Faut-il aller voir Judy, le film de Rupert Goold avec Renée Zellweger ?
Biopic crépusculaire, Judymontre l’explosion, très brillante, d’une étoile immense : les derniers mois de la vie d’une légende hollywoodienne, Judy Garland. Enfant de la balle, elle est signée par la MGM à 13 ans. Là, elle est “inventée” par l’ogre Louis B. Mayer qui la choisit en 1938 pour incarner, à 16 ans, Dorothy, l’héroïne aux escarpins rouges à paillettes du Magicien d’Oz. “La petite bossue” comme la surnommait impitoyablement le producteur, doit travailler sans relâche, est bourrée d’amphétamines et de barbituriques pour rester ef cace, subit une diète drastique pour ne pas grossir. À 17 ans, elle décroche son premier oscar. Mais elle ne se remettra jamais vraiment de ce contrat faustien qui a fait basculer sa vie sur la route en briques jaunes de la gloire. Quand l’histoire commence, trente ans plus tard, Le Magicien d’Oz, son oscar et son arc-en-ciel sont bien loin et Judy paie très cher l’addition d’une vie partie en lambeaux devant les projecteurs. Renée Zellweger campe cette Judy usée sous son maquillage, alcoolique, souvent boudeuse et les bras ballants comme une gamine, une ex-diva qui ressuscite – parfois – en montant sur scène pour chanter comme si sa vie en dépendait. En 1961, son album live sidérantLive At Carnegie Hall lui a valu un grammy award et a donné à son large public la preuve de son génie de la scène. Car ce qui a toujours fait la différence, c’est sa voix, avec son vibrato chaud, unique et ses basses profondes, une voix rare de contralto (comme aujourd’hui celles d’Adele ou de Lady Gaga) qui fait pleurer les foules. Là, Renée Zellweger, même si elle chante bien (voir Chicago) et même si elle joue une Judy en toute n de vie pendant l’hiver 1968, ne peut encaisser la comparaison avec l’originale. Pour le reste, l’actrice se fond dans ce personnage qui lutte en permanence pour survivre à ses doutes, ses mariages et ses addictions, pour voir ses enfants, pour avoir le droit à un peu de répit et surtout pour garder ce public qui la fait exister “en grand”, exister tout court. Ce chant du cygne devient là émouvant, écho tragique à ces mots poignants que Judy Garland avait un jour lancés : “Je peux vivre sans argent mais je ne peux pas vivre sans amour.”
Judy, de Rupert Goold, avec Renée Zellweger, Jessie Buckley, Finn Wittrock... Sortie le 26 février 2020.