Pierre Hardy by night
“Il y a deux films sur la nuit que j’aime particulièrement. D’abord, La Nuit américaine (1), de François Truffaut (1973). J’en retiens l’idée d’artifice, ou comment une fausse réalité peut mettre en évidence des choses qu’on ne percevrait pas dans une situation naturelle, ce qui me semble particulièrement intéressant dans nos métiers créatifs. Ce film fonctionne selon un procédé très théâtral, c’est une fausse nuit, la nuit le jour, tournée avec un filtre, c’est faire ‘comme si’, et c’est très révélateur… Et puis je trouve dans ce film l’élégance française de cette époque-là, très naturelle, pas prétentieuse, avec une vraie beauté des gens. Il y a Jacqueline Bisset, sublime et impériale, mais ma préférée reste Dani, avec sa gouaille, à la fois chic et popu. Même la narration, commentée en voix off par Truffaut, est incroyablement belle. Ce film, qui repose sur un subterfuge, aboutit finalement à quelque chose de parfaitement naturel, et je trouve ça magnifique… Mais s’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait Les Nuits de la pleine lune (2), d’Éric Rohmer (1984). Ce film correspond complètement à ce que j’ai vécu à ce moment-là à Paris, les Halles, les soirées, la boîte Les 120 Nuits, la musique d’Elli et Jacno, les looks pour sortir danser. Tout ça m’est très intime ! C’est aussi le moment où je commençais à créer. Et puis il y a l’histoire de cette fille, qui va et vient entre la banlieue et Paris, ce qui correspondait aussi à ma vie, et qui montre une banlieue pas encore ostracisée, vécue comme un choix de modernité. Cette fille un peu gracile et qui n’en fait qu’à sa tête, avec son look à la fois suranné et totalement de son époque, me touche beaucoup…”