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Portraits de femme sur le Web3: Olive Allen, artiste pionnière de NFT crée son Metaverse

Au cours des trois dernières années, l'artiste Olive Allen s’est investie au-delà du monde de l'art physique à travers l’univers du metaverse. Elle a ainsi préparé la voie pour les artistes voulant s’engager activement dans l’univers numérique.

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Olive Allen, portrait par Patrick McMullan, 2022

Pionnière de l'utilisation de la blockchain depuis 2018, Olive Allen fait partie des premières artistes à mettre en vente leur collection NFT sur des sites tels que Nifty Gateway et Super Rare. Depuis le début, elle est une activiste pro-femmes dans l’internet décentralisé du Web3. A la pointe de la technologie crypto, elle est aussi une conférencière fréquemment invitée dans les forums de discussions de la Silicon Valley et des grandes foires d'art contemporain.

Russe de naissance, elle vit aujourd’hui aux États-Unis où elle poursuit sa carrière. D’abord en Californie elle joint sa pratique de peinture avec une start-up crypto, puis à New York où elle consolide sa présence dans le monde de l'art. Fascinée par la technologie et les faits de société, elle passe rapidement de la peinture traditionnelle à l'art numérique. En 2021, elle devient la première artiste à vendre un NFT à Art Basel. Plus récemment, lors de la dernière conférence NFT.NYC 2022, elle a été nommée par nft.now l'une des 100 créatrices les plus influentes de l'espace NFT.

En mai 2022, pour sa première exposition individuelle "Welcome to the Metaverse" à la galerie new-yorkaise Postmasters Gallery, Olive Allen a conçu un univers numérique sur une surface d'exposition de 300 mètres carrés.

Largement inspirée par la culture du jeu vidéo, cette exposition ambitieuse visait à immerger le visiteur dans un métaverse physique, sorte de kiosque galactique bleu, aménagé comme une boutique de souvenirs et destiné à questionner les promesses cyber utopiques émanant des nouvelles technologies.

La première salle d’exposition présentait un ensemble de figurines créées par l’artiste, une série de jouets animés par intelligence artificielle. Dans la veine de sa première collection NFT "The Unbearables", (“Les Insupportables”), ses nouveaux Furbies, Hypebeasts, Metacats, Hypebirds, Bull/Bears et Sheeples, sont pour elle des remèdes inoffensifs contre les angoisses sociétales.

Disponible en supports multiples, sculptures 3D, peintures et structures gonflables, chaque œuvre présentait un personnage avec sa propre histoire. Ces figurines sont les avatars créés par l’artiste censés être les représentants culturels de la jeune génération du futur.

Pour elle, l’art est en pleine mutation : "Les murs blancs sont ennuyeux et si tout peut devenir un NFT, pourquoi pas l'art ?".

Dans la même salle, un écran géant donne le ton à un monde futuriste plus vaste présentant une architecture planétaire s'inspirant de la conception inutilisée d'un bâtiment d'opéra imaginé sur l'eau par l’architecte Andrew Heid de No Architecture.

Dans la salle suivante, Genesis, un ours gonflable et des compositions de paysages numériques dans lesquels le public peut interagir. Dans son communiqué de presse, Olive Allen déclare: “Le métaverse n'est pas seulement un slogan populaire et une plate-forme de capital-risque, c’est aussi un rêve d'évasion, une chance pour une nouvelle vie, une chance de tout recommencer.”

Alors que le spectateur plongeait dans cette exposition galactique, de gigantesques globes oculaires intégrés dans l’ensemble des oeuvres rappelaient au public le côté Big brother d’Internet.

Cependant, alors que le monde numérique du métaverse semble nous inviter à un monde plus sûr et prometteur, l’artiste est bien consciente des contradictions et des sombres politiques de la vie réelle. En opposition à l'invasion de l'Ukraine par Poutine, Olive Allen a récemment fait la une des journaux pour avoir brûlé son passeport russe devant les caméras et transformé cette vidéo en NFT afin de collecter des fonds qui seront reversés à des organisations humanitaires. Cet acte de défi a été diffusé à la télévision américaine lors d’un entretien sur CNBC.

Tout au long de sa pratique, la nature sardonique de l’artiste l'a conduite à aligner sa sensibilité à des causes politiques. Elle a notamment participé à des expositions de groupes de résistance féministes (Galerie The Untitled Space) et plus récemment, a rejoint le groupe entièrement féminin-queer Web3 fondé par la chanteuse de Pussy Riot, Nadya Tolokonnikova. Dans ses discours publics, elle s'assure de toujours rappeler que les femmes n’occupent que 5% de l'espace blockchain.

La co-fondatrice de la galerie Postmaster, Magda Sawon, dit: “Il est crucial de promouvoir une femme artiste dans l'espace crypto lorsqu'il y a peu d’expositions, surtout de cette envergure !” Engagée dans l'art numérique dès 1996, à l'aube de la technologie du courrier électronique, sa première exposition digitale s'intitulait Can you digit?. "Lorsque NFT a fait surface, nous avons décidé d'aller de l'avant et de promouvoir des artistes sur la blockchain."

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Olive Allen, Welcome to the Metaverse, image courtesy of Postmasters Gallery, 2022

Après avoir visité l'exposition, j'ai continué ma conversation avec l'artiste :

L'Officiel / Coco Dolle : Les personnages principaux de votre travail s'inspirent des jouets et des ours comme moyen d'évasion de ce monde. Pouvez-vous  élaborer cette idée? En quoi le métaverse est-il un portail vers la liberté?
Olive Allen : Mes œuvres servent de symboles et de commentaires sur la société. Ils ne doivent pas être pris au pied de la lettre. The Unbearables, traduit par “Les Insupportables”, sont apparus pour la première fois dans mon travail en 2020 en tant que symboles du changement climatique et d'autres problèmes du monde moderne que je trouvais insupportables à l'époque. De plus, c'est ma façon de ne pas être égocentrique et de toujours trouver de l'humour dans les circonstances les plus banales et les plus sombres.

L'O : En brûlant publiquement votre passeport russe, vous avez renoncé à votre droit de retourner dans votre pays natal. Vous avez mentionné que votre famille avait subi un lavage de cerveau par la propagande russe jusqu'à un point de non-retour. Comment voyez-vous la nouvelle génération russe évoluer? 
OA : La plupart des gens de ma génération et plus jeunes sont conscients de ce qui se passe, beaucoup d'entre eux, comme moi, choisissent de partir. Au total, 3,9 millions de personnes ont quitté la Russie au premier trimestre 2022, 8,4 millions en 2019 et 7,6 millions en 2020. En 2021, au plus fort de la covid, il y en avait moins seulement— 2,7 millions. [Source : https://www.europeantimes.news/2022/05/how-many-people-left-russia-because-of-the-war/] Alors, oui, la nouvelle génération russes, avec ses esprits les plus brillants et l'espoir d'un avenir meilleur a fui le pays ou envisage de le faire. Il me semble que nous devrons en quelque sorte le reconstruire en dehors de la Russie. Il est vraiment difficile de faire des pronostics et des plans pour l'avenir en ce moment. Nous sommes toujours au milieu de l'horrible guerre et de l'oppression interne.

L'O : Vous évoquez l'avenir du metaverse inondé par les marques. Comment imaginez-vous les créateurs et les artistes survivrent à de nouvelles invasions d'entreprises sur une plate-forme avec laquelle ils ont à peine commencé à prospérer ? 
OA : Je crois que les sociétés qui possèdent des marques (comme LVMH), ainsi que les sociétés de jeux, seront les premières bâtisseurs du metaverse, simplement par la vertu des moyens. Pour les sociétés de jeux, c’est aussi une technologie avec l'accès aux meilleurs talents dans la création d'environnements virtuels. Je doute fortement qu'il soit construit par les créateurs individuels. Je pense également que plusieurs startups blockchain plus petites seront acquises par des géants comme Meta, etc. malgré le discours répandu dans l'espace selon lequel web3 "ne se vendra jamais" à Meta.

L'O : Vous participez activement aux conversations sur la place des femmes sur le Web3. Quels sont les principaux défis pour les femmes dans le métaverse et comment devons-nous nous y prendre ?
OA: Le métaverse est techniquement construit par les mêmes personnes qui font partie de cette même société biaisée et inégale dans laquelle nous vivons aujourd'hui. La question est de savoir comment briser les barrières existantes et créer un meilleur environnement pour que chacun ait des chances égales. Ceci est une toute autre histoire…

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Olive Allen, Welcome to the Metaverse, image courtesy of Postmasters Gallery, 2022
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Olive Allen, Metaverse Journey #1, NFT, 2022
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Olive Allen, HyperBird, NFT, 2022

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