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Mary Clerté : "Je n’ai aucun snobisme quant au support sur lequel je m’exprime"

Rencontre avec l'artiste et réalisatrice Mary Clerté, qui poursuit son inlassable exploration de la féminité dans sa nouvelle exposition Canine.

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©Nickolas Lorieux

Quel a été votre parcours, et comment votre éveil à l’art s’est il manifesté?

Je dessine depuis l’enfance. Mon père Jean Clerté est peintre, et il a aussi été professeur aux Arts Décoratifs à Paris. Sans vouloir m’influencer, je pense qu'il a marqué mon esprit de conseils avisés comme « Une bonne image parle d’elle-même et se passe de discours ». Après le bac j’ai intégré les Ateliers de Sèvres, qui est une école préparatoire.

Là-bas j’ai vraiment appris à me connaitre, à comprendre comment exprimer ma personnalité à travers une production artistique. Je suis ensuite passée brièvement aux Beaux Arts de Paris, mais je n’ai pas réussi à trouver ma place dans cette école, il me manquait quelque chose. En plus du dessin qui était une forme d’expression naturelle pour moi, j’ai toujours eu l’envie de réaliser des vidéos.

J’ai grandi en regardant MTV durant des heures, avec des clips comme celui de Wicked Game de Chris Isaac. Je ne savais absolument pas comment m’y prendre mais j’ai eu la chance de faire un stage dans la boite de production Partizan où je suis vite devenue assistante, ce qui m’a permis d’apprendre comment marche la fabrication d’un film. Grâce à cette expérience, j’ai pu commencer à réaliser moi-même des clips et des publicités principalement pour des marques de luxe. 

Quelles ont été vos influences artistiques majeures ? 

Enfant, j’étais fascinée par les comédies musicales comme Chantons sous la Pluie. Je ne connais pas de film plus réjouissant esthétiquement et je pense que cela a complétement formé mon œil, et mon goût pour les couleurs et les décors. Plus tard j’ai découvert les premiers films de Roman Polanski comme Repulsion et Rosemary’s baby, puis surtout Hitchcock, j’ai d’ailleurs appelé ma fille Marnie. C’est vraiment le cinéma qui a nourri mon désir de créer des univers à travers des images. 

J’adore des artistes comme Kiki Smith et Frida Kahlo, qui se racontent à travers leur art. Quand je crée une série d’œuvres comme pour ma nouvelle exposition Canine, j’écoute en boucle la même musique pour rester dans une certaine énergie, cette fois ci c’était Les fleurs de Minnie Riperton. 

Vous abordez dans vos travaux le rapport au sauvage, en désacralisant parfois les clichés rattachés à la féminité à travers des représentations originales, à contre-courant des poncifs habituels. Pouvez vous nous en dire davantage ?

Ma première exposition s’intitulait Les voies sauvages et j’y abordais le thème de la maternité et les sensations que j’avais pu ressentir enceinte, ce rêve récurrent dans lequel j’accouchais d’une brebis.

Avec cette nouvelle série Canine je continue d’explorer mon rapport à la féminité. Je suis fascinée par les contrastes et les contradictions derrière les images lisses et glamour; comment le sauvage s’exprime-t-il ? Comment chacun d’entre nous compose avec ses pulsions ? A travers cette série de portraits de femmes, je mène en quelque sorte une enquête. Que dit le regard de ces femmes, à quoi pensent-elles ? Pourquoi leur rouge à lèvre déborde ? Pour moi il n’y a rien de dérangeant là-dedans mais plutôt quelque chose de très humain, finalement. 

Quels sont les lieux ou personnages qui vous inspirent et nourrissent votre imaginaire? 

Ma maman est américaine, et la Californie que je connais à travers des voyages et ses récits est vraiment un lieu qui nourrit mon imaginaire. Je suis entourée de femmes fascinantes que ce soit ma mère, mes sœurs et belles sœurs et aussi mes amies, elles sont toutes des inspirations.  Quand j’ai un coup de blues je me replonge dans les livres qui m’entourent et m’inspirent, j’adore Isabella Blow, Alexander Mc Queen, les anciens catalogues Chanel des années 90. Je les feuillette en écoutant deux trois podcasts sur des faits divers et hop c’est reparti ! 


Vous semblez passer avec aisance d’un univers à l’autre -l’enfance avec votre projet A Spell on you, la réalisation, le lifestyle avec des collaborations remarquées, et l’art contemporain- Avez vous le sentiment que les disciplines artistiques demeurent encore trop cloisonnées, même à l’heure des réseaux sociaux?

J’aime créer des univers et des images, et je n’ai aucun snobisme quant au support sur lequel je m’exprime. Je trouve justement qu’aujourd’hui les marques osent de plus en plus faire tomber les murs, et appeler des artistes pour des collaborations. C’est formidable ! Récemment j’ai créé un coffret de Noël pour le chocolatier À la mère de famille, il n’y a rien de plus galvanisant que de savoir que je rentre dans le quotidien de quelqu’un grâce à un objet. 


 Canine, jusqu'au 12 Mars 2023 à la Galerie Pixi Marie Victoire Poliakoff

https://www.instagram.com/maryclertestudio/

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