticus de composer une musique comme s’il s’agissait d’une rave-party ou de house music. L’énergie du film devait venir de la BO. Ils ont fini par composer l’une des partitions les plus saisissantes que j’aie jamais entendues", confesse Guadagnino. "Luca sait parfaitement ce qu’il veut tout en respectant notre espace de liberté. Mais dès le départ, il nous a dit que Challengers était un film très sexy", révèle Raznor. "Il l’avait formulé dans un email et, dans son message, il devait y avoir six ou sept ‘x’ dans le mot sexy", complète Ross. Le pari est tenu : chaque son vient amplifier une image, tandis que le paroxysme est atteint lors de la séquence finale — le tempo allant crescendo à mesure que le match final opère sous nos yeux, véritable miroir de l’excitation du jeu tout comme des émotions des personnages.
Jonathan Anderson toujours au top
Pour habiller les personnages comme il l’envisageait, et comme l’exigeait l’univers du film, Guadagnino a sollicité le créateur Jonathan Anderson, directeur artistique de Loewe et créateur de son propre label JW Anderson. Celui-ci a donné aux costumes une impression de corps en mouvement, tout en puisant dans les désirs viscéraux et les ambitions professionnelles des personnages, mais aussi en mettant en valeur l’importance de la brand culture. "Le vêtement est un objet extraordinaire et Luca sait à quel point il offre un point de vue éclairant sur celui ou celle qui le porte", indique Anderson. Pour le designer, ces allers-retours d’une temporalité à l’autre ont constitué un vrai fil rouge pour la création des costumes. "Ce qu’on voulait dans la partie où les personnages sont encore adolescents, c’est qu’ils aient un style un peu m’as-tu-vu : des chemises Oxford et le genre de tenues stéréotypées que les hommes de ce milieu portaient à la fin des années 2000 et qui leur donnaient une allure BCBG […] Puis, à mesure que progresse l’intrigue, on a un point de vue différent : Patrick est toujours extrêmement sûr de lui et arrogant, bien qu’il soit en perte de vitesse dans le monde du tennis, si bien que ses vêtements sont un peu moins prétentieux. En revanche, Tashi réalise toutes ses ambitions et son style est donc à l’avenant. Quant à Art, ses tenues sont plus banales." Jonathan Anderson révèle s’être inspiré de John F. Kennedy Junior dans les années 80 et 90 pour les tenues de Patrick (Josh O’Connor) : "on aurait dit qu’il pouvait porter n’importe quoi et qu’il restait séduisant, en toutes circonstances". Pour Art (Mike Faist), les vêtements sont des indicateurs de son succès avec des pièces brandées, mais aussi de l’emprise de Tashi Duncan (sa femme, incarnée par Zendaya), qui assouvit une sorte de fantasme tennistique à travers son mari : "on a le sentiment qu’Art n’est pas totalement libre et que ses vêtements le protègent des événements extérieurs. […] Il est d’un hygiénisme exacerbé et ses tenues s’en font l’écho". Pour Tashi, "je souhaitais que ses tenues imposent l’idée qu’il s’agit d’une championne victorieuse" conclut-il.
Challengers, réalisé par Luca Guadagnino. Sortie au cinéma le mercredi 24 avril 2024 en France.