Phuket, la bonne idée de la rentrée

A Phuket, on n’avait jamais savouré tant de délices : plages désertes, tarifs hôteliers en chute libre (certaines suites avec piscine privée cédées avec 70% de réduction), abondance de suggestions, certaines totalement inédites, escapade dans la jungle, tables gastronomiques, sorties en mer, séances de yoga, shopping chic… On n’en finirait pas d’égrener les réjouissances accessibles dans la minute pour trois fois rien, accueil tout sourire et service aux petits soins inclus. Bref, à Phuket, les paramètres touristiques jouent la pleine euphorie entre vert tropiques et bleu lagon. Mieux, les petites arnaques, le taxi au compteur détraqué, les soieries synthétiques, les breloques de contrefaçon, la fumette et les menottes trop câlines ont disparu. D’accord, la station a perdu ses frissons du borderline. Mais elle a retrouvé sa sérénité. Les vacanciers savourent.

Miracle ? Bien sûr que non ! La Thaïlande recevait 40 millions de touristes par an, Phuket, 14 millions. Un trésor pour les caisses du royaume. Oui, mais ça, c’était avant. Un tsunami de Covid plus tard, Phuket accueille dix fois moins de visiteurs. Aéroport silencieux, hôtels vides, rues désertes, rideaux baissés, regards désespérés. Et recettes en chute libre.

Alors, l’île de Phuket a été chargée d’organiser le combat contre la pandémie. Curieusement baptisée SandBox (bac à sable), la formule est mise en œuvre depuis quelques mois. En cas de succès, elle sera appliquée aux autres îles du pays, puis à l’ensemble de ses régions touristiques. Au-delà, elle pourrait servir de modèle dans le monde entier.

Souriante efficacité, parfaite fluidité

Cette bulle sanitaire a commencé par la vaccination massive (actuellement, plus de 70% des 416 000 habitants de Phuket et 100% de ses personnels touristiques), un contrôle draconien des arrivées, masque obligatoire, prise de température à chaque porte franchie, tests, etc. Les Thaïlandais du continent ne peuvent débarquer que pour motifs impérieux. Quant aux étrangers, ils sont soumis à un véritable check-up médico-administratif allant de l’attestation des deux doses reçues au moins quatorze jours avant le décollage aux trois tests PCR exigés (dont deux sur place à 75 euros l’unité), en passant par le séjour minimum de sept nuits dans le même hôtel, les réservations assurées, les assurances, un certificat médical en anglais, etc. Soit une dizaine de documents au total.

Ce chemin de croix peut paraître dissuasif. Pas faux, sauf à considérer qu’il devient aussi garant de la sécurité sanitaire sur place, sauf surtout à exiger qu’il incombe à l’agent de voyage auquel on aura eu la sagesse de confier ses vacances. Ajoutons que sur place, l’accueil autant que les modalités de ce process sanitaire dense sont assurés avec une souriante efficacité, dans une parfaite fluidité. De quoi applaudir l’organisation qui règne à Phuket, en souvenir du chaos subi à Roissy le jour du départ, en crainte des bousculades promises au retour devant les guichets de la douane. Sans parler d’un possible énième mouvement de grève…

Des tarifs de rêve

En attendant, il est l’heure de composer le cocktail du bonheur pieds dans l’eau, tête à la danse avec le ballet de la colombine et de l’aigrette, sourire offert à la caresse du soleil. Pause.

Pas vraiment bondés, les hôtels montrent l’exemple avec des tarifs de rêve. Le superbe Intercontinental, face à la baie de Kamala, anse de sable blond étirée sur plus de 3 kilomètres à l’abri de pins casuarinas, joue les excellences en matière de service et de tarifs : 120 euros la nuit. Pour un 5-étoiles flambant neuf doté de vastes chambres avec terrasse vue mer, de deux piscines géantes, d’une table de référence et d’un service exemplaire, on n’a jamais vu cela. Même étonnement version palace d’exception à l’Amanpuri qui domine la presqu’île voisine. Ses villas de trois chambres avec piscine privée et parfaite intimité sont accessibles pour un millier d’euros. Cadeau. Dans un registre plus simple, le Marriott, plébiscité par les familles qui adorent son interminable piscine, sa plage somptueuse… casse son addition à moins de 100 euros la nuit en chambre double avec lit enfant !

La liste des envies

Ainsi paré d’infinie sagesse, voici l’heure d’accoster sur Maphrao (prononcer Coconut Island). L’île flotte à quelques encablures de Phuket mais a la particularité d’être (c’est un miracle) restée dans son jus originel : chemins de terre, masures brinquebalantes, forêt dense, barcasses hors d’âge et pétrolettes poussives. Il n’empêche, voici le témoignage d’une communauté de pêcheurs restée bien loin des turbulences et des modes planétaires. La preuve, aucun cas de Covid n’y a été détecté. Sourire généreux, main sur le cœur et étonnement manifeste pour ces visiteurs qui firent un si long voyage afin de découvrir pareille simplicité. Mini crabes grillés, poissons pêchés ce matin, pyramide de fruits juste cueillis, confidences des anciens, curiosité des jeunots pour le monde d’ailleurs… On mesure à Maphrao l’éventail de vies si différentes, on s’en réjouit, on en repart ragaillardi par tant de vérité.

Pour le reste du séjour à Phuket, ce sera paresse à l’abri d’une crique déserte, jogging sur la plage, godasses boueuses sur les chemins de jungle qui griffent l’intérieur de l’île entre deux haies d’orchidées sauvages et de fougères arborescentes, cours de cuisine, Spa, coucher de soleil salué d’un mojito sur le pont d’un élégant catamaran, séance de méditation sous l’égide d’un maître à l’hôtel Banyan Tree, soirée chic rythmée par le DJ du Catch Beach Club… La liste des envies assure à coup sûr le Loto des vacances réussies. Gagné ! C’est une excellente nouvelle.

Inventer de nouvelles manières

Phuket est donc en passe de remporter son défi sanitaire. La Thaïlande jubile, prévoyant dupliquer la formule sur d’autres îles, Koh Samui en particulier, avant de rêver d’un pays entier libéré de la pandémie.

A l’étranger, on observe avec attention, en imaginant importer la méthode pour restaurer enfin son crédit touristique. Et ses recettes. Seychelles, Maldives, Tahiti, certaines pépites des Caraïbes, Oman… Tous observent à la loupe les effets de la SandBox. Certains s’interrogent quand même : la crise, enfin jugulée, n’inviterait-elle pas à changer de paradigme ? Bannir la foule, ne plus recycler les euros chiffonnés, oublier les rivières de bière autant que les massages à la chaîne…  Phuket montre qu’elle a les ressources pour inventer de nouvelles manières. Le génie thaï fait merveille. Ses amoureux croisent les doigts.