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Riccardo Giraudi, un homme de goût

Rencontre à Monaco avec Riccardo Giraudi, fondateur de Beefbar, entre autres concepts culinaires qu’il essaime à travers le monde.
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Photographie par Sergo Corvacho

Quelle était votre vie avant de monter tous ces restaurants ?
Ma vie était très simple. J’ai fini mes études de finance et marketing à Londres il y a vingt ans. Lorsque je me suis mis à chercher un job, chose pas si simple pour quelqu’un qui préférait le marketing à la finance et dont le rêve n’était pas de rentrer chez Goldman Sachs comme tout le monde à l’époque, j’ai intégré la première société de presse et de relations publiques spécialisée dans les restaurants. On était deux, ma boss et moi. Je travaillais pour des restaurants très lifestyle comme Hakkasan ou Momo’s, et c’est de cette façon que j’ai commencé dans la restauration. Après plus d’un an, je suis rentré pour gérer les affaires familiales. Et là, mon travail était essentiellement financier. Alors j’ai décidé d’importer ces viandes de luxe très rares et de leur trouver un écrin pour les faire goûter. Ainsi est né Beefbar. Avec mon expérience à Londres, j’ai su rendre la viande plus tendance qu’elle ne l’était. Cette proposition n’existait pas à Monaco où se côtoyait uniquement des étoilés Michelin ou des trattorias. La clientèle étant là, je me suis donc lancé. 

Quel est le concept de Beefbar ?
Il a beaucoup évolué depuis ses débuts. Beefbar est un endroit chic qui propose de la country food. Je pense qu’aujourd’hui on préfère payer cent euros pour manger un incroyable kebab de Kobe que pour un chapon rôti à la truffe. Si on devait comparer Beefbar à un style, je dirais qu’on est plutôt le sac à dos Prada ou la sneaker Chanel que le smoking Valentino. J’ai voulu m’éloigner de la gastronomie avec ce restaurant, je ne suis ni chef ni cuisiner, je suis un chef d’orchestre qui propose des lieux avec un art de vivre et où tout est une question de détails.

Vous maîtrisez l’art de recevoir à la perfection, tous vos restaurants, comme le célèbre Anahi, sont superbement décorés et vos cartes font plus que saliver. C’est votre signature?
On joue sur les contrastes. Le goût du détail, des produits décalés et d’extrême qualité, mais à connotation populaire. On propose évidemment un steak-purée, mais pas que...

Quel serait votre plan de table rêvé ?
Je voulais être pianiste, mais n’étant pas assez doué et n’ayant pas assez de temps à consacrer au piano, j’ai arrêté. Quoi que vous fassiez, il faut faire partie des dix meilleurs au monde, sinon c’est comme si vous n’existiez pas. Étant donc mélomane, mon plan de table rêvé compterait Mozart, Chopin, Rachmaninov et Beethoven.

Quels sont les éléments clés d’un dîner réussi?
Il n’y a pas de règles. C’est une question d’ambiance, d’énergie du moment, d’alchimie qui doit fonctionner entre le lieu, les convives et le service.


Vous avez reçu L’Officiel à Monaco, ce Rocher mythique où vous avez grandi. Quel rôle a joué celui-ci dans votre réussite ?
Sans Monaco, je n’en serais pas du tout là parce que ce Rocher est un monde de contacts où les plus grandes personnalités se retrouvent. Pour pouvoir faire grandir une marque, il faut non seulement des clients, mais également des investisseurs, et Monaco fait rêver. C’est aussi une sorte de laboratoire dans la mesure où si on réussit ici, on a beaucoup plus de chance de réussir ailleurs. À Monaco, il y a une clientèle hyper-exigeante, gâtée et riche, mais ce n’est qu’une partie de la population. Pour qu’un restaurant marche, il doit fonctionner 365 jours par an, midi et soir. Il faut savoir s’adapter autant à un touriste qu’à un homme d’affaires, placer chacun avec tact, ne pas mettre la femme et la maîtresse du mari côte à côte. Grâce à Monaco, j’ai compris mieux que d’autres comment m’occuper de ces gens-là puisque je les côtoie.


L’identité de vos restaurants est très travaillée, avec qui collaborez-vous ?
J’ai commencé avec Emil et Christophe, les fondateurs du cabinet d’architectes Humbert & Poyet. On a grandi ensemble et on s’est aidé mutuellement dès nos débuts. Après, tout ce qui concerne le choix des assiettes, les tenues des serveurs et les recettes, c’est moi qui gère.

Vous avez des ouvertures prévues dans le monde entier, pouvez-vous nous en toucher quelques mots ?
Beaucoup de mes projets sont orientés sur Beefbar avec des ouvertures à Porto Cervo, au Qatar, à New York, Milan et Rome. Je développe également d’autres marques, avec des concepts accessibles. J’aime ne pas travailler que dans le luxe.

Et vous n’avez rien de prévu à Paris?
Si, j’ai signé un deal avec le Relais de Paris, on va faire également des Relais Beefbar avec une carte plus réduite et des prix plus abordables. Ils seront beaucoup moins “soir”.

Homme de goût, la mode vous intéresse-t-elle ? 
À 44 ans, je suis beaucoup moins addict. Tous mes copains, comme Alexandre Mattiussi d’AMI, sont des créateurs de mode ou travaillent dans la mode, je leur laisse cet univers.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune entrepreneur qui voudrait se lancer comme vous ?
Si c’est pour gagner de l’argent, mieux vaut renoncer. Un restaurant qui marche très bien rapporte relativement peu. Et un restaurant qui ne marche pas bien perd beaucoup. Pour faire mon métier, il faut aimer servir et surtout aimer les autres.

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