Quel état d’esprit pour aborder la nouvelle collection Celine signée Hedi Slimane ?
Avec « The Bright Young », Hedi Slimane révèle chez Celine une collection masculine Été 2025 beaucoup moins décalée qu’elle n’en a l’air.
En juin dernier, alors que nombre de créateurs se pressaient à boucler la présentation de leurs collections masculines printemps-été 2025 sur les podiums parisiens avant le passage à l’heure olympique, Hedi Slimane délaissait une nouvelle fois le calendrier officiel et quittait la capitale pour aller travailler ailleurs l’image et la communication de la maison Celine.
Un rituel revendicatif devenu une nécessité pour le directeur artistique, parti cette fois posé ses valises créatives et techniques (c’est lui qui signe également les images) au coeur de l’Angleterre, plus exactement à Holkham Hall dans le Norfolk, superbe propriété familiale du XVIIIème siècle appartenant au Comte de Leicester. Un choix justifié par l’anglomanie avérée d’Hedi Slimane, déjà sujet d’un essai il y a 30 ans de cela, alors qu’il était étudiant à l’Ecole du Louvre. Pour une collection intitulée The Bright Young, en clin d’œil au style de ces jeunes aristocrates londoniens sortis du collège d’Eton, particulièrement hédonistes, épinglés par la presse tabloïd britannique à la fin des Années 20. Parmi des Balfour, Byron, Howard, Guinness,... c'est parmi eux que le jeune photographe Cecil Beaton y commença sa carrière en les photographiant.
Rien d’étonnant donc à ce que l’on retrouve ici cette saison kyrielle de codes esthétiques propres à l’aristocratie anglaise, majoritairement réalisés par les ateliers couture de la maison : costumes entoilés, vestes cricket et boating blazers, rowing jackets gansées, flanelles blanches des Cricket Whites (uniforme du joueur de cricket)… tous sont coupés dans des draps anglais de cachemires d’été 1920 retissés pour l’occasion. Les gilets sont damassés ou brodés à la main de motifs floraux d’époque, de sequins, de cristaux et de perles, et les canetilles patinées des écussons héraldiques reproduisent les techniques de broderie traditionnelle des uniformes militaires du siècle dernier.
On l’aura compris, cette collection jusqu’au-boutiste est réservée aux connaisseurs et ne plaisante ni avec l’héritage historique, ni avec l'époque actuelle. Et les références ne manquent pas pour faire passer le message : la musique est extraite de l’opéra-ballet baroque Les Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau, le nouveau parfum sorti pour l’occasion s’appelle À Rebours en référence au roman de l’auteur français Joris-Karl Huysmans, et le mot d’ordre général est une citation extraite du roman satirique Ces Corps Vils d’Evelyn Waugh, sorti en 1930 : « You don’t hear much about hope these days, do you?… they’ve forgotten all about hope, there’s only one great evil in the world today. Despair. » Food for thought comme disent les anglophones.