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Moco Hôtel des Collections, un nouveau souffle d'art pour Montpellier

Après l'inauguration de La Panacée (2013), la récente ouverture du Moco Hôtel des Collections (juin) étoffe la cartographie des lieux dédiés à l'art contemporain à Montpellier. Les deux établissements, placés sous la direction de Nicolas Bourriaud, constituent – avec l’École supérieure des beaux-arts – un écosystème fertile où enseignement et lieux d'exposition et résidences (La Panacée) cultivent les synergies. À l'occasion de l'exposition inaugurale (sous le commissariat de Yuko Hasegawa) rassemblant une trentaine d’œuvres de la collection initiée en 2011 par Yasuharu Ishikawa, Nicolas Bourriaud et Vincent Honoré, directeur des programmes et des expositions, nous livrent leur vision.
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NICOLAS BOURRIAUD : “Lorsque Philippe Saurel, maire de la ville, m'a appelé pour le projet de transformation de l’hôtel Montcalm en un centre d'art ou un musée d'art contemporain, il m'a livré deux mots-clés sur ce qu'il souhaitait pour l'avenir : innovation et parcours, à savoir un parcours d'art dans la ville incarné par les différents sites le long de la ligne 1 du tramway. J'ai donc travaillé à construire une institution qui corresponde à la fois à son contexte territorial et à son époque, en réfléchissant à la manière d’être en phase avec les artistes d'aujourd'hui, et avec Montpellier en tant que territoire. Assez rapidement, je me suis orienté non pas sur l'idée d’un bâtiment monofonction, mais sur la création d’une sorte de chaîne qui traverse le centre-ville de Montpellier, émaillée de l’hôtel Montcalm, de La Panacée et de l’École des beaux-arts. Le propos consistait en la mise au point d'un écosystème complet allant de la formation à la collection, en passant par la production, l'exposition, la médiation et la diffusion des œuvres et des artistes. Constituer l'établissement public qui réunirait ces différentes entités sous un même toit, établir avec les professeurs de l’École des beaux-arts les liens qui permettraient d’insérer et transformer le cursus des étudiants en s'adaptant à cette nouvelle donne a été une mission passionnante. Assez tôt, s’est fait jour la décision de ne pas créer à l’hôtel Montcalm une collection spécifique du fait de l'existence du musée Fabre doté d'une collection et d'une culture muséale, mais d'abriter, le temps d’une exposition, des collections privées ou publiques du monde entier. Il s’agit là d’une méthodologie et d'une pratique muséales assorties d’un curating spécifique pour chaque projet, à partir de fonds qui viennent d'ailleurs. Pourquoi ? Car il y a de plus en plus de collections dans le monde entier, invisibles au public, abritées dans des entrepôts ou des bâtiments à usage privé. Notre travail consiste à permettre au public un accès à la visibilité d’œuvres exceptionnelles. L'ouverture du Moco Hôtel des Collections constitue le dernier élément d'un écosystème complet qui part de la pédagogie et de la transmission des savoirs, pour parvenir à l'acte de collection, c'est-à-dire choisir dans le foisonnement de la création contemporaine les œuvres que l'on a envie de collectionner. J'ai découvert la collection Ishikawa par le biais de Yuko Hasegawa, lors d’un voyage au Japon : je l’ai trouvée extrêmement singulière dans la mesure où, bien qu’assez récente, elle est nettement plus internationale que la plupart des collections japonaises, et conduite par une vraie sensibilité et un réel propos sur l'art d'aujourd'hui.”

 

VINCENT HONORÉ : “Après avoir travaillé une quinzaine d’années à Londres, tout d'abord à la Tate Modern puis dans une fondation privée à but non lucratif (DRAF), et ensuite à la Hayward Gallery, ce moment de création à Montpellier d'une nouvelle entité – de constitution d'une communauté autour du lieu – m'intéressait beaucoup. La perspective de bâtir quelque chose pour et par le public est très stimulante. A fortiori au sein d'un ensemble incluant l’école des beaux-arts et La Panacée, centre d'art dont la particularité est d'abriter 52 logements Crous, autorisant ainsi une action assez large. Dans le cadre de la première exposition, la volonté de partager l’ensemble des œuvres sélectionnées est incarnée par le collectionneur lui-même qui procède ainsi dans sa ville d'origine, Okayama, où il a développé une politique de soutien aux artistes mais également aux personnes, ravivant et activant cette communauté soit par des actions entrepreneuriales, soit par des actions de soutien des techniques ou des traditions locales. Par ailleurs, il a décidé de créer dans cette ville, une triennale – la deuxième édition se tient en octobre prochain –, dont il confie le commissariat à des artistes – après Liam Guillick, ce sera Pierre Huyghe – et qui est l’occasion de produire des œuvres publiques. L’accrochage de la collection Ishikawa au Moco a été conçu dans une recherche d'élégance. Nous n'avons pas souhaité montrer un trop grand nombre d’œuvres afin que les visiteurs puissent entrer en contact avec chacune d'elles dans les meilleures conditions, qu'ils disposent d’un espace possible de projection sur les œuvres conceptuelles, par définition pas faciles d'accès. À cet égard, nous avons mis en place des outils de médiation, mais je pense que l’on permet surtout aux œuvres de vivre et aux visiteurs de coexister avec les œuvres, de se les approprier, formellement et intellectuellement.”



Moco, Hôtel des Collections, “Distance intime – chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa”, jusqu'au 29 septembre, Montpellier, France.

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