Cécile Davidovici : "La broderie est un médium merveilleux, méditatif et même réparateur"
A l'occasion de sa nouvelle exposition à la EST Galerie, l'artiste brodeuse autodidacte se confie sur son parcours et ses inspirations.
Pouvez nous en dire davantage sur votre parcours, et sur la façon dont votre vocation artistique s'est révélée ?
J’étais une enfant assez introvertie qui a toujours trouvé un grand réconfort dans les histoires, que ce soit sur les planches grâce au théâtre ou plus tard dans les films que j’ai pu voir, écrire ou réaliser. Pour mes parents, cela allait de soi de nous offrir à ma soeur et moi la chance de faire des activités artistiques. C'était un moyen de forger et d’ouvrir notre perception du monde.
Après le lycée, je fais des études de cinéma et j'ai travaillé dans le milieu du septième art pendant plusieurs années. En 2013, ma mère décède et écrire et mettre en scène des histoires ne me suffit plus. Ce n’est pas assez concret, mais je mets du temps à le comprendre. En 2018, je démarre la broderie tout à fait par hasard, et l’évidence est immédiate. J’ai trouvé mon nouveau médium, celui qui va me permettre de raconter mes histoires, mais cette fois je pourrai les toucher, les sentir dans le creux de ma main.
Quelles ont été vos inspirations majeures, en art mais aussi au cinéma ou dans la pop culture?
J’ai toujours été très sensible à l’attention portée au geste et à la couleur chez les impressionnistes et Post-impressionnistes, notamment chez Claude Monet et Pierre Bonnard. J’aime les mots de Jacques Prévert et le cinéma de Claude Sautet.
Il me semble aussi important de citer Giorgio Morandi et sa capacité à faire vibrer le silence car son travail a été le moteur de notre dernière série de natures mortes, avec David Ctiborsky, qui sera exposée à partir du 13 Octobre prochain à Est Galerie à Paris.
Vous créez de véritables tableaux, mais dont la matière est textile et palpable. En quoi la broderie est t-elle un médium à part selon vous, et comment l'avez vous apprivoisé?
La broderie est un médium merveilleux, méditatif et je dirais même réparateur. Même si cela change petit à petit, il est encore peu exploité dans le monde de l’art contemporain, certainement parce qu’il s’agit d’une pratique vue à travers sa forme domestique. Je le vois bien quand je parle de mon travail, les gens sont très loin de visualiser ce que je fais.
Je suis autodidacte et j’ai vraiment appris et développé ma manière de broder à force d’expérimentation et de recherche. Je m’ennuie rapidement, ce qui me force à constamment essayer d’aller dans une nouvelle direction et pousser la technique encore plus loin. J’aime l’idée que passer du temps avec l’histoire que je brode (et fabrique) à travers les heures que je passe à la manipuler, permet de la rendre plus vivante et ancrée dans l’instant.
Ma collaboration avec David est un exemple fort de ce besoin de recherche constant. Pour notre exposition à quatre mains, David a d’abord travaillé dans son atelier virtuel de composition 3D puis j’ai brodé les images créées. Nous explorons ainsi le dialogue entre le virtuel et le réel et je dois dire que j’adore donner vie à ces objets par le travail du fil. Cela leur offre une présence troublante parce qu'à la présence visuelle s'ajoute quelque chose de tactile.
Quelles œuvres montreriez-vous à quelqu'un qui n'est pas familier de votre travail, et qui symbolisent selon vous votre style et votre identité créative?
Certainement deux portraits en pieds. Le premier est un autoportrait qui s’intitule « La jeune fille au miroir» et le second un portrait de mon amie Louisa que j’ai terminé juste avant de démarrer les natures mortes. Je crois que cette nouvelle série va marquer un tournant dans notre travail avec David.
Sur Instagram, vous donnez à voir votre atelier Parisien. Quels sont les lieux qui vous inspirent et nourrissent votre imaginaire?
Ma mère, de nationalité Argentine, était une grande voyageuse. Nous avons traversé avec elle, sac sur le dos, tant de pays, notamment en Amérique latine! Cela a bien évidemment fortement contribué à nourrir mon imaginaire.
Aujourd’hui, j’aime me retrouver dans le calme de l’atelier et la solitude de la création. Un petit cocon au coeur du chaos de la ville.
Vous êtes suivie par de nombreux abonnés sur Instagram. Dans quelle mesure les réseaux sociaux ont t-il révolutionné notre rapport quotidien à l'art selon vous, et comment réussir à ne pas céder à une certaine uniformisation qui se joue parfois sur Instagram ?
Instagram a permis un accès plus direct à l’art. Il a permis à des personnes comme moi de vivre de leur travail sans passer par un parcours classique.
Je pense que l’uniformisation provient de la course aux likes. Il faut cesser de se comparer et surtout, oublier l’algorithme quand on travaille.
La Vie Silencieuse, Du 13 au 19 Octobre 2023 à la EST Galerie
76 rue Saint Maur 75011 Paris