Annelise Michelson : "Mes bijoux habillent des femmes plurielles"
C’est en 2012 qu’Annelise Michelson lance sa marque de bijoux éponyme. La parisienne bouscule alors les codes de la bijouterie fantaisie précieuse traditionnelle par son audace, ses volumes puissants et sa pointe rock. Depuis, la jeune femme a acquis une reconnaissance internationale et a réussi à imposer des pièces signatures — notamment la bague Drapée, la gourmette Déchaînée, le collier boyfriend Wire, ou les créoles Vertigo. Rencontre avec la plus pointue des créatrices de la capitale.
L’Officiel : Comment êtes-vous passée de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne au lancement de votre propre label ?
Annelise Michelson : Je n’étais initialement pas du tout destinée à faire du bijou. Mon rêve d’enfant était d’évoluer dans la Haute Couture, qui est un savoir-faire sculptural vestimentairement parlant. Malheureusement, il n’y avait pas de travail dans le milieu lorsque j’ai démarré. J’en suis arrivée au bijou totalement par hasard, lors d’un shooting photo où j’ai dû en créer. Ayant grandi dans des ateliers d’artistes, je possédais une certaine facilité à visualiser l’objet, et je me suis mise à faire l’accessoire très spontanément. Suite à cette expérience, je me suis rendue compte qu’il existait un vrai créneau dans les bijoux fantaisie de qualité. Une fois les photos des bijoux dévoilées, j’ai été surprise d’avoir de premières demandes, puis je me suis lancée très rapidement. Ma proposition était d’avantage sculpturale que ce qui pouvait exister sur le marché à cette période. Je m’éloignais du girly romantique, et je désirais parler à des femmes plurielles. Fini l'ère du bijou figuratif : j’ai eu le désir de donner mon interprétation du bijou qui mute tel un objet design, comme une pièce que l’on garde toute la vie. En toute transparence, mes bijoux restent de la fantaisie précieuse puisqu’ils ne sont pas fabriqués en or. Pour autant, j’ai osé le parti pris du design plutôt que celui du matériau. Ce même parti pris rend mes pièces plus accessibles, le tout avec la garantie d'un artisanat français de qualité. Bien souvent, le bijou fantaisie est fabriqué à l’étranger et devient périssable en quelques années ; ma proposition est celle d’une pièce qui demeure pérenne dans le temps.
LO : Vos créations sont à la fois très sculpturales et organiques… Ce contraste permanent est-il important dans votre processus créatif ?
AM : Les deux sont intrinsèquement liés. Je n’envisage pas les deux notions comme un contraste mais comme une union. Comme je viens d’une formation initiale en vêtement, j’aime que mes pièces habillent. Aujourd’hui, le vêtement a tendance à s’uniformiser, et le bijou devient l’accessoire qui va vous distinguer, qui va envoyer un message aux autres. C’est pourquoi le sculptural et l’organique vont de paire : ils explorent une certaine recherche de sensualité à travers des volumes. Chaque création véhicule une émotion. Il me semble que tout ceci est au service d’une offre de pièces timeless qui peuvent se réinventer sur toutes les femmes, indépendamment de leur âge ou de leur type.
LO : D’où puisez-vous vos inspirations ?
AM : De beaucoup de choses très diverses ! Je possède des références très classiques, comme l’art, la musique ou l’écriture. Mais l’inspiration peut également provenir d’un mouvement, de l’imperfection d’un objet qui croise ma route, d’une courbe, d’une forme, ou d’une personne dans la rue. Tout est vocation à donner une idée : les gens, la nature, l’architecture, même des débris. Tous ont en commun le fait qu’ils m’impulsent une vision instinctive et inconsciente. Ils sont la traduction d’une émotion qui me traverse, d’un instant donné. C’est pourquoi je considère mon rapport au bijou tel celui que peut avoir une plasticienne avec la matière. Je découvre mon travail en le faisant, je me laisse surprendre.
LO : Votre dernière collection, Unity, esquisse un retour aux origines terrestres — où chacun trouve à nouveau sa place dans l’univers tout entier. Cette thématique vous a-t-elle été inspirée par le confinement ?
AM : J’ai lu La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben pendant le premier confinement. Cet ouvrage délivre un très beau message de solidarité et d’espoir qui a mûri en moi tout l’été. Le lien entre les arbres, mais aussi entre nous malgré l’éloignement, forme un tout : tout n’est qu’un, et tout n’est qu’un avec l’univers. Plus ma réflexion avançait, plus j’ai outrepassé la seule intention de parler de l’union. Je travaille avec une pâte, la plasticine — une sorte de pâte à modeler assez malléable — pour voir ce qui sort de mes idées, des volumes qui transposent mes idées. Avec Unity, j’ai revisité tous mes bestsellers : la bague de doigt, les bracelets de bras, les chokers, les manchettes, les créoles, les boucles d’oreilles uniques. J’ai ainsi déployé les pièces iconiques de la maison. Au final, il en ressort une collection assez vaste, qui sera dévoilée sur 3 temps tout au long de l’année. Encore un parti pris qu'est celui de développer ce thème d’union sur une année entière, puisqu’il s’agit là d’une thématique forte et importante. J’ai cette réelle volonté de la faire perdurer dans le temps. Ici, toutes les déclinaisons ont du sens. Alors que mes anciennes collections étaient ponctuées d’un seul item manifeste, celle-ci se présente plus forte et féminine, et se destine à être accessible à plus de femmes. Comme elle a été conçue dans un état d’esprit différent — plus de maturité, peut-être due à l’âge et la sagesse — j’ai réussi à exprimer des intentions qui m’importent autrement.
LO : Quelle serait votre muse Annelise Michelson rêvée ?
AM : Je suis influencée par beaucoup de femmes. Impossible de ne penser qu’à une seule personne. Quoi qu’il advienne, ce sont toujours des femmes créatives, originales, avec une personnalité libre. Je possède beaucoup d’amies artistes qui m’intéressent, m’interpellent et m’inspirent au quotidien. Au-delà du cercle proche, des femmes individuelles, des peintres, des actrices pertinentes dans leur manière de jouer ou par leur aura : tout est vraiment une question de personnalité. C’est aussi ce pourquoi toutes les femmes peuvent se sentir incarnées via un bijou Annelise Michelson : car ma "muse" est plurielle. Au choix, une pièce peut-être audacieuse, sage, punk, féminine ou sensuelle. Nous sommes toutes un peu de de ça, et avons envie de changer de jeu au fil des jours et de nos humeurs. Mes créations parlent de nos envies, nos évolutions. Elles ont vocation à nous amuser, à nous laisser transporter, à créer notre histoire et notre personnage.
LO : Quel a été votre premier émoi mode ?
AM : Enfant. Chez mon parrain, qui était tailleur et baignait dans les chutes de tissus toute la journée. Il était obsédé par Gianni Versace et par toutes les campagnes de Richard Avedon. À ses côtés, je découvrais les shows, à mi-chemin entre des défilés et des performances, des top model des années 90. Les mannequins marchaient dans leurs robes sculpturales et glamour. Il s'en dégageait beaucoup de fantaisie et de joie. C’était un univers où les gens avaient l’air de s’amuser. Toute cette beauté, c’était incroyable à mes yeux de petite fille ! C’est pourquoi j’ai eu envie de faire partie de ce monde et d’habiller à mon tour ces superbes créatures.
LO : Et celui lié au bijou ?
AM : Ma mère. Quand elle sortait, elle mettait toujours des bijoux très marqués. C’était la fin des années 80. J’allais dans sa boite à bijoux les lui voler et les essayer. Elle n’avait que de grosses pièces : boucles d’oreilles et colliers en particulier. Quand elle ouvrait son écrin à bijoux, il émanait quelque chose de sensationnel et de magique. L'accessoire la transformait. Je me souviens d'elle qui sortait le soir, parée de ses bijoux, laissant sa trainée de parfum derrière elle — le tout sublimée du makeup de l’époque. Comme elle avait les cheveux courts, les bijoux étaient visuellement puissants, bien mis en valeur. C’était fabuleux. Toutes ses pièces étaient évidemment sculpturales et organiques. La tendance statement était très emblématique de l’époque. C’est d’ailleurs ça que j’ai souhaité ramener lorsque j’ai lancé ma marque éponyme. Lorsque je me suis lancée, la mode était aux choses très fines, avec de temps en temps un petit diamant. Il ne fait nul doute que mon envie de revenir aux pièces statement vient de l’image de ma mère ; d’elle qui se rendait à l’opéra, avec ses bijoux incroyables.
LO : La Femme Annelise Michelson en 3 mots?
AM : Audacieuse. Libre. Statement.
La collection "Unity" est disponible sur le site web Annelise Michelson.
@annelisemichelson