Rencontre avec The Paranoyds, un groupe à la vibe 100% ouest coast
Rien de plus délicieux qu’un coup de foudre musical, quand on tombe à la renverse en enten- dant un groupe pour la première fois. C’est exacte- ment ce que l’on a ressenti en découvrant le tout premier EP de The Paranoyds, After You, en 2016. Quatre morceaux rêches, sans chichis, à contre- courant des tendances électro-rap actuelles. Sur ces cavalcades punk-new wave pétillantes, on s’exprime sans AutoTune mais avec une ironie mor- dante, entre moue boudeuse et gorge déployée. Trois voix féminines se relaient au chant et aux chœurs. Parmi elles, Staz Lindes, bassiste et guita- riste qui a formé le groupe quand elle était ado avec la claviériste Laila Hashemi. Rejointes par la guita- riste Lexi Funston, elles acceptent un garçon dans leurs rangs, le batteur David Ruiz. Ces débuts époustouflants ne sont pas passés inaperçus : Hedi Slimane flashe sur The Paranoyds lors d’un concert dans un bar de Los Angeles. Il les photographie à de nombreuses reprises, faisant de Staz l’une de ses muses musiciennes. Née à Londres mais élevée à Los Angeles, la blonde piquante défile pour Saint Laurent et devient l’égérie d’Yves Saint Laurent Beauté en 2017.
Musicienne avant d’être top modèle, elle nous confie avoir reçu de précieux conseils de ses parents – le musicien Hal Lindes et l’ex-mannequin Mary Lovett : “Mon père est toujours là quand je manque de confiance en moi. Il nous dit, à mon frère (Misha Lindes, du groupe SadGirl, ndlr) et moi, de profiter au maximum et de nous amuser. Ma mère m’a appris assez tôt à être prudente, à ne pas me laisser empoi- sonner par l’illusion de la célébrité et à me fier à mon instinct.” Cet esprit d’indépendance se retrouve sur Girlfriend Degree, single dévoilé en juin dernier. Composé et chanté par leur guitariste Lexi, ce morceau s’accompagne d’un clip féministe et décalé, où l’uni- vers de John Waters croise celui des poupées Barbie. “Lexi aimerait encourager les jeunes filles à vivre leur propre vie et à oublier les traditions du passé, explique Staz. Essayer de trouver un petit ami pour qu’il s’occupe de nous, c’est un concept vrai- ment dépassé. L’émancipation des femmes est primordiale.” Cette chanson reflète le premier album de The Paranoyds, qui s’apprête à illuminer la ren- trée. Intitulé Carnage Bargain, il est l’aboutissement de trois années pendant lesquelles les quatre membres du groupe ont jonglé entre leurs jobs res- pectifs et leur passion pour le rock. On y retrouve avec joie deux titres cinglants du After You EP, Hea- ther Doubtfire et Ratboy. On y entend pêle-mêle des claviers sortis d’un film d’horreur, une rage que ne renierait pas les riot grrrls, un humour pop à la B- 52’s, une complicité qui rappelle les Runaways, des riffs punks et une sensualité digne de Blondie.
Le quatuor joue à bride abattue, à l’état brut, ce qui donne une bonne idée de leurs prestations en live. “Sur scène, tout prend sens, analyse Staz. Je me dis : ‘voilà pourquoi on a passé huit heures en voiture aujourd’hui, voilà pourquoi on a répété toute la semaine et voilà ce que je sais faire de mieux’. Parfois, on voit que des gens ne sont pas là pour nous et ça nous motive encore plus à tout donner. J’ai commencé à jouer d’un instrument quand j’avais 10 ans et j’ai longtemps été pétrifiée par le trac. Je ne pouvais pas monter sur scène. Ça m’a pris une dizaine d’années avant de me sentir bien, comme maintenant.” On la croit sur parole et les perfor- mances du groupe sur YouTube renvoient l’image d’un groupe pétillant et espiègle. La folie douce de The Paranoyds va bientôt se propager au-delà de la scène californienne où ils ont grandi : après avoir sorti leur album et bouclé une longue tournée nord- américaine en fin d’année, ils devraient enfin venir jouer en Europe au printemps 2020, promet Staz.
Album Carnage Bargain (Suicide Squeeze Records / Differ-ant).