Lucile Gauvain: "Mon travail s'inspire de l'artificiel, du kitsch et des clichés"

Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre parcours, et sur la façon dont l'art s'est imposé à vous?

Petite, je disais avec un peu d'aplomb que je voulais faire de l’art. Quand on me demandait quoi, je répondais “un truc artistique”. J’avais un besoin urgent de fabriquer des choses, ça se terminait toujours en trois rouleaux de carton collés ensemble, ca ne ressemblait à rien et ça me frustrait. J’ai commencé à faire des études d’architecture en école d’art, j’adorais Zaha Hadid. Finalement je n’ai pas particulièrement brillé sur les projets qu’on nous imposait en cours, et je me sentais assez éloignée des contraintes qui s’imposaient sur les exercices. Une fois, après un rendu, mon prof m’a prise à part et m'a dit  “Tu n’es pas faite pour créer des bâtiments qui durent dans le temps”. Ce n’était pas le commentaire le plus délicat qu’on m’ait fait, mais c’était pertinent!

Il m’a poussée à tenter un concours pour une école en décors de cinéma. J’ai fait quatre ans d’études et cela a été une révélation, j'ai enfin pu toucher à toutes les époques et tous les univers à travers le dessin et le graphisme. Je me suis lancée sur un premier film après l’école. J’ai adoré faire vivre les idées des autres jusqu’à ce que les miennes commencent à prendre forme. C’était précieux, parce que justement c’était mon angoisse depuis les rouleaux de cartons. J’ai commencé à dessiner à côté des scènes que j’aurais aimé voir en film, dans des livred. Depuis, je partage mon temps entre les deux. L’un complète l’autre, et pour l’instant je n'ai pas envie de prioriser.

Quelles ont été vos inspirations majeures?

Je n’avais pas une culture de dingue en peinture, mais je me souviens avoir été marquée par les toiles de Hopper, de Hockney. Plus tard, par l’innocence et la violence des tableaux de Yoshitomo Nara. Par des films surtout, The Truman show par exemple. Le passage dans lequel le créateur dit: “Chacun de nous accepte la réalité du monde auquel il est confronté, c’est aussi simple que ça”  Cela a été un choc pour moi. Les vieux films comme Psychose m'ont aussi inspirée, les décors en carton pâte qui nous font dire que "c’est faux mais c’est beau". Les lieux abandonnés, l’épave du Titanic qui revient à la vie dans la séquence du début. Le mini golf de mon enfance avec ses parcours remplis de statues de dinosaures. Les illusions d’optique dans les attractions de fête foraine. Le grand poster de plage accroché au mur de la poissonnerie de quartier; le petit aquarium rempli de crabes coincés les uns sur les autres. 

Quels sont les lieux ou les univers qui stimulent votre créativité et votre imagination?

L’artificiel, le kitsch, le cliché, l'infini. Les piscines, les terrains de golf, les patinoires, les hôtels et restaurants en tous genres, les musées, les parcs d’attractions, partout où on retrouve des traces d’impact humain dans des espaces naturels, inhabités ou désertiques. Les décors de théâtre, aussi. Le genre de lieu insolite qui sonne toujours un peu faux, hors du temps. Je suis toujours fascinée par cette volonté de créer des espaces ou des choses qui imitent ou rejettent le naturel. J'aime l'idée de marquer le territoire, de créer une réalité parallèle et de sortir du lot. Mais cela peut aussi venir d’histoires, de légendes, de fictions en général. Globalement, tout ce qui déclenche la question : “qu’est ce qui est authentique?”. Petit plus: les gens qui ont un petit sens du drame. Je ne suis jamais contre un peu de piquant.

Vos oeuvres mettent en scène des protagonistes jeunes et divers, représentatifs de la société d'aujourd'hui. Pensez vous que l'inclusivité soit désormais une question réellement prise en compte dans le milieu encore très élitiste de l'art contemporain? 

Je n’ai pas encore assez d’expérience dans ce milieu spécifique, mais il est évident que de façon générale nous n'en sommes encore qu'aux prémisses du sujet. Le milieu de l’art, dont la fonction première est d’être le reflet d’une époque et d’éveiller les consciences, se doit de redoubler d’efforts et forcer la visibilité pour que cette notion relève plus du naturel que du mécanique. Il y a trop de souffrances, de combats et d’acquis remis en cause quotidiennement pour que l’on se permette aujourd’hui de croire que cette prise en compte est satisfaisante. 

Vos oeuvres sont souvent vectrices de messages quant au monde qui nous entoure, qu'il s'agisse de la société de consommation ("Orders and disorders"), ou de la dictature de l'apparence. D'où vous vient cette approche quasi sociologique?

Je suis hypersensible, et les moments de blocage ou d’impuissance ont tendance à m’impacter fortement. Comme je n’ai jamais comme premier réflexe d’agir, j’observe et j'écoute d'abord.  J’aime bien retourner les situations dans tous les sens, les émotions n’ont jamais rien de simple, elles sont bien plus complexes que les mots qui les décrivent. Pourquoi certains éléments se confrontent et comment les faire cohabiter ? J'essaie de reporter cette complexité en dessins, ce n’est pas toujours très conscient mais de toutes façons, je crois sincèrement que toutes nos actions sont porteuses de messages. C’est une façon de dire “Ce n’est pas très clair mais ca m’interpelle. Est ce que ça parle à quelqu’un, et si oui, pourquoi ?”  A mon sens, il n’y a pas d’évolution sans questionnement commun.

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Crée en 2012 et reflétant la scène artistique contemporaine dans toute sa diversité, la HOFA Gallery est un lieu incontournable qui accompagne et fait connaitre des artistes émergents et confirmés du monde entier dans ses espaces de Londres, Los Angeles et Mykonos.