Le palace nouveau est arrivé
Privilégier l’ultra-local
Paradoxe ultime, réhabiliter l’hospitalité semble une posture avant-gardiste dans le paysage hôtelier traditionnel où, jusqu’ici, le groupe international faisait figure d’autorité. Pour Sharan Pasricha, “un hôtel ne doit plus être une marque qui s’impose à la ville et fait fuir les résidents locaux”, mais, au contraire, “un lieu où les touristes ne se sentent plus touristes. S’implanter dans un pays, dans un quartier même, n’est jamais anodin, poursuit-il, ça nécessite des précautions particulières, une manière de communiquer différente”. Le tout premier Hoxton Paris, ouvert récemment dans le 2e arrondissement, devrait employer et faire intervenir des résidents du Sentier. Olivier Bon, cofondateur de l’Experimental Group, qui a ouvert cet été le très remarqué Henrietta Hotel à Londres, constate : “Nous avons de plus en plus de clients habitués des palaces ou des 5 étoiles traditionnels. De nombreux voyageurs veulent une expérience lifestyle, profiter des parties communes, fréquenter des locaux et finalement se sentir plus en immersion dans la ville que dans des codes du luxe.” Ainsi, aux commandes du restaurant on trouve le chef londonien Ollie Dabbous, dont les deux tables dans les quartiers de Fitzrovia et de Covent Garden sont essentiellement fréquentées par des Londoniens. Et au MOB Hotel, nouveau lieu alternatif ouvert aux puces de Saint-Ouen par un ancien du Mamma Shelter, les riverains peuvent louer un potager privé et participer à la vie de l’établissement.
Enchanter le client roi
Si le boutique-hôtel existe depuis presque quarante ans et que des entrepreneurs comme André Balazs (the Mercer, Chiltern Firehouse et la deuxième vie du Chateau Marmont) ou Nick Jones avec les Soho House ont contribué à élever l’hôtellerie de niche plus haut encore que les palaces, force est de constater que son avènement s’est accéléré avec celui de l’ère de la réservation en ligne et l’explosion d’Airbnb. Pour Wai-Ming Lung, consultant en hôtellerie et fondateur du site Orgyness, “les habitus dans l’hôtellerie de luxe ont fortement évolué avec l’avènement de nouvelles générations de consommateurs, qui manifestent également leur identité par une forme de rupture. Il y a parfois l’abandon d’un classicisme empesé, rigide et fortement ritualisé : un désir de simplification et d’appropriation qui mène à ce qu’on appelle désormais de la ‘sophistication informelle’. ” Déco presque systématiquement signée par des pointures du milieu, choix minutieux des équipements et surtout importance capitale des chefs et barmen, les jeunes hôteliers multiplient les partis pris, quitte à faire l’impasse sur les contraintes de classification 4 ou 5-étoiles : “Dans la plupart des hôtels de luxe, les lieux de vie commune sont trop souvent là pour répondre à des critères de classification, mais ne prennent pas en compte les vraies attentes des voyageurs. Ainsi, le service et l’offre des restaurants et des bars sonnent la plupart du temps faux”, constate Olivier Bon.