"Basquiat × Warhol, à quatre mains" : l'expo à ne pas manquer à la Fondation Louis Vuitton
L’exposition "Basquiat × Warhol, à quatre mains", qui se tient à la Fondation Louis Vuitton à Paris jusqu’au 28 août, illustre magnifiquement comment les deux artistes new-yorkais ont joué de leurs différences pour créer une œuvre commune, aussi mal comprise à ses débuts qu’admirée aujourd’hui.
Pendant un peu plus de deux ans et demi, de fin 1983 à septembre 1985, Andy Warhol (1928-1987) et Jean-Michel Basquiat (1960-1988) ont réalisé ensemble plus de 160 œuvres, qui associent peinture et sérigraphie. Étant donné la notoriété immense de l’un et de l’autre, l’épisode est devenu légende. Une légende qui commence le 4 octobre 1982 quand le galeriste suisse Bruno Bischofberger met les deux artistes face-à-face… L’histoire raconte alors que Andy Warhol, 54 ans, star internationale du pop art depuis deux décennies, accepte de recevoir à la Factor, un jeune homme de 22 ans, un peu musicien et un peu peintre, qui a exposé pour la première fois deux ans auparavant dans une manifestation collective et dont la notoriété se réduit au cercle de ses amitiés. Basquiat le sait : s’il obtient l’attention de Warhol, ce sera pour lui le début de la reconnaissance ! Il s’arrange alors pour se faire prendre en photo avec le maître du pop art avant de rentrer chez lui et de peindre, en deux heures dit-on, un double portrait monumental d’Andy et de lui-même qu’il baptisera "Dos Cabezas". Il fait alors porter l'œuvre illico presto à la Factory. Warhol, bluffé par tant de rapidité, de dextérité et d’audace, s’intéresse au personnage au point de vouloir collaborer avec lui. S'ensuit une amitié indéfectible entre les deux hommes et une œuvre commune XXL, à la hauteur de leur talent respectif.
Dialogue entre deux génies
Quand ils travaillent ensemble sur une toile blanche, Warhol intervient souvent le premier par la sérigraphie de logos publicitaires, de fragments de gros titres de presse, de bribes de comics, puis en 1984, en revenant à la peinture directe qu’il a abandonnée depuis vingt ans. Basquiat "vandalise" alors la toile, dessine, écrit, rature, peint des têtes et des corps, couvre parfois le fond de larges zones de rouge ou de vert et laisse visibles les passages de la brosse chargée de couleur et les coulures. À en croire le témoignage du galeriste Bruno Bischofberger (présent lors du vernissage de l’expo à la Fondation Louis Vuitton), l’un commence, s’arrête et laisse la place à l’autre, sortant même de la pièce, puis revient quand l’autre s’interrompt, et ainsi de suite, jusqu’à satisfaction commune. C’est un peu comme une conversation : l’un après l’autre, s’écoutant et se répondant. Si le tableau de la société urbaine blanche, moderne et prospère est enregistré en détail par un archiviste nommé Warhol, un activiste nommé Basquiat projette par-dessus les symboles de l’autre moitié de la population nord-américaine, celle dont il est le premier peintre à avoir été élevé au rang de star. Gigantesques, leurs œuvres ressemblent aux murs des métros, aux façades et aux palissades taguées des quartiers chauds de New York tels qu’ils étaient à l’époque. On y relève des allusions à l’histoire des États-Unis. "Origin of Cotton" renvoie par exemple aux plantations et à l’esclavage. Les visages noirs aux dentitions et aux tatouages polychromes dont Basquiat ponctue les surfaces sont une évocation des stéréotypes racistes, dont il a fait l’expérience comme tout Afro-Américain.
The end
Le 14 septembre 1985, l’exposition de leurs dernières toiles communes dans une galerie à New York se passe mal… Le New York Times traite Basquiat de "mascotte" de Warhol et le jeune artiste, vexé, rompt sa collaboration avec celui qu’il avait tant désiré rencontrer. Ils resteront néanmoins bons amis. Le 22 février 1987, Warhol meurt des suites d’une opération de la vésicule. Basquiat lui dédie alors un triptyque de panneaux de bois récupérés. Une œuvre bouleversante en guise d’épilogue d’une expo qui l’est tout autant.