Alphonse Maitrepierre : la mode à jouer, le sac à croquer
Jeune designer français qui a étudié à La Cambre Mode[s] pendant trois ans, Alphonse a grandi dans une famille d'architectes, où il a été sensibilisé à l'équilibre des lignes et à la construction d'une esthétique.
Avec le talent de la distanciation, il définit sa marque comme "Old Fashion Geek". "J’aime confronter des codes poussiéreux avec un côté drama parisien, donner mon interprétation de la “vieille haute couture” qui serait mixée avec quelque chose de plus contemporain, digital, ludique." Chez Maitrepierre, tout est référencé, les interactions entre les archétypes d’une bourgeoise surannée et les codes des gamers qu’il adore sont naturelles, digérées. "Je suis un nerd. J’emporte ma Gameboy dans le métro. J’achète des hacks de jeux qui n'existent pas, créés par d'autres geeks, sur d'anciennes consoles. Mon travail est l'interprétation d'un univers ultra-virtuel, matérialisé en constructions 3D." La mode est le médium qui s’est imposé à lui, presque par surprise, pour exprimer sa créativité. "C’est un art complet, qui me permet de collaborer avec des photographes, des ingénieurs 3D, des artistes disruptifs, des chorégraphes. Nous avons notamment beaucoup travaillé avec l'Opéra de Paris." La mode est pour lui comme un annuaire de l’art, où il modernise à sa façon un certain snobisme de la désuétude. "Ce qui fait vioque ne me dérange pas, je le propulse dans le futur."
Satin, boîtes à gâteaux et manettes de jeux vidéo
Originaire de Montpellier, Maitrepierre a 28 ans. Après l’école de Bruxelles, il a travaillé chez Jean-Paul Gaultier, il est passé par Acne Studios, a enrichi son expérience en collaborant avec le pôle "image" pour la maison Chanel. C’est à cette époque-là qu’il a monté, en parallèle, sa marque éponyme. Depuis le début, il ne travaille qu'avec des deadstocks. Alphonse a taillé ses premières collections dans de vieux draps et rideaux, qu'il lavait et teignait. C’est grâce à ces procédés qu'il a remporté le Prix de la Ville de Paris et le Prix de l’innovation de la Ville de Shenzhen en 2021, au moment du boom de l'upcycling. Il a déjà produit huit collections, défilé sept fois à Paris. "Avec une marque qui se développe, j'avais besoin de volumes de matières plus importants et je suis désormais sponsorisé à titre d'ambassadeur pour Nona Source." Toutes ses collections sont fabriquées à partir de tissus et cuirs de récupération issus de maisons de luxe ou de griffes de niche. De même, ses sacs en forme de boîtes à gâteaux pour le volet "goûter 16e arrondissement" et ses manettes de jeux en différents formats pour grimper les niveaux du style, sont entièrement composés de chutes de cuir et de surstocks de tanneur.
Maitrepierre joue des codes de la bourgeoisie dévoyée, il les mélange avec des pièces gender fluid, insuffle un décalage dans le guindé, de l'humour dans le paré. "C'est transgressif, ça apporte du second degré, du contraste dans des codes trop lisses." Alphonse, qui aimerait intégrer une grande maison pour développer son univers alternatif, ne cherche pas le sexy à tout prix. Il aime valoriser les failles, séduire jusqu'à ce que le "trop attendu" ait été battu par game over. Ou rehaussé de crème au beurre.