Rencontre avec le Hit Boy Earl Cave
Il aurait pu être attiré par la mode – sa mère Susie Cave a créé la marque Vampire’s Wife – ou par la musique – il joue depuis l’enfance avec les instruments de son père Nick Cave. Mais c’est le cinéma qui a attiré Earl Cave comme un aimant. À 19 ans, il a déjà enchaîné des seconds rôles décalés dans Born to Kill et la série The End of the Fucking World où sa présence éclate au moindre plan. Sa beauté lunaire se teinte souvent de mélancolie, une attitude à peine démentie par les clichés spontanés de délires entre potes postés sur son compte Instagram @psychoearly, notamment avec son meilleur ami Jimmy Fox, le fils photographe de Bella Freud. Ce n’est pas un hasard si ce skater invétéré fait partie du groupe de “muses” d’Alessandro Michele chez Gucci : doté d’une classe incontestable, il porte des tatouages en constellation d’étoiles, une nuée de bagues de biker en argent chinées dans le spot à bijoux des punks et adeptes du heavy metal à Londres : The Great Frog (voir photo). Gentil et drôle selon ses partenaires à l’écran, il possède aussi, évidemment, un goût impeccable en matière de musique. Inscrits à son panthéon personnel : Van Morrison, David Bowie, Bob Dylan ou encore la grande Karen Dalton. La musique semble d’ailleurs le suivre naturellement sur grand écran dans deux projets singuliers tournés en 2019. Il a d’abord été remarqué l’été dernier au festival de Locarno pour son rôle central dans Days of the Bagnold Summer, réalisé par Simon Bird, dont le groupe Belle and Sebastian a composé la bande originale. Earl y joue un gamin boudeur de 15 ans, fan de Metallica et de heavy metal, qui balance entre spleen et maladresse, face à ses parents divorcés. Son père vivant en Floride, et sur le point d’avoir un autre enfant, annule au dernier moment ses vacances avec lui, le laissant collé avec sa mère dans une banlieue anglaise triste pendant l’été. Un pic de la non-communication inhérente à la relation mère/ado est atteint. Autre continent, autre forme de violence, moins larvée cette fois, avec le rôle qu’il interprète dans The True History of the Kelly Gang, de Justin Kurzel : Dan Kelly, le petit frère extraverti et énervant de Ned Kelly, fameux bandit australien mort à 25 ans en 1880. Hors-la-loi légendaire déjà joué dans les seventies par Mick Jagger puis par Heath Ledger en 2003, Ned Kelly est l’équivalent pour l’Australie de Billy the Kid aux États-Unis, et aussi un sujet de ballades pour les troubadours modernes comme Johnny Cash ou Waylon Jennings. Les acteurs qui jouent les membres du gang (George MacKay, Sean Keenan, Louis Hewson et, donc, Earl Cave) ont d’ailleurs, à la demande du réalisateur, forméle temps du film un groupe punk folk, Fleshlight!, pour mieux se souder. Dans la même idée de tribu, ils portent robes blanches en lambeaux et maquillage de cendres pour les attaques de banque, une technique mise au point par Kelly afin de donner un côté sauvage et fantomatique à sa bande. Une dégaine sur mesure pour Earl, qui semble promis à hanter longtemps le grand écran.
Days of the Bagnold Summer, de Simon Bird, et The True History of the Kelly Gang, de Justin Kurzel, sur les écrans en 2020.