De Madagascar au Kerala, voyage au pays des senteurs
LA VANILLE DE SAMBAVA À MADAGASCAR
C’est dans la région de Sambava, au nord-est de Madagascar, entre océan, brousse et montagne, que pousse la vanille la plus fantastique, la plus parfumée du monde. Celle choisie par Mugler pour son parfum Aura. “Nous avons choisi la très belle qualité de vanille noire de Madagascar pour ses facettes intenses, fumées, quasi animales, parfaitement en adéquation avec notre concept autour de l’instinct”, souligne Pierre Aulas, directeur olfactif de Mugler. Très utilisée par les parfumeurs, l’absolue de vanille de Madagascar représente environ 80 % de la production mondiale.
Située entre Vohémar et Antalaha, Sambava fait partie de ce que l’on appelle le “Triangle vert”, la plus grande zone de production de gousses de vanille. La production annuelle, évaluée à 800 tonnes, est essentiellement destinée à l’exportation. Différentes communautés cohabitent ici de manière harmonieuse et conviviale, vivant principalement de l’agriculture, de la culture de rente (vanille, girofle, café) mais aussi de l’artisanat. Notede fond du parfum Aura Mugler, la vanille de Madagascar offre une odeur profonde, une odeur de bonne crème à la vanille, presque cuivrée. Cultivée pour épicer les mets les plus doux, mais aussi pour son odeur incomparable, la vanille nécessite de multiples savoir-faire. Pour accéder aux plantations d’Antsirabe Nord où est cultivée la vanille écoresponsable, il faut parcourir 1120 km depuis la capitale Antananarivo. Un voyage de trois jours en 4x4...
Ce sont des femmes malgaches appelées “marieuses de vanille” qui sont chargées de polliniser manuellement les fleurs; un travail qui a lieu au mois de novembre. Elles fécondent alors chacune près de 1500 fleurs par jour. Chaque liane plantée dans la forêt sur un arbuste de soutien et nourrie de compost végétal donnera naissance, neuf mois plus tard à des fruits verts allongés, les futures gousses. Lorsque la date de la récolte, fixée officiellement, arrive, en juin et juillet, les paysans cueillent à la main les fameux “balais” verts. Dans l’usine, le tri se poursuit au rythme des chants des paysans, autour de longues tables où sont dispersées les gousses, bientôt rassemblées en petites bottes. Si elles ne dégageaient au départ aucun arôme, elles ont été transformées en bâtonnets noirs odorants après les étapes traditionnelles de préparation, étalées sur six mois. L’échaudage, l’étuvage puis le séchage sur des claies, au soleil d’abord pendant dix jours et enfin à l’ombre pendant deux mois. Avant une dernière étape, l’affinage. La vanille est alors disposée dans une malle en bois pendant environ huit mois, recouverte de papier paraffiné pour la protéger de l’air extérieur et lui permettre de développer son arôme.
Fin octobre, les bottillons de vanille serrés dans des cartons gagnent la route de Vohémar à 90 km au nord de l’usine. Mis en containers, le chargement transite par Port-Louis à l’île Maurice et emprunte le canal de Suez pour être débarqué deux mois plus tard à Marseille.
LE JASMIN SAMBAC AU KERALA
C’est dans le sud de l’Inde, dans la région du Kerala, que les parfums Mugler sélectionnent les fleurs les plus précieuses pour l’un de leurs plus grands parfums, Alien. La fragrance est réellement dominée par le jasmin sambac. Également appelé “vrai jasmin” ou “jasmin d’Arabie”, le jasmin sambac est une plante à la fois très belle et très odorante. Originaire d’Inde, il arbore de magnifiques petites fleurs blanches. Le sambac est la variété de jasmin la plus recherchée des parfumeurs du monde entier. En Inde, prisé pour ses qualités symboliques de pureté et de noblesse, pour sa senteur aussi, le jasmin sambac est une fleur sacrée : elle est l’offrande religieuse de prédilection, symbole de l’espoir divin, offerte aux divinités des temples. Il est cultivé depuis plus de 2000 ans dans le sud de l'Inde. Plus de 100000 tonnes de ces fleurs sont ramassées dans la région chaque année. Selon Pierre Aulas, le jasmin sambac d’Inde s’est très vite imposé dans la formule lors du développement olfactif d’Alien, “car nous cherchions à exprimer, dans notre parfum, féminité, sensualité et luminosité. Et le jasmin sambac a tout cela!”
Assister à la récolte du jasmin sambac est une expérience qui se mérite. Le voyage est long : une journée et demie de périple avec un réveil à 4h du matin et une heure de route en 4x4 à slalomer entre les scooters et les buffles avant d’arriver à Madurai, à 330 km au sud de Pondichéry, où la fleur dévoile toute sa richesse. Ici, la météo est parfaite : un climat chaud et humide toute l’année et des pluies toutes les trois semaines permettent une croissance optimale et une belle récolte de mars à octobre. Un véritable hommage à l’excellence du jus imaginé par Dominique Ropion, parfumeur chez IFF, et à sa formule magique qui mêle au jasmin des matières aussi nobles que l’ambre blanc et le bois de cashmeran. Le jasmin produit l’une des huiles les plus onéreuses et une des fragrances les plus recherchées du monde en parfumerie.
Dès 6h du matin, les cueilleuses sont à pied d’œuvre pour ramasser les boutons à la main. Le jasmin sambac ressemble à un petit buisson ardent d’un mètre de haut. C’est à l’aube, alors que la fleur est encore en bouton, que la cueillette démarre. Entre 2 et 10 kg sont récoltés chaque jour. Les boutons sont ensuite emballés dans de grands draps noués et acheminés sur des 2-roues à l’usine d’extraction Chennai Bioflora, ou au marché aux fleurs car 97 % de la production est réservée à la production de guirlandes qui servent d’ornements (décoration de mariage, offrandes ou parures de coiffure). Seulement 3 % sont destinés à la parfumerie.
À leur arrivée, les boutons sont disposés dans de grands séchoirs, jusqu’à éclosion complète. L’extraction se fait de nuit, vers 21h, une fois que toutes les fleurs sont ouvertes pour que l’indole – composant à l’odeur peu agréable – ait le temps de s’évaporer. Elles sont ensuite insérées dans un extracteur, une grande cuve, pour y infuser dans un solvant qui, au fil des heures, s’imprègne de l’odeur du jasmin. À la fin du processus, il ne reste plus que la concrète. C’est cette cire jaune qui est acheminée par avion vers l’usine d’embouteillage en France. Grâce aux sambas, l'Inde a repris sa place de premier exportateur mondial de jasmin.