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Quelle est l’actrice la plus cool du moment ?

Rencontre avec la fabuleuse Renate Reinsve, l’actrice du plus beau film de la saison. 

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Depuis Oslo on avait compris que Joachim Trier était un formidable cinéaste. Avec Julie (en 12 chapitres), il confirme un immense talent, rare et puissant, incontestable.  Récompensée justement à Cannes, l’extraordinaire Renate Reinsve incarne Julie, jeune femme ni vraiment perdue, ni complètement inquiète, juste un être humain à la complexité universelle, qui cherche sa voix, sa voie aussi, une place bien à elle dans le monde, pour écrire sa propre histoire, en harmonie avec ses désirs, épousant sa respiration singulière. Le film capte sa trajectoire avec une infinie douceur, une grâce bouleversante, et c’est avec regret que l’on quitte Julie à son terme.  

Votre personnage hésite entre plusieurs carrières, était-ce aussi votre cas ?

Non, c’était la seule chose que je voulais faire, que je savais faire, mon seul talent. Julie en a plein. J’ai travaillé un temps dans le magasin de mon grand-père, qui m’a renvoyée ! J’ai aussi travaillé dans un jardin d’enfants, et aucun enfant n’est mort, donc je devais me débrouiller pas trop mal, mais je n’étais pas motivée, j’arrivais tous les jours en retard…

Où avez-vous grandi ?

Dans un tout petit village, même pas un village en vérité, juste une grande route, avec une banque, une école, une boutique. Aucun espace culturel. Joachim a grandi dans un univers culturel, j’ai dû beaucoup lire pour rattraper mon retard…

Comment est née, dans ce contexte, votre vocation ?

J’ai commencé à faire du théâtre, dans un village à 45 minutes de ma maison, avec d’autres jeunes. Vers 9 ans, je prenais ça très au sérieux. 

Que retrouvez-vous de vous en Julie ?

Beaucoup, sauf ce qui concerne ses atermoiements devant ses choix de carrière, moi, je savais ce que je voulais. 

Le titre anglais, The Worst Person in The World, est très différent de celui retenu pour la sortie en France, et donne une autre tonalité au film, lequel préférez-vous ?

J’aime beaucoup ce que suggère le titre français. Le titre anglais renvoie à une formule typiquement norvégienne, lorsqu'on s’apitoie ironiquement sur son sort. 

Quelle a été votre réaction en lisant le scénario, en découvrant que vous seriez de quasiment tous les plans ?

Avant de le lire, j’avais quelques appréhensions dues au fait que deux hommes avaient écrit un personnage féminin, je pensais que j’aurais plein de remarques à leur faire. Mais j’ai été bouleversée par la richesse de leur écriture, ils ont tellement bien dessiné la complexité d’un être humain, c’est bien plus existentiel qu’un simple portrait de femme. J’ai dû pleurer au moins six fois en lisant les premières pages…J’étais terrifiée à l’idée d’être de toutes les scènes, et d’autant plus parce que tout le monde en Norvège rêve de travailler avec Joachim Trier, mais je crois que cette peur m’a poussée à travailler le rôle comme je n’avais jamais travaillé un rôle avant. 

Avez-vous beaucoup répété ? Il y a une alchimie incroyable entre vous et les comédiens…

Seulement pour certaines scènes un peu longues et importantes, pour essayer de trouver des nuances, voir ce qui marchait ou pas. Joachim a aussi un vrai génie pour le casting. On essayait tous et toutes de se rendre meilleur-e-s mutuellement. 

Comment avez-vous travaillé en amont ?

En lisant et relisant encore et encore le scénario, en récitant mes dialogues sans cesse, pour y trouver d’éventuelles nouvelles idées, pour voir si quelque chose d’imprévu me sautait aux yeux, pour qu’une fois sur le plateau, je puisse être totalement disponible. Sur sa suggestion, j’ai revu Annie Hall de Woody Allen et Call me by your name de Luca Guadagnino. Et nous avons beaucoup parlé avec Joachim, nous avons un rapport au monde et au chaos qu’est la vie assez semblable. Et nous sommes d’accord sur le fait que nous n’avons pas d’autre choix que de l’accepter.

Avez-vous contribué à la construction de votre personnage, aux dialogues ?

C’était une collaboration très étroite, Joachim me faisait confiance, pour je trouve un espace pour être la plus naturelle possible, mais tout était déjà dans le scénario.

Avez-vous la même méthode pour chaque rôle ?

J’essaie de me libérer du côté Actor’s Studio, d’analyser la dramaturgie propre au film et d’être plus souple. Je regarde beaucoup de documentaires et j’observe les gens dans la rue. Pour être spontanée, et moins « jouer ». Essayer de m’oublier une fois sur le plateau, de me concentrer sur le rôle, l’histoire, de prendre à la fois de la distance avec le personnage tout en lui insufflant des émotions. C’est assez compliqué à expliquer….

Quelle est l’émotion la plus délicate à jouer ?

L’intimité, psychologique, avec les autres personnages. 

Avez-vous des modèles ?

Certaines scènes de films, où l’on voit les interprètes lâcher prise complètement. Je pourrais dire que Trier ou Anders, qui joue dans le film, sont des genres de modèles aussi. Je suis très admirative de Charlotte Gainsbourg, de ce qu’elle fait dans Antichrist de Lars Von Triers, sa façon de jouer le chagrin est incroyable. Ou Tilda Swinton, j’aime le fait qu’elle dise qu’elle est l’autrice de son personnage dans un film plus que son actrice. J’aimerais bien la rencontrer pour lui en parler…

Est-ce que ce film a modifié votre perception du jeu ?

Complètement. Et aussi de la vie ! Joachim lit tellement bien les gens, je déteste montrer mes émotions en public, mais il a réussi à me sortir de ce blocage, il est compréhensif, et incroyablement indulgent vis-à-vis des défauts des autres, mieux encore, il les aime. Il vous libère complètement, il vous laisse tout l’espace pour s’épanouir. 

Quelle est votre relation avec la mode ?

Je porte surtout des vêtements d’occasion, mais à Cannes, où l’on m’a prêté des robes tellement sublimes que j’ai compris que c’était parfois en effet de véritables œuvres d’art. 

Julie (en 12 chapitres). Un film de Joachim Trier. Avec Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie et Herbert Nordrum. En salles le 13 octobre.

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