Olivier Lapidus : "Lanvin habille les femmes d'aujourd'hui"
En juillet dernier, vous lanciez votre maison de couture digitale. Une semaine après, on vous appelle chez Lanvin… Que s’est-il passé ?
Olivier Lapidus : Madame Wang, la propriétaire de Lanvin, me téléphone et me dit : "C’est le moment de travailler ensemble." Il me fallait choisir entre ma start-up et la plus ancienne maison de couture de France… Ce genre d’opportunité ne se présente qu’une fois dans la vie. Le pari était risqué mais j’avais envie de contribuer à la sauvegarde d’une entreprise extraordinaire, de son nom et de ses valeurs.
Quelles sont ces valeurs de Lanvin ?
L’esprit français, le savoir-faire, l’artisanat, à savoir les plumassiers, les brodeurs, les perleurs… Tous ces gens qui font vivre la maison. La marque elle-même est une valeur, l’un des plus gros patrimoines de Lanvin. Et puis il y a l’impulsion de cette femme incroyable, Jeanne Lanvin, non seulement dans la mode mais aussi dans l’art de vivre.
Vous avez toujours été sensible à l’univers du hightech, au monde digital… Votre principal défi est-il d’y projeter Lanvin ?
Bien entendu. Je veux que la plus ancienne maison de couture utilise les plus nouvelles technologies, et je compte sur ce choc des cultures pour reprogrammer la marque. Pour les collections à venir, je planche sur des matières inédites qui mélangeront le polymère et la soie. Et pourquoi pas développer une prestation de sur-mesure en magasin mais aussi à distance, qui reposerait sur les dernières avancées du digital.
Alors qu’aujourd’hui couture et street-culture s’entremêlent, comment Lanvin se positionne-t-il ?
La griffe va se rapprocher de plus en plus de l’art, d’artistes disciples de Krista Kim et de son mouvement le Techism mais aussi, effectivement, de graffeurs en vue… La street-culture nous intéresse, notamment pour les imprimés, mais pas pour du sportswear pur et dur. Je veux d’abord développer le "jour habillé", avant de plancher sur des branches liées au streetwear. Quoi qu’il en soit, Lanvin habille les femmes de son époque et doit être sensible à ces courants.
Vous n’avez eu que quarante- deux jours pour créer votre première collection. Comment travaille-t-on dans l’urgence ?
Je voulais être à la fois institutionnel et novateur. D’où l’anti-logo : j’ai pris les six lettres du mot Lanvin et j’ai fait en sorte de les rendre illisibles. J’ai aussi cherché dans le passé de Jeanne Lanvin certains codes que je pouvais twister : des jeux de manches, de décolletés, de finitions, quelques éléments japonisants mais aussi des "secrets", ces petits signes que seules les clientes initiées de Jeanne savaient reconnaître.
Qu’est-ce qui va changer pour l’hiver 2018/19 ?
Le temps ! La collection sera plus profonde, j’y développerai le cocktail, le soir, mais aussi des pièces plus structurées… Ce qui compte pour Lanvin aujourd’hui, c’est de séduire à nouveau sa cliente, une femme qui voyage, qui est plus fashion addict que fashion victim. Elle a suffisamment d’éducation pour échapper aux diktats de style qu’on cherche à lui imposer.
This is a modal window.