Joaillerie

On y était : à l'exposition "Cartier, Crystallization of Time” à Tokyo

L’exposition “Cartier, Crystallization of Time” qui se tient actuellement à Tokyo, magnifiquement mise en scène par l’entreprise architecturale New Material Research Laboratory fondée par l’artiste Hiroshi Sugimoto et l’architecte Tomoyuki Sakakida, jette un regard neuf et vivifiant sur la quintessence du style Cartier.
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Pour comprendre cette ligne de fuite qu’est le temps, pour capturer et en quelque sorte cristalliser sa substance, la maison Cartier a choisi la voie essentielle du dialogue et de la métaphore. C’est du moins la première impression qui nous vient au cœur et à l’esprit en sortant de l’exposition magistrale, très justement baptisée “Cartier, Crystallization of Time”, qui dévoile ses magnificences et ses questionnements au Centre national des arts de Tokyo. 


Al Thani, Tutti Frutti, Panthère…
Les principes fondateurs du style Cartier y sont mis en scène par le New Material Research Laboratory, une entreprise architecturale fondée par l’illustre artiste contemporain Hiroshi Sugimoto en collaboration avec l’architecte Tomoyuki Sakakida. NMRL, conformément à sa vocation, a concilié l’artisanat traditionnel (techniques ancestrales et matériaux immémoriaux) et les nouvelles technologies afin de permettre au visiteur de toucher du doigt l’âme commune des trois cents pièces exposées et la qualité de la vision qui les a engendrées. C’est une première : la moitié des pièces présentées a été prêtée par les clients et les collectionneurs. La plupart d’entre elles n’ont jamais été exposées. C’est également la première fois que la maison Cartier offre au regard un si vaste florilège de créations contemporaines : les quatre dernières décennies de la production Cartier sont très largement représentées. On retrouve ainsi au fil des salles des figures connues : les chefsd’œuvre de la collection Al Thani, les parures du maharadjah de Nawanagar, le Tutti Frutti de Madame Cole Porter, celui de Daisy Fellowes, les bracelets en cristal de roche de Gloria Swanson, la fameuse broche Panthère appartenant à la duchesse de Windsor avec son imposant saphir cabochon de 152 carats, les colliers crocodiles de Maria Felix. Les créations contemporaines sont mises en regard avec les pièces anciennes. Leurs architectures, tour à tour géométriques ou organiques, délicates même lorsqu’elles s’inspirent de l’accident, harmonieuses même lorsqu’elles expriment le chaos, émouvantes même lorsqu’elles auscultent le quotidien, se répondent dans un dialogue fécond et nourricier.  
Un motif fougère couché sur un carnet de dessins provenant des archives de Louis Cartier prospère quelques mètres plus loin sur une broche en platine, tout en rejaillissant ailleurs sur un kakémono de l’époque de Heian.


Des vitrines aux allures de sanctuaires
La scénographie accorde une grande place aux matériaux choisis pour leur puissance tellurique. Sur des roches d’origine volcanique reposent des vitrines en acier rouillé. Le bois de cyprès offre son doux poli aux bustes façonnés par des bushis, ces artisans qui sculptent habituellement les bouddhas du Japon. Ces bustes composent des vitrines aux allures de sanctuaires shintoïstes. Le cèdre du japon, le sugi, dont la silhouette conique orne habituellement avec majesté l’entrée des temples et des oratoires, offre toute la surface nécessaire à l’exaltation d’une virtuosité joaillière. Des pierres hors norme, telles que l’Étoile du Sud, reposant sur une planche datant du shogunat de Kamakura, confrontent leur cristallisation minérale légendaire aux souffle de l’Histoire représenté par un sceptre vajra et un rouleau thangka de la culture bouddhiste tibétaine. Galvanisés par cette scénographie qui entremêle les fils des siècles, certains visiteurs s’amusent à dater, à l’aveugle, certains bijoux. Souvent ils se trompent de plusieurs décennies : ce collier couronné de cabochons gourmands, dont les courbes pures et langoureuses accueillent un pelage félin composé d’onyx, a-t-il été créé dans les années 1970 ? 1980 ? Cette année ? Non, indique le cartel : c’est une création de Jeanne Toussaint – célèbre directrice de la création de la Maison qui, par ailleurs, avait fait de la panthère son animal fétiche – produit durant les années 1930. Et soudain, on se rend compte que la grande force de cette exposition, au-delà de la manifestation évidente d’une maestria unique, c’est de dessiner en creux à la manière des intailles, en filigrane des pièces exposées et des thèmes étudiés, le portrait idéal de la femme Cartier : une femme capable, quelque soit son tempérament et sa sensibilité, de recueillir et de faire fructifier l’air du temps et l’essence de l’éternité.
 

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