Les capteurs de rêves
Longtemps, les pierres précieuses ont été nimbées de mystère. Il faut dire que les conditions de leur cristallisation relevaient effectivement du prodige. Quant aux péripéties géologiques, qui avaient conduit ces minéraux chatoyants des entrailles de la terre à la surface du globe, elles relevaient objectivement du miracle. On comprend donc parfaitement les raisons pour lesquelles ces pierres de lumière venues des ténèbres étaient destinées à se métamorphoser, pour certaines, en amulettes qui protègent, pour d’autres, en talismans qui combattent.
Enchâssées dans un pendentif, une figurine ou un anneau, elles avaient la lourde tache d’éloigner les mauvais esprits, de ramener au port les navigateurs, de faire naitre la faveur des princes, d’attirer la protection des divinités les plus diverses. Parfois même, ce rôle de protection se poursuivait jusqu’au tombeau : les nombreuses amulettes en forme de scarabée retrouvées auprès des momies égyptiennes le prouvent. A chaque gemme sa fonction : l’améthyste par exemple contrôlait les mauvaises pensées, la turquoise donnait confiance en soi, l’émeraude distillait paix et harmonie, l’onyx procurait la stabilité, le jade aidait à la résolution de conflits. Dans certains cas, elles servaient de remèdes aux maladies : cette croyance a longtemps persévéré : on vend encore au Japon en tant que remède des comprimés de calcium faits de perles pulvérisés.
Superstition ? Magie ? Persévérance irrationnelle de rites insensés ? Peut être. Notons à ce propos que celles et ceux qui ne croient pas en la magie ne la rencontreront jamais. Pourvoyeurs de poésies et capteurs de rêves ? Surement. Reconnaissons dans tous les cas que leur pouvoir de consolation, de suggestion et d’évasion continuent de faire sens aujourd’hui. Les créateurs de joaillerie l’ont ressenti à juste titre : aussi égrènent-ils avec inventivité et sincérité de remarquables propositions créatives. Florilège.
Ilona Orel est une créatrice formée aux Beaux Arts en Russie. Sa collection Venus & Mars, réalisée par un atelier de la Place Vendôme, adresse tout d’abord un hommage évident au génie ultime de la Pop – le regretté Prince - et au Love Symbol qui constituait et constituera pour l’éternité sa signature. Elle célèbre également l’amour, ou plus précisément l’Union, en réunissant les polarités et les genres. Le féminin et le masculin, le soleil et la lune se conjuguent dans des bijoux en or 18 carats, volontiers surmontés d’une perle Akoya, qui dressent une ode lumineuse à la vie.
Photo : Emily Minchella
https://ilonaorel.com
« Même si je ne suis pas mystique, je suis assez superstitieuse. Non pas par peur, mais parce que j'aime à croire qu'il existe un plus grand pouvoir bienveillant et que ce pouvoir peut prendre et exister sous plusieurs formes. » Cette déclaration de la créatrice de la marque Tabayer, résume parfaitement la philosophie qui a présidé la création de ces bijoux hypnotisant et scrutateurs.
Incrustés de gemmes multicolores, réputées pour leurs vertus bénéfiques - Malachite, Turquoise, Améthyste, Lapis-Lazuli, et bien sur l’Opale – les bijoux de Jenny Dee offrent à a la fois une magnifique démonstration de savoir-faire (la marqueterie de pierres précieuses) et de créativité. La forme de ces petites merveilles semble véritablement relever d’une géométrie sacrée.
Depuis plusieurs années, Noor Fares atteste la parfaite maitrise de son art fondé sur l’exploration des sens avec des collections aux noms évocateurs (la derniere en date se prénomme « Padma » en référence au mot sanskrit désignant le Lotus, fleur sacrée par excellence) qui font la part belle aux pierres de couleurs choisies pour leur aura et leur propriétés curatives. Le vaste éventail de savoir-faire déployé est remarquable.
Selim Mouzannar qui est issu d’une longue lignée de joailliers, fournisseurs de l’Empire Ottoman depuis le 19e siècle, a vécu mille vies, entre son enfance à Beyrouth et sa vie de chercheur de pierres, aux confins des mines birmanes. Ses bijoux font la part belle aux tailles anciennes (Falamenk dit taille flamande), et mettent en lumiere des classiques de l’art ottoman, à l’instar de sa collection Kastak qui fait briller sur des chaines de montre à gousset - en or jaune et en émail - des pompoms, des médailles, des reliques, des gri-gris, ornés de diamants et de rubis.
https://www.selimmouzannar.com
Impossible enfin d’évoquer les amulettes sans citer l’Alhambra de Van Cleef & Arpels avec ses mythiques motifs quadrilobés bordés de perles d’or. Fluidité et élégance du porté, associations heureuses de matières, vertu talismanique et divinatoire du design, déclinaisons inventives, savoir-faire emblématique, ce bijou est, depuis plus de 50 ans, le symbole ultime de la chance.
https://www.vancleefarpels.com