Pomellato : « Nos clientes n’achètent pas pour épater la galerie »
La Casa Pomellato, comme son nom l’indique, est une véritable maison. Confortable, accueillante, elle se dresse autour d’un vaste bassin couronné d’arbre : un décor bucolique qui invite à la contemplation. A l’intérieur, les couleurs chaleureuses, les motifs vigoureux du mobilier, la patine des matériaux précieux rappellent que nous sommes au coeur de Milan, ville du design par excellence.
Les lieux ont de la mémoire : la maison est une ancienne chocolaterie des années 50 et il est bien vrai qu’il y a ici quelque chose de gourmand, d’onctueux, de totalement conforme à l’essence de cette belle maison de joaillerie qui fête cette année son demi-siècle d’existence.
Pomellato est né durant les trente glorieuses, en 1967. Une décennie à la fois contestataire et pleine d’allégresse. Le fondateur, Pino rabolini souhaite insuffler la philosophie du prêt à porter dans la joaillerie. Des bijoux colorés, vivants, avec du caractère, sans être solennels. Le concept fait mouche : l’Italie succombe, le reste du monde ne tarde par à suivre. Aujourd’hui, Pomellato est le cinquième joaillier d’Europe.
Le style du joaillier se caractérise tout d’abord par un savoir-faire d’exception. Italie oblige. Ici, on ne plaisante pas avec les traditions centenaires, nourries au fil des décennies par des orfèvres passionnés qui se transmettent de père en fils la connaissance du métal. La maison compte 100 artisans qui travaillent à Milan : leur maitrise confondante des techniques ancestrales leur permet de trouver des solutions inattendues à la mise en forme d’inimitables bijoux sensuels et opulents, au prix de dizaines d’heures de travail intense. Le succès de la maison leur doit beaucoup.
L’autre caractéristique de Pomellato, la plus singulière, c’est l’utilisation remarquable des pierres de couleur. De toutes les pierres. Ceux sont elles qui dictent en premier lieu le design de ces bijoux éclatants aux volumes généreux. A l’intérieur de la Casa, au bout d’un couloir tenu secret, une pièce sécurisée regorge de gemmes multicolores. Des quartz rose, lemon, des topazes bleues, des chrysoprases turquoises, des améthystes, des agathes, des grenats, des citrines. Stefano Cortecci, en bon directeur des opérations, règne sur ce royaume minéral aux allures de caverne d’Ali Baba. « Avoir un tel stock de pierres sur place représente un effort considérable de trésorerie. Mais pour nous, il est important de veiller à ce que la maison ait toujours sous la main les gemmes appropriées pour nos créations : les pierres sont les stars de nos créations et nous ne pouvons nous permettre d’en manquer. D’autant plus que le prix des pierres fines, depuis quelques années, ne cesse de monter ».
Le prix des pierres fines augmente en effet, car elles sont, en quelque sorte, victimes de leur succès. Un succès mérité. On classe en général les pierres issues de matière minérale en deux catégories : d’un coté les pierres précieuses : le diamant, le rubis, l’émeraude, le saphir. Et de l’autre les pierres fines qu’on appelle parfois les pierres semi-précieuses. Expression atroce car bien souvent les pierres semi-précieuses ont plus de valeur, dans tous les sens du terme, qu’une pierre précieuse. La Maison Pomellato a fortifié sa gloire et son identité sur l’utilisation in extenso d’une grande variété de pierres, dont les pierres fines. Elle ne compte pas dévier de sa route comme nous l’indique Sabina Belli. Aussi belle qu’élégante, cette italienne cultivée aux yeux pénétrants préside la maison depuis 2015 « J’interdis l’expression ‘pierres semi-précieuses’ : chez nous, on les appelle les « new precious » parce que ce que vous avez cru ou considéré comme peu précieux pendant longtemps est en train de gagner à juste titre toutes ses lettres de noblesse Je vous défie de trouver des rubis et des émeraudes non chauffées aujourd’hui. Dans la nature, il n’y en a plus. Vous allez voir que l’on va revenir aux fondamentaux de la joaillerie historique. Les diamants au fond, vous le savez bien, sont nées à la fin du XIXème siècle pour répondre aux impératifs marketing de collectifs liés à la l’exploitation de mines récemment découvertes. Regardez la couronne de Charlemagne, elle était constellée de pierres fines. »
L’autre grande caractéristique de Pomellato, c’est le regard posé sur la féminité. La maison s’adresse à toutes les femmes, non pas simplement aux sirènes sur papier glacé ou aux influenceuses pré-formatées en quête d’approbation sociale. « Il faut comprendre que Pomellato est né dans une période très particulière : jusqu’à la fin des années 60, les bijoux se transmettaient de génération en génération. Ils dormaient plus volontiers dans un coffre au lieu d’étinceler sur les poignets. Il y avait une relation au bijou très formelle, figée. Puis, il y eut une sorte de prise de conscience de la part de femmes. C’était une grande nouveauté sociétale: la montée d’une population féminine de plus en plus autonome, indépendante, qui commençait à travailler, à voyager, à regarder la mode d’un œil neuf. Pino Rabolini comprend tout cela, il décide de créer une ligne de bijoux – Pomellato – conçue pour cette nouvelle génération qui est plus décomplexée, plus versatile dans sa façon de porter les bijoux. » Ce n’est pas sans raison si Sabina Belli a tenu à mettre à l’honneur des femmes indépendantes, autonomes, dans les campagnes de communication de la maison : on pense notamment à Amy Sall – fondatrice et rédactrice du journal SUNU – et à la photographe et artiste Carlotta Kohl. « Ce ne sont pas des femmes qui ont besoin d’être là pour épater la galerie, pour faire du show off ou pour exhiber un logo. Elles ont une force et une ouverture d’esprit. C’est très important pour nous. Nous sommes fiers du fait que nos clientes achètent nos bijoux parce qu’elles les aiment vraiment, et non pas pour suivre un mouvement. Elles se les achètent elles mêmes, à titre de gratification personnelle.».
Pour fêter ses cinquante ans d’existence ; la maison a dévoilé à Milan une extraordinaire collection, baptisée Ritratto. Cinquante bagues. Des bagues uniques car chacune d’entre elles met en relief en son centre, reliée par deux griffes volumineuses, une pierre dure hors du commun, à la fois par ses dimensions, sa taille ( le « portrait cut : une ancienne taille indienne de grande dimension qui était utilisée pour couvrir les portraits et les miniatures) et sa couleur. Une palette chromatique prodigieuse: chaque pierre ressemble à un tableau, avec ses nervures saisissantes et ses dessins arborescents. Une pierre centrale en Rhodochrosite dessine des motifs allant du rose intense au rose pale : on pense soudain aux crépuscules des iles Hawai. Une Agathe Dendritique rappelle un paysage d’hiver. Une bague en Zoisite semble velouter d’un vert tendre les contours mystérieux d’un jardin secret. On ressent l’influence des énérgiques années 70, mais aussi l’hommage à la joaillerie italienne, à l’Opificio delle Pietre Dure de Florence. Ces références ne doivent cacher le traitement non conventionnel opéré ici sur la pierre dure: le résultat est à la fois extraordinairement sophistiqué et brillamment anticonformiste. Un tour de force doublé d’ une véritable profession de foi.