Visite guidée : une maison sens dessus dessous
Sa maison à la renverse, plantée au milieu d’un champ près de Marrakech, a fait le tour du monde. Une création surréaliste qui invoque l’univers d’un Magritte ou d’un Salvador Dalí. Artiste-plasticien, sculpteur et photographe installé dans la ville ocre, Jean-François Fourtou travaille et crée à la croisée de plusieurs disciplines : art contemporain, design, architecture et scénographie façon décor de théâtre. Des univers reliés par un dénominateur commun : la mémoire et les souvenirs d’enfance traités à travers un filtre surréaliste et ludique.
À Marrakech, au milieu d’un champ, il reproduit en 2010 la maison de son grand-père, une reconstitution fidèle jusqu’aux moindres détails… mais sens dessus dessous. Baptisée Tombée du ciel, cette maisonnette charentaise à toit pentu est inversée. Le bas devient le haut, l’étage est le rez-de-chaussée. Tout y est à l’envers : toit, balcon, porte d’entrée et mobilier. On entre par la fenêtre du premier étage pour découvrir dans la salle de bains une baignoire accrochée au plafond, dans la chambre, on lève les yeux vers le haut pour trouver le lit et dans la salle à manger, la table est dressée… à l’envers. Après avoir chahuté l’architecture charentaise traditionnelle sur fond de palmiers dans la ville rouge, Jean-François Fourtou a continué à créer des maisons inversées. À Lille, dans le quartier historique, il a construit une maison flamande à l’envers et penchée, comme catapultée de l’espace pour se planter dans le sol, posée sur son toit. Cette installation a été visitée par quelque 80 000 personnes. Échelles, perspectives, et perceptions visuelles chamboulées, dans ses “maisons” qui sont comme des “oeuvres à habiter”, l’artiste crée un monde qui défie les lois de la gravité, un monde qui se joue aussi des règles spatio-temporelles, et ce à plusieurs niveaux puisque c’est un passé disparu, celui de son enfance qu’il cherche à reproduire et à retrouver. L’univers de l’enfance, réel et fantasmé, est son obsession intime. Un travail matérialisé par la création de cabanes, cachettes, chambres et intérieurs miniatures, à l’image de maisons de poupées, mais toujours inspirés des lieux où il a vécu enfant.
La fantaisie de l’enfance intervient aussi dans un autre volet de sa palette d’artiste, la sculpture. Jean-François Fourtou s’est en eff et fait remarqué, dès le début de sa carrière, pour son bestiaire fantastique et ludique, des sculptures animalières qui semblent tout droit surgies des pages d’un conte pour enfants, ou inspirés des vers d’une comptine ancienne : escargots, brebis, oies et tortues. D’autres ressemblent à des jouets grandeur nature comme les chevaux monumentaux qu’il a installés à Marrakech au milieu d’herbes folles. Au fil des années, son bestiaire s’est enrichi de chameaux, girafes, caniches et orangs-outangs et l’artiste l’a décliné aussi en photographies dans des mises en scène surréalistes : un chameau se promène dans le métro new-yorkais ou trône dans un bureau de style, cossu et bourgeois, tandis que des grands singes se balancent aux étagères d’une bibliothèque ancienne. L’art de Jean-François Fourtou est un art de l’incongru ou comme le dit si joliment l’Alice de Lewis Carroll : “Si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ?” .
PHOTOS © JEAN-FRANÇOIS FOURTOU, COURTESY GALERIE MITTERRAND